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1048. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Je m’étais mis à leur appliquer tout d’abord une forme de critique singulièrement délicate et chatouilleuse ; je me faisais l’introducteur, l’interprète et jusqu’à un certain point le panégyriste de grands écrivains qui allaient se modifiant eux-mêmes pendant que je les peignais, et qui, souvent, par leur prompte métamorphose, déjouaient mes louanges les plus sincères et les plus méritées. — Je dirai tout de suite que pour avoir sous les yeux tout ce que j’ai écrit ex professo sur La Mennais, il faudrait y joindre l’article sur la Correspondance publiée par M. […] Quoique ma retraite du National date à peu près de ce moment, je me gardai bien de me rapprocher de la politique dominante ni d’y tremper en rien ; je me tenais en dehors : c’est à tel point que lorsque M. de Salvandy, à quelques années de là, jugea à propos, à l’époque du mariage du duc d’Orléans, de me faire nommer, sans me consulter, pour la Légion d’honneur et de mettre mon nom au Moniteur dans la même promotion qu’Ampère et Tocqueville, je lui écrivis, en le remerciant de sa bonne grâce, que j’avais le regret de ne pouvoir accepter. […] Quand je me séparai et que je me hasardai à le contredire (sans y mettre jamais de l’hostilité), il ne vit plus dans ma critique que du « marivaudage. » C’était encore, de sa part, de l’indulgence.

1049. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres Les hommes de génie qui sont jaloux de leur réputation ne devroient du moins mettre au jour que de grands ouvrages, puisqu’il ne leur a pas été possible de dérober leur apprentissage aux yeux du public. […] Quelle difference entre les grandes compositions de ces deux peintres, et qui s’avisât jamais de les mettre en paralelle ! […] Carle Maratte aïant été choisi comme le premier peintre de Rome pour mettre la main au plafond dont je parle, et sur lequel Raphaël a représenté l’histoire de Psyché, ce galant homme n’y voulut rien retoucher qu’au pastel, afin, dit-il, que s’il se trouve un jour quelqu’un plus digne que moi d’associer son pinceau avec celui de Raphaël, il puisse effacer mon ouvrage pour y substituer le sien.

1050. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Auguste Lireux que je viens de citer, a écrit deux excellents feuilletons, cette quinzaine, et je l’en loue avec la même sincérité que j’ai mise autrefois à lui faire la guerre. […] Nulle invention, nulle mise en scène, presque nul esprit. […] Pelletan, qui veut qu’on mette de l’imagination dans l’élaboration du travail historique, et qui, l’autre jour, félicitait M.  […] « Ce qu’Alfieri a mis dans Mirrha pour son propre compte, dit M.  […] Les ligueurs mettaient une croix blanche à leur feutre pour se reconnaître dans cette obscurité du néologisme, l’auteur de l’Épître attache toute la mythologie païenne à son chapeau.

1051. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Saint-Marc Girardin défendait les études classiques avec l’autorité qu’il a et la grâce qu’il y savait mettre : notre cœur à nous qui sommes plutôt du vieux monde, était pour lui ; et pourtant notre raison, notre bon sens reconnaissait qu’il y avait du vrai dans les assertions positives du savant qui voulait faire brèche, et qui représentait toute une race vigoureuse d’esprits. […] Sous le précédent Empire, il y a près de cinquante ans déjà, lorsque l’Université eut sa fondation et sa renaissance, bien des débris vivaient encore, bien des germes fermentaient qu’il suffisait de rapprocher et de mettre en contact pour qu’il en sortît des productions variées et puissantes. […] Il a fait taire la querelle, a mis l’union en pratique, en a confié les bienfaits au temps (et le temps de nos jours est rapide) : pour employer des noms déjà cités et qui nous aident à figurer le résultat, il a donné satisfaction à Franklin sans faire réellement tort à Rollin51. […] Mises à leur place, ces notions entrent sans fatigue dans l’esprit des élèves, trouvent plus tard dans la vie leurs applications, et contribuent au plus haut degré à donner à l’enseignement de la chimie son véritable caractère. Enfin, dans chaque lycée, on mettra à profit les ressources de la localité pour fournir aux élèves des occasions d’étude dans les ateliers ou manufactures de l’industrie.

1052. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Cette princesse pleine de mérite et d’esprit, l’aînée de Frédéric et sa vraie sœur par la pensée et par l’âme, mariée au prince héréditaire de Bareith, et peu à sa place dans cette petite cour, se mit un jour, pour se désennuyer, à écrire toutes les peines, toutes les persécutions domestiques qu’elle avait éprouvées avant et même depuis son mariage. […] Il est curieux, pour se donner le sentiment d’un parfait contraste mais d’un contraste qui n’a rien de criant, de la mettre en regard d’un Hamilton ou d’une Caylus peignant avec une finesse malicieuse les beautés de la cour de Charles II ou celles de Marly ou de Versailles. […] Mariée par une boutade de son père au prince héréditaire de Bareith, qu’elle ne connaissait pas auparavant, elle en parle toujours avec estime et affection ; elle l’aima, s’attacha tendrement à lui, et n’eut pas d’effort à faire pour mettre son âme en accord avec ses devoirs. […] Mais ce qu’on peut dire après cette lecture, c’est qu’il y justifie assez bien sa définition, et que, dans cette correspondance de frère à sœur, il se met tout entier par un côté de sa nature, par le côté littéraire, le côté artiste, virtuose et bel esprit. […] Mais Frédéric y met moins de façons, et il n’hésite pas à placer le niveau moyen de l’humanité au-dessous d’une trop sublime espérance.

1053. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Une notice préliminaire, à la fois instructive et élégante, met le lecteur au fait de tout ce qu’il doit savoir pour se plaire tout d’abord dans cette bonne compagnie, pour en entendre à demi-mot les allusions et les badinages habituels, pour en connaître les principaux personnages et tous les entours. […] Ce n’est pas le pire pour elle ; j’entends résonner à mes oreilles le fer, les papillottes ; il est trop chaud… Quel ajustement madame mettra-t-elle donc aujourd’hui ? […] Je suis très touché de la curiosité que vous m’avez témoignée à cet égard ; elle ne vient que de l’intérêt que vous avez pour moi, et cet intérêt sera satisfait de ma réponse ; car si vous mettiez à part les préventions favorables que vous m’accordez, vous verriez que je suis fort heureux d’être si bien traité. […] Je dis qu’on le fasse entrer : je vois un homme grand, assez bien mis, qui me demande si je ne le reconnais pas : — Est-ce que vous ne vous souvenez pas. […] Vous m’avez demandé un jour ce qu’il me faudrait pour me mettre dans mes affaires ; vous m’avez acheté un âne et une charrette ; ça m’a porté bonheur.

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