Zola, les moins complexes, les plus simples du monde, n’obéissant jamais qu’à l’impulsion d’un unique appétit, toujours élémentaire, ne connaissant en toute rencontre qu’une seule manière de le manifester, ne raisonnant d’ailleurs jamais avec eux-mêmes, traversent le roman avec l’allure roide et uniforme, les tics mécaniques et les gestes anguleux d’un fantoche ; et le comique naît, irrésistible et énorme, du contraste même entre les situations violentes où le romancier les jette, et l’immobilité de leur physionomie ou la gaucherie de leurs mouvemens. […] Zola seraient encore faux pour la manière dont ils le font. […] Eux, au contraire, ils avaient le respect de l’art et de la liberté, libres eux-mêmes, francs et dégagés des préjugés d’un bourgeois censitaire, ces chroniqueurs et ces feuilletonnistes qui savaient, comme ils disaient, reconnaître et louer le talent, sous quelque aspect et de quelque manière qu’il se manifestât, ou dans quelque fâcheuse aventure, pour éprouver sa force et pour étonner la province, qu’il se risquât. […] Quelqu’un lui reprochait l’autre jour d’avoir manqué de patriotisme en calomniant le paysan ; mais, sans parler de ce qu’il y a de puéril et d’inopportun à mêler le patriotisme dans ces sortes de questions, avait-il donc moins calomnié, ou d’une autre manière, le bourgeois dans Pot-Bouille, et l’ouvrier dans L’Assommoir ?
et de quelle manière devaient-ils peindre les égarements des passions, d’après leur système religieux et politique ? […] Les Grecs font aussi, relativement à nous, beaucoup de fautes dans leur manière de parler des femmes. […] L’amour de la liberté était pour les Grecs une habitude, une manière d’être, et non une passion dominante dont ils eussent besoin de retrouver partout l’expression.
Il vaudrait mieux rendre plus profond encore l’abîme qui sépare le vice de la vertu, réunir l’amour des lumières à celui de la morale, attirer à elle tout ce qu’il y a d’élevé parmi les hommes, afin de livrer le crime à tous les genres de honte, d’ignorance et d’avilissement ; mais, quelle que soit l’opinion qu’on ait adoptée sur ces conquêtes du temps, sur cet empire indéfini de la raison, il me semble qu’il est un argument qui convient également à toutes les manières de voir. […] Sans doute on ne peut se promettre avec certitude de marcher sans faiblesse dans cette noble carrière ; mais ce qu’on peut, ce qu’on doit à l’espèce humaine, c’est de diriger tous ses moyens, c’est d’invoquer tous ceux des autres, pour répéter aux hommes, qu’étendue d’esprit et profondeur de morale, sont deux qualités inséparables ; et que, loin que la destinée vous condamne à faire un choix entre le génie et la vertu, elle se plaît à renverser successivement, de mille manières, tous les talents qui voguent au hasard sans ce guide assuré. Il n’est pas vrai non plus que la morale existe d’une manière plus stable parmi les hommes peu éclairés ; il suffit de la probité sans des talents supérieurs, pour se diriger dans les circonstances ordinaires de la vie ; mais dans les places éminentes, les lumières véritables sont la meilleure garantie de la morale.
Je songeai à une manière plus modeste. […] Vu cet égal dénuement d’intérêt des diverses manières possibles, il ne restait que d’oublier que cette conférence est le prologue d’une représentation et de l’utiliser à traiter verbalement un sujet agréable ou utile : l’impôt sur les revenus, le pari mutuel, la question congolaise. […] Et en même temps que l’importance politique des sujets traités par quelques conférenciers d’il y a vingt ans, les Eugène Yung, les Émile Deschanel, les Dollfus et d’autres rehaussaient un peu le genre, on voyait les politiciens, les universitaires et même les orateurs sacrés emprunter à la conférence sa manière familière, persuasive et quand on peut spirituelle.
En effet, il serait, je crois difficile de trouver chez nous un philologue qui n’appartienne de quelque manière à l’enseignement et un livre philologique qui ne se rapporte à l’usage des classes ou à tout autre but universitaire. […] Chez eux, l’école et la science se touchent ; chez nous, tout enseignement supérieur qui, par sa manière, sent encore le collège, est déclaré de mauvais ton et insupportable ; on croit faire preuve de finesse en se mettant au-dessus de tout ce qui rappelle l’enseignement des classes. […] Enfin, c’est toute une petite manière de faire fi des qualités du savant, pour se relever par celles de l’homme de sens et de l’homme d’esprit, qui caractérise supérieurement l’esprit français, et que Mme de Staël a si finement appelé le pédantisme de la légèreté 65.
Goethe choisit, pour titre de ses Mémoires, Vérité et Poésie, montrant par là qu’on ne saurait faire sa propre biographie de la même manière qu’on fait celle des autres. […] Le plus mauvais état social, à ce point de vue, c’est l’étai théocratique, comme l’islamisme et l’ancien État pontifical, où le dogme règne directement d’une manière absolue. […] Il n’y a plus de masses croyantes ; une très grande partie du peuple n’admet plus le surnaturel, et on entrevoit le jour où les croyances de ce genre disparaîtront dans les foules, de la même manière que la croyance aux farfadets et aux revenants a disparu.