Le premier pamphlet de Courier est sa Pétition aux deux Chambres, datée du 10 décembre 1816, et commençant en ces termes : « Je suis Tourangeau, j’habite Luynes sur la rive droite de la Loire, lieu autrefois considérable, que la révocation de l’édit de Nantes a réduit à mille habitants, et que l’on va réduire à rien par de nouvelles persécutions, si votre prudence n’y met ordre… » Suit l’exposé des faits, la rencontre de Fouquet à cheval allant au moulin, et du curé avec le mort qu’on mène au cimetière, Fouquet refusant de céder le pas, d’ôter le chapeau, lâchant même un juron au passage, et, pour ce méfait, pris un matin par quatre gendarmes et conduit pieds nus et mains liées entre deux voleurs aux prisons de Langeais ; puis, quelques mois après, l’arrestation de douze personnes dans ce petit endroit de Luynes, toutes enlevées nuitamment et jetées en prison pour propos séditieux ou conduite suspecte. […] Lui, il indique en plus d’un endroit son idéal, son prince favori qu’il discerne déjà et qu’il désigne pour ses qualités honnêtes, bourgeoises, non courtisanesques, pour son économie surtout, et qui n’est autre que le duc d’Orléans d’alors (Louis-Philippe) : « Je voudrais qu’il fût maire de la commune ; j’entends s’il se pouvait (hypothèse toute pure) sans déplacer personne ; je hais les destitutions. » Il le signale en toute rencontre pour le prince de son choix, et à tel point que, s’il avait vécu, il eût été bien embarrassé ensuite pour faire autre chose que de battre des mains, tant il s’était lié à l’avance par ses éloges. […] Courier, et dont l’un était déjà mort au moment de ce second procès ; il les accusait de l’avoir poussé à l’acte, de l’y avoir conduit et d’avoir fait de lui leur instrument, eux présents sur les lieux et lui forçant la main ; il prétendait prouver qu’ils avaient à cette mort plus d’intérêt que lui.
Il lisait plume en main et en réfléchissant : « Au sortir du collège, on me mit dans les mains des livres de droit ; j’en cherchai l’esprit. » Cet esprit des choses du droit et de l’histoire fut la recherche de toute sa vie : il ne se reposa que quand il crut l’avoir trouvé. […] Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires.
Il se remit en marche vers la Jérusalem de la religion et de la poésie, le casque en tête et le glaive à la main, comme un des chevaliers du Tasse, et non sans se laisser aussi surprendre en chemin par les enchantements ; il entra dans la Cité sainte reconquise par l’arc de triomphe ou par la brèche (je ne sais trop), mais en plein soleil, tandis que M. […] Et à ceux qui voulaient des images douces, Chateaubriand avait, à pleines mains, à en offrir de telles, de charmantes et de parlantes toujours : on lut le chapitre « Des rogations », et l’on pleura. […] L’État se fût-il abîmé après eux, et en partie par eux, croyez-le bien, ils n’ont jamais fait aucune faute ; ils n’ont pas un reproche à se faire, et, la main sur le cœur et la tête haute devant Dieu, ils le jureraient.
Quelqu’un, ces jours passés, m’a sommé de lui en donner un extrait ; je me suis fort excusé sur ce que l’original n’était pas entre mes mains, ce qui fit une scène semblable à celle qui se trouve dans Le Joueur, où M. […] Aussi suis-je, après ce dernier et pénible acte de mes faibles et tremblantes mains, tout aussi tranquille sur le sort de ma famille que je le suis par rapport au mien propre, dans ce moment où je viens de remettre mon âme entre les mains de l’Être infiniment bon par qui elle existe, et qui ne l’a sans doute appelée à l’existence que pour la félicité.
Il énumère tel assemblage fortuit de traits, telles voix, telles mains, tel port, tel regard, tel tic personnel ; sans essayer de rendre logique ou d’expliquer ce signalement : il place son personnage dans un milieu décrit, le lance dans une aventure quelconque et ses particularités morales viennent accentuer peu à peu sa délinéation physique. […] Cet art de clair-obscuriste, où des touches de lumière, placées, comme il semble, au hasard, font conjecturer des perspectives infinies, — une série de conversations, de petits faits insignifiants, des traits de caractère sans conclusion, un chuchotement, un serrement de mains, un coup d’œil, suffisent à M. […] « Mais peut-on échapper à des mains quelconques ?
Germinal est, pour des causes diverses, entre les mains de tout le public et de tous les lettrés. […] Choisissant parmi ses semblables et dans les grands phénomèmes naturels ceux qui manifestent quelque emportement, les pétrissant de ses popres mains, servant indistinctement aux hommes et aux choses les impérieuses effluves qui sourdaient en lui, il rend colossales les âmes et les forces. […] D’une main tout aussi experte, M.