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338. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Et devant un homme qu’on estime, à qui on trouve du mérite, un fonds solide et spirituel, de l’avenir, mais des défauts, mais des idées qui font lieu-commun parfois, mais un ton qui vous a choqué souvent, s’il le faut juger, on ne sait d’abord comment dire, comment lui concéder sa part sans adhérer, fixer ses propres restrictions sans lui faire injure. […] La tradition en littérature mérite donc grandement qu’on la défende ; mais, dans les termes où M. […] S’il lui est arrivé plus d’une fois de déprécier des livres d’un mérite fin, il en a souvent préconisé d’insignifiants. […] Saint-Marc Girardin dans sa ligne aussi, avec ses charmants mérites d’esprit sceptique et dégagé ; M. […] L’objet naturel, le devoir d’un tel ouvrage ne serait-il pas d’indiquer dans l’auteur négligé ce qui est à lire par échantillon, ce qui mérite d’en survivre, et ce qu’on en peut sauver d’agréable après des siècles ?

339. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Que d’Ouvrages ils ont enfantés pour prouver à l’Homme que l’Homme n’est qu’une machine, qu’il n’est point libre, qu’il n’a aucun mérite d’être vertueux ! […] Ce sont des Philosophes qui ont décrié & réduit à fort peu de chose le mérite de l’inimitable Lafontaine [Voyez l’article de ce Poëte], qui ont appelé la satire un métier facile & méprisable, & prétendu que le plus grand honneur qu’ait pu recevoir Corneille, c’est que M. de Voltaire ait daigné le commenter [Voyez l’art. Condorcet], qui déclament contre l’imagination & la Poésie, qui réduisent le mérite des Vers au seul mérite de la pensée [Voyez l’art. […] Il veut à toute force me ravir le peu de mérite que les Trois Siecles supposent, & ne me laisser que les haines qu’ils m’ont attirées.

340. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

« D’ailleurs, ajoutait-il, Despréaux est un garçon d’esprit et de mérite que j’aime fort. » Lié avec les Sarasin, les Benserade, et ces anciens beaux esprits qu’il appelait encore les virtuoses, il eut le tact et le bon goût d’accepter, de deviner les mérites originaux et naissants : il fut l’un des premiers à sentir et à pousser La Bruyère. […] Mais ce qui reste vrai et ce qu’il importe de bien remarquer, c’est que le mérite de M. de Turenne, à force de persister et d’éclater à tous les yeux, finit par désarmer Bussy, qui écrivait à Mme de Sévigné, le 20 mars 1675 : « Je ne réponds point à vos nouvelles du mois de janvier… Je vous dirai seulement que j’aime autant M. de Turenne que je l’ai entendu haï ; car, pour vous dire la vérité, mon cœur ne peut plus tenir contre tant de mérite. » Et au moment de la mort du grand capitaine : « Je suis si rempli du mérite du maréchal de Turenne que je ne puis me lasser d’en parler, et quand je suis épuisé sur cette matière, je redis ce que les autres ont bien dit. » Et il transcrit l’éloge que Guilleragues, secrétaire du cabinet, avait fait de lui dans la Gazette. — On sait, de plus, que le premier président de Lamoignon s’était mis en tête de réconcilier Bussy avec M. de Turenne, et qu’il y avait trouvé ce grand homme tout disposé.

341. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Lorsque de nombreux esprits sont captivés et retenus par un récit, au lieu de s’étonner et de rire de la banalité de l’histoire et de la simplicité des lecteurs, il vaut mieux chercher, comme une leçon, le mérite de l’écrivain. […] Ce peuple s’emplit l’âme de fables qui n’ont aucun mérite supérieur de beauté, de moralité, de vérité. […] Elle est humaine, elle est consolante : c’est la rénovation par le repentir, l’ascension du coupable, hors du crime, jusqu’aux limites où l’expiation surabondante couvre la faute, et la transfigure en une occasion de beauté morale, où le repentir dépasse l’innocence, et va plus loin qu’elle, dans le mérite devant Dieu et dans l’admiration émue des hommes. […] Ils la connaissaient sous ses divers aspects, égalité de nature, égalité dans la souffrance et dans le mérite, égalité devant la mort, égalité dans la destinée immortelle, et, s’ils étaient tentés de l’oublier, un grand fait venait la leur rappeler, et c’était, aux mêmes fêtes chrétiennes qui les réunissaient, la participation de tous aux mêmes sacrements, la même dignité morale reconnue aux maîtres et aux serviteurs, aux riches et aux pauvres, égalité, en somme, la plus parfaite, puisqu’elle s’opère par la commune grandeur des hommes. […] L’auteur demandait qu’on essayât, peu à peu, de substituer aux fantaisies puériles et dénuées d’art des feuilletonistes quelques œuvres recommandables par le mérite du fond et de la forme.

342. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Elle se confiait & dans ses propres forces & dans le mérite de ses chefs. […] Le mérite de ces deux ouvrages suppléait au silence de l’Auteur. […] On a vu des Poëtes, avec moins de mérite, être infiniment moins modestes. […] Mérite rare, & trop négligé par nos tragiques. […] On applaudit à la forme & au mérite de l’ouvrage.

343. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Le jeune Saint-Simon fut donc élevé auprès d’une mère, personne de mérite, et d’un père qui aimait à se souvenir du passé et à raconter mainte anecdote de la vieille Cour : de bonne heure il dut lui sembler qu’il n’y avait rien de plus beau que de se ressouvenir. […] Saint-Simon ne peut rencontrer ainsi une figure qui le mérite sans s’en emparer et la faire revivre. […] Tout cela ensemble forme un air modeste· et de grandeur qui imprime du respect : elle a d’ailleurs toute la beauté d’âme qu’une personne de qualité doit avoir, et elle ira de pair en mérite avec M. le duc de Saint-Simon son époux, l’un des plus sages et des plus accomplis seigneurs de la Cour. […] Les différents endroits où il parle de lui sont d’admirables pages d’histoire ; le marquis n’a pas parlé de son père en des termes plus expressifs et mieux caractérisés que ne le fait Saint-Simon, qui n’y a pas mis d’ailleurs les ombres trop fortes : tant il est vrai que le talent de celui-ci le porte, nonobstant l’affection, à la vérité et à une sorte de justice quand il est en face d’un mérite réel et sévère, digne des pinceaux de l’histoire. […] Saint-Simon n’avait pas, il est vrai, le génie politique ; bien peu l’ont, et le marquis d’Argenson, avec tout son mérite comme philosophe et comme administrateur secondaire, n’en était lui-même nullement doué.

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