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14. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

On ne sent pas la lumière pour sentir, mais pour agir et mouvoir. […] La forme de la lune ou celle d’une étoile s’impose à nous autant que les sensations élémentaires de lumière dont elle est la combinaison. […] On ne fait pas plus de photographie sans plaque sensible à la lumière qu’on n’en fait sans la lumière qui la modifie, mais la part que prend la plaque n’est nullement de la spontanéité. […] Une seconde bougie ajoutée à une première produit une quantité de lumière plus forte, et voilà tout. […] De même, le sentiment de différence n’est pas un état de conscience simple et un, car nous venons de voir qu’il suppose, par exemple, le résidu de la sensation de lumière, la sensation d’obscurité, le sentiment de conflit au moment où la sensation d’obscurité a remplacé celle de lumière ; et ce conflit, nous l’avons vu encore, enveloppe une résistance, une sensation d’obscurité résistant à celle de lumière et résistant même au point de la supprimer sous sa forme vive.

15. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

S’il y fait tomber la lumière, il sait l’en pénétrer. […] S’il élève un brouillard, la lumière en est affaiblie, et à son tour toute la masse vaporeuse en est empreinte et colorée. La lumière devient obscure, et la vapeur devient lumineuse. […] Ici, c’est l’astre de la nuit qui éclaire et qui colore ; là, ce sont des feux allumés ; ailleurs c’est l’effet mélangé de ces deux lumières. […] C’est l’univers montré sous toutes sortes de faces à tous les points du jour, à toutes les lumières.

16. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Avant tout, il aime la lumière, il en a soif, il la boit et aussi il la verse. […] Or, comme plus on s’élève, plus on trouve devant soi de lumière, sa mesure de tout, c’est l’élévation. […] La finesse laisse passer la lumière, et la délicatesse est une dentelle. Or, pour lui, la question importante, c’est la lumière. […] Le flambeau du Christianisme, allumé sur cette tête que fascinait toute lumière, l’a sauvé !

17. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

La décadence des empires n’est pas plus dans l’ordre naturel que celle des lettres et des lumières. Mais avant que toute l’Europe fût civilisée, avant que le système politique et militaire et l’emploi de l’artillerie eussent balancé les forces, enfin avant l’imprimerie, l’esprit national, les lumières nationales devaient être aisément la proie des barbares, toujours plus aguerris que les autres hommes. Si l’imprimerie avait existé, les lumières et l’opinion publique acquérant chaque jour plus de force, le caractère des Romains se serait conservé, et avec lui la nation et la république ; on n’aurait pas vu disparaître de la terre ce peuple qui aimait la liberté sans insubordination, et la gloire sans jalousie ; ce peuple qui, loin d’exiger qu’on se dégradât pour lui plaire, s’était élevé lui-même jusqu’à la juste appréciation des vertus et des talents pour les honorer par son estime ; ce peuple dont l’admiration était dirigée par les lumières, et que les lumières cependant n’ont jamais blasé sur l’admiration. […] Il fallait que les avantages de la société devinssent universels ; car tout dans la nature tend au niveau ; mais les douceurs de la vie privée, la diffusion des lumières, les relations commerciales établissant plus de parité dans les jouissances, apaiseront par degré les sentiments de rivalité entre les nations. […] La civilisation de l’Europe, l’établissement de la religion chrétienne, les découvertes des sciences, la publicité des lumières ont posé de nouvelles barrières à la dépravation, et détruit d’anciennes causes de barbarie.

18. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Si vous tournez vos regards vers le ciel, vos pensées s’ennoblissent : c’est en s’élevant que l’on trouve l’air plus pur, la lumière plus éclatante. […] L’association silencieuse d’une multitude d’hommes n’établirait aucun point de contact dont la lumière pût jaillir, et la foule ne s’enrichirait jamais des pensées des hommes supérieurs. […] Il est évident que les lumières sont d’autant plus indispensables dans un pays, que tous les citoyens qui l’habitent ont une part plus immédiate à l’action du gouvernement. […] Le peuple s’accoutumerait à choisir des magistrats ignorants et grossiers ; ces magistrats, étoufferaient les lumières ; et, par un cercle inévitable, la perte des lumières ramènerait l’asservissement du peuple. […] Dans quel découragement l’esprit ne tomberait-il pas, s’il cessait d’espérer que chaque jour ajoute à la masse des lumières, que chaque jour des vérités philosophiques acquièrent un développement nouveau !

19. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

La troisième nuit, ne dormant pas, il continuait à voir les images de ses rêves, même en ouvrant les yeux dans l’obscurité ; mais à la lumière, elles disparaissaient. […] Le surlendemain matin, en s’éveillant, en pleine lumière du jour, il en vit qui allaient et venaient dans sa chambre, comme des êtres réels. […] Il y avait de la lumière, et il les voyait ; et, à l’inverse de ce qui avait lieu au commencement, quand la lumière disparaissait, il ne les voyait plus, au moins de quelque temps. — Enfin, au matin du cinquième jour, un sens nouveau se mit de complicité avec les précédents, pour donner à l’illusion le dernier caractère de la réalité. […] Cette main était blanche, fuselée, potelée, d’un galbé ravissant, ayant aux articulations de petites fossettes sur les premières phalanges et sans qu’on y pût distinguer de duvet, revêtue vers le poignet d’une auréole très mince de lumière blonde frisante qui la rendait vivante comme pas une.

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