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836. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Dimanche 5 mars Aujourd’hui Tourguéneff est entré chez Flaubert, en disant : « Je n’ai jamais si bien vu qu’hier, combien les races sont différentes : ça m’a fait rêver toute la nuit… Nous sommes cependant, n’est-ce pas, nous, des gens du même métier, des gens de plume… Eh bien, hier, dans Madame Caverlet, quand le jeune homme a dit à l’amant de sa mère qui allait embrasser sa sœur : « Je vous défends d’embrasser cette jeune fille. » Eh bien, j’ai éprouvé un mouvement de répulsion, et il y aurait eu cinq cents Russes dans la salle, qu’ils auraient éprouvé le même sentiment… et Flaubert, et les gens qui étaient dans la loge, ne l’ont pas éprouvé ce moment de répulsion… J’ai beaucoup réfléchi dans la nuit… Oui, vous êtes bien des latins, il y a chez vous du romain et de sa religion du droit, en un mot, vous êtes des hommes de la loi… Nous, nous ne sommes pas ainsi… Comment dire cela ? […] Alors figurez-vous que devant ce « oui ou non », la loi n’est plus, n’existe plus, car la loi chez les Russes ne se cristallise pas, comme chez vous. […] Nous sommes voleurs en Russie, et cependant, qu’un homme ait commis vingt vols qu’il avoue, mais qu’il soit constaté qu’il y ait eu besoin, qu’il ait eu faim, il est acquitté… Oui, vous êtes des hommes de la loi, de l’honneur, nous, tout autocratisés que nous soyons, nous sommes des hommes — et comme il cherche son mot, je lui jette « de l’humanité ». […] De cette persécution d’un livre semblable à celui que je fais, et de cette séance avec cet homme de loi, glabre et de noir habillé, il est advenu, la nuit, que j’ai rêvé que j’étais en prison, une prison aux pierres de taille lignées comme la Bastille, dans un décor de l’Ambigu.

837. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rouger, Henri (1865-1912) »

Il a cru entendre distinctement la voix indifférente de la nature… Mais voici que le cœur irrité du poète s’apaise, et qu’une vision soudaine de la vie universelle où s’entrecroise éternellement l’échange des souffles, des formes et des âmes, vient calmer son esprit, prêt désormais à accepter, à bénir presque l’inévitable loi qui enchaîne les effets et les causes… — Ce premier essai paraît annoncer un poète visionnaire et philosophe.

838. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 463

Que nul n’observe mieux que moi La Loi qui des Cliens nous défend de rien prendre.

839. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Travailleurs de la mer » (1866) »

Un triple anankè pèse sur nous, l’anankè des dogmes, l’anankè des lois, l’anankè des choses.

840. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

, cap. i)  : ce scélérat que les lois devaient revendiquer, excédé de la rigueur de sa prison, se donne la mort. […] En nommerait-on d’autres que certains docteurs de la loi ? […] Sous Claude, les délateurs ont un salaire fixé par la loi Papia. […] Pour achever de l’écraser, on renouvela le sénatus-consulte et la loi Cincia contre la rapacité des avocats. […] La conservation personnelle n’est-elle pas la première des lois dans l’ordre de la nature ?

841. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’ai été assez étonné de lui trouver l’esprit si libre, et il m’a paru plus spirituel que je ne le croyais. » Et quelques jours après (25 mars) : « … Chateaubriand a parlé de religion chez Mme de Duras ; il la ramène sans cesse, et ce qu’il y a d’assez étrange, c’est le point de vue sous lequel il la considère : il en croit une nécessaire au soutien de l’État, il aime les souvenirs, et il s’attache à celle qui a existé autrefois dans son pays ; mais il sent fort bien que les restes auxquels il veut s’attacher sont réduits en poudre ; il croit nécessaire aux autres et à lui-même de croire ; il s’en fait une loi, et il n’obéit pas. […] Je souffre donc au dedans de moi, sans même songer à mes amis (à ses amis de France), de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse, à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient. […] Égalité devant la loi ; nivellement des impôts ; abord de tous à toutes places ; j’ai donné tout cela. […] Son christianisme au reste, de la manière dont il l’entendait, ne cessa de germer en lui et de croître pendant les dix dernières années de sa vie ; il y mettait tout ce qu’on peut désirer d’un homme de bonne volonté ; il voudrait surtout croire à l’efficacité de la prière et la concilier avec l’universalité et la nécessité des lois naturelles ; il y a des moments où il lui semble saisir un trait de lumière sur cet obscur et mystérieux sujet.

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