Mais les accapareurs vous ont défendu de jouir, parce que vous n’avez pas l’intelligence de la technique des arts, comme des lois et des affaires. […] Mais je voulais prouver que, si le cas était possible, les tons, quelque nombreux qu’ils fussent, mais logiquement juxtaposés, se fondraient naturellement par la loi qui les régit. […] La grande qualité du dessin des artistes suprêmes est la vérité du mouvement, et Delacroix ne viole jamais cette loi naturelle. […] Dans le siècle présent comme dans les anciens, aujourd’hui comme autrefois, les hommes forts et bien portants se partagent, chacun suivant son goût et son tempérament, les divers territoires de l’art, et s’y exercent en pleine liberté suivant la loi fatale du travail attrayant. […] C’est l’imagination du dessin importée dans le paysage : jardins fabuleux, horizons immenses, cours d’eau plus limpides qu’il n’est naturel, et coulant en dépit des lois de la topographie, rochers gigantesques construits dans des proportions idéales, brumes flottantes comme un rêve.
Chaucer décrit une troupe de pèlerins, gens de toute condition qui vont à Cantorbéry, un chevalier, un homme de loi, un clerc d’Oxford, un médecin, un meunier, une abbesse, un moine, qui conviennent de dire chacun une histoire. « Car il n’eût été ni gai ni réconfortant de chevaucher, muets comme des pierres184. » Ils content donc ; sur ce fil léger et flexible, tous les joyaux, faux ou vrais, de l’imagination féodale viennent poser bout à bout leurs bigarrures et faire un collier : tour à tour de nobles récits chevaleresques, le miracle d’un enfant égorgé par des juifs, les épreuves de la patiente Griselidis, Canace et les merveilleuses inventions de la fantaisie orientale, des fabliaux graveleux sur le mariage et sur les, moines, des contes allégoriques ou moraux, la fable du Coq et de la Poule, l’énumération des grands infortunés : Lucifer, Adam, Samson, Nabuchodonosor, Zénobie, Crésus, Ugolin, Pierre d’Espagne. […] Les songes de l’amour, pour rester vrais, ne doivent pas prendre un corps trop visible, ni entrer dans une histoire trop suivie ; ils ont besoin de flotter dans un lointain vaporeux ; l’âme où ils bourdonnent ne peut plus penser aux lois de la vie ; elle habite un autre monde ; elle s’oublie dans la ravissante émotion qui la trouble et voit ses visions bien-aimées se lever, se mêler, revenir et disparaître, comme on voit, l’été, sur la pente d’une colline, des abeilles voltiger dans un nuage de lumière et tourbillonner autour des fleurs. […] Les dames ont déclaré dans leurs sentences « que lorsqu’on aime, on ne peut rien refuser à qui vous aime. » L’amour a force de loi ; il est inscrit dans un code ; on le mêle avec la religion, et il y a une messe de l’amour où les oiseaux, par leurs antiennes199, font un office divin comme celui de la messe. […] Son sergent de loi est plus affairé qu’homme au monde. — Et cependant il paraissait plus affairé qu’il n’était201. » — Ses trois bourgeois, « pour la sagesse qu’ils ont, sont bien capables d’être aldermen, car ils ont force bétail et rentes » ; et croyez que « leurs femmes y auraient bien consenti. » — Le quêteur marche portant devant lui sa valise, « elle est pleine de pardons venus de Rome tout chauds. » La moquerie ici coule de source, à la française, sans effort, ni calcul, ni violence. […] Non-seulement Chaucer, comme Boccace, relie ses contes212 en une seule histoire, mais encore, ce qui manque chez Boccace, il débute par le portrait de tous ses conteurs, chevalier, huissier, sergent de loi, moine, bailli, hôtelier, environ trente figures distinctes, de tout sexe, de toute condition, de tout âge, chacune peinte avec son tempérament, sa physionomie, son costume, ses façons de parler, ses petites actions marquantes, ses habitudes et son passé, chacune maintenue dans son caractère par ses discours et par ses actions ultérieures, si bien qu’on trouverait ici, avant tout autre peuple, le germe du roman de mœurs tel que nous le faisons aujourd’hui.
Mon doigt du peuple errant a guidé les passages ; J’ai fait pleuvoir le feu sur la tête des rois ; L’avenir à genoux adorera mes lois ; Des tombes des humains j’ouvre la plus antique, La mort trouve à ma voix une voix prophétique, Je suis très grand, mes pieds sont sur les nations, Ma main fait et défait les générations. — Hélas ! […] Lorsque mon peuple souffre, ou qu’il lui faut des lois, J’élève mes regards, votre esprit me visite ; La terre alors chancelle et le soleil hésite, Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux, Et cependant, Seigneur, je ne suis pas heureux ; Vous m’avez fait vieillir puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. […] Le voilà en fureur… Voilà l’homme riche, le spéculateur heureux ; voilà l’égoïste par excellence, le juste selon la loi. […] Je suis juste selon la loi. […] Et la loi est-elle juste selon Dieu ?
Ils ont vécu, ce Raoul qui, se faisant adjuger par le roi Louis l’héritage de Herbert de Vermandois, envahit le pays qu’il veut posséder, saccage et brûle, un vendredi saint, la ville d’Origny, avec son monastère et ses nonnes, qu’il promettait tout à l’heure d’épargner, qui, tout échauffé de cette atroce exécution, tout joyeux et de grand appétit, n’ose manger de la viande, quand son sénéchal en se signant lui remémore qu’« il est carême » ; ce Bernier, écuyer de Raoul, fils d’un des quatre fils de Herbert, qui, fidèle à la loi féodale, suit son maître contre son frère et ses oncles, voit sa mère brûlée sous ses yeux dans le monastère où elle s’est retirée, et renonce seulement son hommage quand Raoul, échauffe par le vin, l’a à demi assommé pour avoir trop haut regretté l’incendie de son pays et la mort de sa mère. […] Mais pour que le métier soit productif, pour que le jongleur gagne et puisse bien payer le trouvère, il faut plaire à l’auditoire : son goût fera la loi. […] Les pères surtout : car, par une mystérieuse divination des lois de l’hérédité ou, plutôt tout niaisement, parce que, si l’on n’est pas toujours le père, on est forcément le fils de quelqu’un, la curiosité des auditeurs remontait plus volontiers aux ascendants des personnages favoris.
Il lui dit donc toute sorte de choses énergiques et sensées, à savoir que les amours illégitimes se brisent, tôt ou tard, contre les lois sociales rangées en bataille pour leur barrer le passage ; que le mari est, à vrai dire, le seul piment de l’adultère, et qu’une fois qu’il a repoussé de la main la femme qui l’outrage, celle-ci n’est plus qu’une maîtresse insipide que la satiété de l’amant rejette bientôt, à son tour. […] La loi est dure, mais c’est la loi, et il est juste, en fin de compte, que ceux qui se révoltent contre la société soient traités en ennemis par elle.
Et puis, qu’est-ce que c’est que cette loi qu’on vient de rendre, qui réduit le chœur de cinquante choreutes à quinze ? […] VIII Aristophane aimait Eschyle par cette loi d’affinité qui fait que Marivaux aime Racine. […] Elle résume la loi entière de l’art.