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1300. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

La Vérité en marche, pauvre livre de bourgeois vaniteux et d’enfant ébloui aux moindres lueurs, finit par les ineffables articles sur François Zola. […] Malgré tous ses défauts, j’aime votre livre. […] Une des rares phrases mal faites qu’on rencontre dans ses livres vante chez je ne sais plus quel écrivain « une verve amère dont le contour un peu sec de sa phrase permet de savourer toute la cruauté ». […] Il y a dans les meilleurs livres d’Anatole France, dans ceux qui essaient le moins d’être des livres, deux personnages que j’aime. […] L’ingénieux Anatole France, longtemps impuissant à créer un personnage, a enfin réussi — à côté d’un chien peu fidèle qui adopte tous les maîtres et court sur la piste de tous les livres, c’est M. 

1301. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Perrault, excité par son camarade Beaurain, se met à traduire en vers burlesques le sixième livre de l’Énéide (le plus admiré de tous, celui qui nous peint la descente d’Énée aux enfers). […] Les Institutes sont un livre excellent et le seul que je voudrais que l’on conservât du droit romain : car, hors ce livre qui est très bon pour fortifier le sens commun, hors les ordonnances et les coutumes qu’il serait utile de réduire à une seule pour toute la France, si cela se pouvait, de même que les poids et les mesures, je crois qu’il faudrait brûler tous les autres livres de jurisprudence, Digestes, Codes avec leurs commentaires, et particulièrement tous les livres d’arrêts, n’y ayant point de meilleur moyen au monde pour diminuer le nombre des procès. […] La brièveté et la simplicité du texte contribuait à laisser au livre son caractère monumental.

1302. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Pendant très longtemps, je n’ai pas lu de livres sans m’avouer intérieurement que je serais incapable d’en faire autant. […] Pendant le ministère du duc de Choiseul, les pensions, les bénéfices, les sinécures, ne cessèrent de pleuvoir sur lui, au point de lui faire à un moment un revenu total annuel d’environ 40 000 livres. Lorsqu’il eut été nommé secrétaire général des Suisses, place qui, à elle seule, rapportait au moins 20 000 livres (janvier 1768), on vit, peu de jours après, dans un des bals du carnaval, un grand homme maigre, sec, dégingandé, qui le représentait en caricature, masqué et à moitié costumé en suisse, avec une calotte et un manteau noir ; et une scène se joua entre un compère et le masque : « Qu’est-ce que cela, beau masque ? […] » — « L’un ou l’autre, tout ce qu’on voudra, répondait le masque, pourvu que cela me rapporte 30 000 livres de rentes. » M. de Choiseul fut irrité et voulut rechercher l’auteur. […] Lors de la disgrâce du duc de Choiseul, et quand on retira à cet ancien ministre la charge de colonel général des Suisses, Barthélemy envoya sa démission de secrétaire général ; il la maintint malgré les efforts qu’on fit pour l’amener à se rétracter, et on lui laissa encore, sans qu’il le demandât, une pension de 30 000 livres sur cette place à laquelle il renonçait.

1303. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

L’Académie elle-même, l’Académie, qui juge les morts (en France on n’est jugé que par ses pairs) et qui met au concours la rédaction de leurs épitaphes, est entrée dans la sympathie universelle et a dernièrement couronné un éloge de l’auteur de ces Mémoires, dont la gloire doit se mesurer à la grandeur monumentale de son livre. […] Fragments d’abord, publiés en 1818, il donnèrent assez de jouissances inattendues à l’imagination contemporaine pour qu’elle ressentit soudainement l’amour d’un livre qui faisait si largement immerger la vie dans l’histoire, et pour qu’elle désirât ardemment connaître l’ensemble et l’effet intégral de cette vaste fresque, comme l’a dit si heureusement M.  […] L’auteur des Mémoires eu chercha laborieusement la raison avec cet art des inductions et des interprétations qu’il possédait mieux que personne et qui le rend un historien si séduisant, si éblouissant et si dangereux, et il la trouva, nous dit-il, dans l’opposition et l’influence de Mme de Maintenon, la vieille fée, — de Mme de Maintenon, sa seconde haine ; la seconde raison de la popularité actuelle de son livre, et pour nous la seconde tache de ces admirables et adorables Mémoires, que nous voudrions effacer. […] IV C’est surtout de la discussion historique qui est à faire contre Saint-Simon, car il n’est pas de livre plus dangereux que le sien au point de vue de la stricte vérité de l’histoire. […] Ce serait un joli livre de critique à écrire pour ceux qui auraient du loisir.

1304. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Le beau livre ! […] Ses livres sont des partitions écrites une octave trop haut pour la voix humaine ; transposez et baissez chaque note de six tons. […] Quand vous voudrez comprendre celui-ci, traduisez-le. » Là-dessus, il prit le livre, relut le passage, vérifia mot à mot la traduction. […] Son premier livre est beau et restera. […] Quand je dis qu’un ressort a la force de soulever un poids de dix livres, je veux dire seulement que le ressort étant placé sous le poids, il est nécessaire que le poids soit soulevé.

1305. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Les gens d’esprit méprisent les ornements ; il faut parler devant eux non comme un livre, mais comme un homme, c’est-à-dire être exact, trouver des idées, noter des faits, ne pas se croire à la Sorbonne, devant un public de jeunes enthousiastes et de vieux badauds. […] Ses cours sténographiés sont plus nets que ses livres écrits. […] Lorsque Reid, ayant décrit l’émulation et l’envie, les explique par un penchant naturel qui rend pénible à l’homme la supériorité d’autrui, nous nous jugeons aussi avancés qu’avant d’ouvrir son livre. […] Cela est si vrai, que le célèbre physiologiste Mueller a transcrit le troisième livre de l’Éthique, disant que l’explication y est entière, et qu’il n’y a plus rien à chercher sur ces questions-là. […] Éthique, livre iii, Prop. 32.

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