Ce sera encore de la littérature, puisqu’il fut un homme littéraire, mais ce sera quelque chose de plus.
Les productions des arts, comme celles de la littérature, se ressentent toujours des événements auxquels l’artiste ou l’écrivain s’est trouvé mêlé, des erreurs, des préjugés de l’époque qu’il a traversée. […] Roquefort, l’auteur du Dictionnaire de la langue romane et qui a laissé des recherches savantes sur la littérature et la musique au moyen âge, était alors élève de David et fréquentait son école. […] Ce magnifique ouvrage, exceptionnel comme les événements, comme les goûts qui dominèrent en France pendant les cinq ou six années que David employa à l’achever, eut pour effet d’introduire dans les écoles l’étude presque exclusive du nu, et de faire prendre à l’architecture, à la sculpture, à la littérature théâtrale et même aux arts de l’industrie, un caractère de sévérité que l’on ne tarda pas à porter jusqu’à l’excès. […] Parmi les élèves de David qui le fréquentaient avec assiduité et qui en retirèrent le plus de fruit, on distinguait Roquefort, à qui on doit plusieurs écrits sur la littérature du moyen âge et un dictionnaire de la langue romane ; Révoil, peintre, antiquaire, et son ami Fleury Richard, qui se vouèrent dès cette époque à représenter des sujets tirés de l’histoire de France ; le comte de Forbin, que son goût portait vers les scènes chevaleresques, et son ami Granet, dont toute l’Europe a si vivement goûté les intérieurs de cloîtres et de couvents ; puis Verinay, le jeune homme si étourdi, si turbulent d’abord, qui, au milieu des statues des rois et des grands hommes de notre pays, sentit naître en lui le désir de se livrer à un genre où il eût certainement obtenu de grands succès, si la mort ne l’eût pas arrêté au milieu de sa carrière.
Dans la littérature et la poésie, pour le théâtre, pour les arts plastiques, sculpture, peinture et architecture, nous n’avons rien à apprendre aux Anciens, nous avons au contraire tout appris d’eux. […] « On ne devrait parler, dit-il, que lorsqu’on ne peut se taire, et ne parler que des choses que l’on a déjà surmontées ; — tout le reste n’est que bavardage, littérature, impudeur. » Et il explique que déjà en 1876, lorsqu’il publia son discours triomphal en l’honneur de Richard Wagner à l’occasion des fêtes de la victoire de Bayreuth, — « car Bayreuth doit être considéré comme le plus grand triomphe que jamais un artiste ait remporté », — il avait vaincu en lui le wagnérisme. […] vers une lumière nouvelle que, malheureusement, ces maîtres des nouveaux modes d’expression ne surent pas exprimer clairement. » Mais, ajoute-t-il, « il est certain qu’ils étaient tourmentés par la même impétuosité, qu’ils cherchaient de la même façon, que tous ils étaient dominés par la littérature, ayant été pour la plupart écrivains, poètes, rapprochant les arts et les sens, — en cela les premiers artistes d’une culture littéraire universelle ; tous fanatiques de l’expression à tout prix, — et à ce propos il signale Delacroix comme le plus proche parent de Wagner (!?)
Et qu’on juge d’ailleurs de l’effet de cette comparaison, lorsque ces magnifiques antiquités de la poésie épique étaient les nouveautés d’une littérature dont nous sommes séparés par trois mille ans !
Il y mêle son jugement sur les Consolations, lequel est si favorable qu’il y aurait pudeur à le produire, si lui-même, bien des années après, n’avait dit les mêmes choses, et en des termes presque semblables, dans un de ses Entretiens familiers sur la littérature.
En quelque discrédit que soit tombé le mot drame par la manière abusive et tortionnaire dont il a été prodigué dans ces temps de douloureuse littérature, il est nécessaire de l’employer ici ; non que cette histoire soit dramatique dans le sens vrai du mot, mais, l’œuvre accomplie, peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra.