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486. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

On a souvent fait la remarque du désaccord frappant qui règne entre les principes politiques avancés de certains hommes et leurs principes littéraires opiniâtrément arrêtés. Les libéraux et républicains se sont toujours montrés assez religieusement classiques en théorie littéraire, et c’est de l’autre côté qu’est venue principalement l’innovation poétique, l’audace brillante et couronnée. […] La réaction monarchique, religieuse et littéraire, de 1800, se dessinait en effet sur tous les points, se déployait sur toute la ligne. […] Cet homme est le même qui veut continuer l’Année littéraire de Fréron ; il en est digne. » On voit que c’est à Geoffroy que Ginguené imputait, peut-être à tort, l’article des Débats. […] Il a quelques-uns des défauts de la Nouvelle Héloïse, et cette forme par lettres y introduit trop de convenu et d’arrangement littéraire.

487. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Le moment est venu de rendre ce que nous devons à la mémoire du plus regretté de nos amis littéraires et du plus sensiblement absent de nos collaborateurs225. […] Jules Macqueron, qui faisait lui-même d’agréables vers ; Labitte lui rend confidences pour confidences, et il y met d’utiles conseils littéraires : l’instinct du futur critique se retrouverait par ce coin-là. […] Après un court séjour, il y revenait à l’entrée de l’hiver, sous prétexte d’y faire son droit, mais en réalité pour y tenter la fortune littéraire. […] Notre ami avait toujours ce grand passé littéraire devant les yeux ; il aimait ces choses désintéressées en elles-mêmes et s’y absorbait avec oubli. […] C’est assez insister sur ce principal épisode de la vie littéraire de notre ami.

488. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Deux condiments particuliers entrent dans la cuisine du siècle, et, selon la main qui les emploie, fournissent à tous les mets littéraires un assaisonnement gros ou fin  Dans une société épicurienne à qui l’on prêche le retour à la nature et les droits de l’instinct, les images et les idées voluptueuses s’offrent d’elles-mêmes ; c’est la boîte aux épices appétissantes et irritantes. […] L’hyperbole, la prosopopée et les autres machines littéraires jouent chez lui trop souvent et de parti pris. […] Ce qui nous semble de l’apprêt n’était alors que de la tenue ; en un siècle classique, la période parfaite et le développement soutenu sont des convenances et par suite des obligations. — Notez d’ailleurs que cette draperie littéraire qui nous cache aujourd’hui la vérité ne la cachait pas aux contemporains ; ils voyaient sous elle le trait exact, le détail sensible que nous ne voyons plus. […] Ce sont là les grandes puissances littéraires du siècle. […] Il semble qu’il n’y ait plus qu’elle au monde ; du moins elle est partout et elle inonde tous les genres littéraires ; on ne s’inquiète pas si elle les déforme, il suffit qu’ils lui servent de conduits.

489. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On a découvert qu’une œuvre littéraire n’est pas un simple jeu d’imagination, le caprice isolé d’une tête chaude, mais une copie des mœurs environnantes et le signe d’un état d’esprit. On en a conclu qu’on pouvait, d’après les monuments littéraires, retrouver la façon dont les hommes avaient senti et pensé il y a plusieurs siècles. […] Personne ne l’a fait aussi juste et aussi grand que Sainte-Beuve ; à cet égard, nous sommes tous ses élèves ; sa méthode renouvelle aujourd’hui dans les livres et jusque dans les journaux toute la critique littéraire, philosophique et religieuse. […] En cela consiste l’importance des œuvres littéraires ; elles sont instructives, parce qu’elles sont belles ; leur utilité croît avec leur perfection ; et si elles fournissent des documents, c’est qu’elles sont des monuments. Plus un livre rend les sentiments visibles, plus il est littéraire ; car l’office propre de la littérature, est de noter les sentiments.

490. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Que de malédictions ceux qui le portent n’ont-ils pas le droit d’adresser tout bas à la femme téméraire qui les livre ainsi malgré eux à la merci du bruit littéraire ! […] Voilà une partie des inconvénients, des dangers, des catastrophes de la célébrité littéraire dans la femme. […] Rousseau ; mais elle était surtout de la religion littéraire du moment, la déclamation, l’éloquence, la gloire, le génie humain. […] Voltaire avait abrité en Suisse, à soixante-deux ans, son génie, au moment où sa vie littéraire finissait, et où il commençait sa vie philosophique. […] Le temps s’y prêtait autant que la nature toute littéraire et toute politique de l’esprit des salons.

491. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il s’est trouvé au xviiie  siècle que les plus grands noms de l’histoire littéraire sont en général aussi les plus considérables dans l’histoire des idées. […] La littérature n’atteint qu’incidemment les grands courants d’idées, par quelques orateurs, polémistes et penseurs ; et les hommes en qui s’est rencontré le talent littéraire, n’ont souvent pas été — tant s’en faut — les intelligences directrices du siècle. […] Dans les sciences politiques et sociales, Saint-Simon et l’école saint-simonienne restent également en dehors de notre étude, avec toutes les sectes communistes, à l’extrémité seulement desquelles le capricieux hasard a placé un beau tempérament littéraire, dans le théoricien de l’anarchie, P. […] Mais il ne faut chercher ici qu’une histoire littéraire. […] Très curieux d’art, il n’était pas artiste ; et le grand mouvement littéraire de son temps s’accomplit sans qu’il y comprit rien.

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