A ce moment de sa vie, Gresset représente assez bien le type du professeur défroqué et fringant, émancipé par les succès littéraires et mondains. […] Et son mérite littéraire, c’est d’avoir très heureusement saisi et reproduit, dans ses vers secs, maigres et courts d’haleine, le ton de ce persiflage mondain. […] Flaubert et Bouilhet ont été l’Oreste et le Pylade de l’enthousiasme littéraire ; ils ont passé leur vie à s’exciter mutuellement, à se congestionner sur la chose écrite. […] Il voyait son frère non tel qu’il fut généralement dans ses ouvrages, mais tel qu’il était digne d’être toujours, tel qu’il fut, en réalité, à certaines minutes de sa vie littéraire. […] Un sermon n’est plus pour lui qu’un morceau d’éloquence, et la parole de Dieu un genre littéraire.
J’ai pris soin ailleurs (article sur Charles Nodier, Portraits littéraires, tome Ier) d’en noter le contrecoup dans notre littérature, depuis Ramond, auteur des Aventures du jeune d’Olban, publiées en 1777, jusqu’à Nodier lui-même qui donnait Le Peintre de Salzbourg en 1803.
Cet artiste si ingénieux et si littéraire par l’esprit était de ceux, en effet, qui se tourmentent eux-mêmes et qui le laissent trop voir ; il s’inquiétait des autres comme de lui ; il se comparait et se tâtait sans cesse ; il avait ce qu’on peut appeler l’organisation douloureuse.
En lisant l’Essai, on y voit quelles connaissances nombreuses, indigestes, avait su amasser le jeune émigré ; quelle curiosité érudite et historique le poussait à la fois sur tous les sujets qu’il a repris dans la suite ; quelle préoccupation littéraire était la sienne ; quel souci de style, et d’exprimer avec saillie, avec éclat, tout ce qui en sens divers était éloquemment exprimable ; quel respect empressé pour tout ce qui avait nom d’homme de lettres, pour Flins, par exemple, qu’il cite entre Simonide et Sanchoniaton.
Volney n’a que de la mauvaise emphase littéraire, lui qui avait fait déjà l’excellent Voyage en Syrie ; Roland est un zéro dont sa femme est le chiffre, chiffre qui, selon moi, eût couru risque de valoir dix fois moins sans l’honnête zéro.
Intéresse-t-il particulièrement, comme on le craint, atteint-il, en effet, un certain genre de critique littéraire que je m’étais plu moi-même à cultiver et à introduire ?