Elles furent le nœud entre la liberté épurée de sang et la gloire militaire pure encore de despotisme ; un sourire fugitif, mais ravissant, de la France entre deux larmes. […] XVI La restauration des Bourbons s’était accomplie : la poésie, cette élasticité comprimée des âmes, était revenue avec la liberté. […] Madame de Staël et M. de Chateaubriand leur donnaient le diapason, l’un de la liberté aristocratique, l’autre de l’enthousiasme dynastique. […] L’épouse fut sublime d’angoisse, de tendresse, d’imploration, de menaces, d’éloquence, en revendiquant ou la liberté de son mari, ou le cachot avec lui. […] Elle quittait tout pour causer, avec une liberté et une promptitude d’esprit qui faisaient de sa conversation le plus délicieux de ses talents.
Ce que Bernis écrivait de Venise à Pâris-Duverney, Lassay l’écrira presque dans les mêmes termes à Bolingbroke : « J’ai toujours pensé qu’une extrême ambition ou une entière liberté peuvent seules remplir le cœur d’un honnête homme : l’état qui est entre deux n’est fait que pour les gens médiocres. » En attendant, la guerre ayant recommencé en 1688, Lassay fit comme les gentilshommes de cœur, et alla servir en Allemagne et en Flandre sur le pied de volontaire. […] À peine marié (1696), Lassay dut rompre toute intimité avec elle et lui rendre une entière liberté, comme on le voit par une lettre sévère et fort digne qu’il lui adresse. […] Il semble y rêver pour la France dans un avenir idéal le gouvernement et le régime anglais, moins les passions et la corruption ; il se prononce contre les conquêtes et n’admet la guerre que dans les cas de nécessité ; il a, sur la milice provinciale, sur la liberté individuelle, sur le droit de paix et de guerre déféré aux assemblées, sur un ordre de chevalerie accordé au mérite seulement, et à la fois militaire et civil, sur l’unité du Code et celle des poids et mesures, sur le divorce, enfin sur toutes les branches de législation ou de police, toutes sortes de vues et d’aperçus qui, venus plus tard, seraient des hardiesses, et qui n’étaient encore alors que ce qu’on appelait les rêves d’un citoyen éclairé ; il est évident que M. de Lassay, s’il avait pu assister soixante ans plus tard à l’ouverture de l’Assemblée constituante, aurait été, au moins dans les premiers jours, de la minorité de la noblesse. […] Les cabales de leurs petites cours et de leurs domestiques qui s’imaginent qu’on leur veut ôter des choses qui leur paraissent grandes, parce qu’elles le sont à leur égard, et dont cependant de certaines gens n’ont aucune envie ; les mauvais offices qu’ils tâchent à vous rendre dans cette vue ; l’insolence de leurs valets avec lesquels il ne faut jamais se commettre et dont il est bien plus sage de souffrir, tout devient insupportable ; on est même honteux de se trouver au milieu de choses si petites ; on veut jouir de l’indépendance et de la liberté dont le désir augmente en vieillissant, et qu’un honnête homme ne peut plus sacrifier avec honneur qu’au service de sa patrie : encore faut-il qu’elle ait besoin de lui.
Dès cette époque, ses principes étaient fermement assis sur les questions vitales de liberté. Il écrivait à un ami, au sujet d’un des premiers mensonges de la Restauration : « Je viens de lire le projet de loi napoléonienne sur la liberté de la presse ; cela passe tout ce qu’on a jamais vu. […] Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ? […] Mais, après la crise dont nous approchons, on ne remontera pas immédiatement à l’état chrétien : le despotisme et l’anarchie continueront longtemps encore de se disputer l’empire, et la société restera soumise à l’influence de ces deux forces également aveugles, également funestes, jusqu’à ce que d’une part elles aient achevé la destruction de tout ce que le temps, les passions, l’erreur, ont altéré au point de n’être plus qu’un obstacle au renouvellement nécessaire ; et, de l’autre, que les vérités d’où dépend le salut du monde aient pénétré dans les esprits et disposé toutes choses pour la fin voulue de Dieu. » Vers le même temps où l’esprit de M. de La Mennais acceptait si largement l’union du catholicisme avec l’État par la liberté, il tendait aussi à se déployer dans l’ordre de science et à le remettre en harmonie avec la foi.
Mais, lui ayant demandé s’il avait la résolution de remettre au peuple toscan la liberté anarchique dont il jouissait avant lui, Laurent ne daigna pas répondre. […] Lorenzino lui dit que ce n’était pas l’heure de délibérer et qu’ils n’avaient que l’un de ces deux partis à prendre pour leur salut : ou sortir le poignard sanglant à la main et appeler le peuple à la liberté ; ou s’évader pendant que le forfait était ignoré encore et aller rejoindre les émigrés. […] Il subit son exil jusqu’à ce que le roi de l’Italie, unitaire contre la nature et l’histoire, transporte son trône ambulant de capitale en capitale pour trouver une bonne place sur la terre des Romains ; il y détrône un pontife désarmé, sans soldats et sans peuple, vainqueur par les armes françaises, d’une théocratie qui ne devait être remplacée que par la liberté de Dieu sur la terre. […] Par cet amour qui vous fait embrasser tout le genre humain, qui vous a fait descendre du ciel et revêtir notre humanité nue, qui vous a fait souffrir la faim, la soif, le froid, la chaleur, le labeur, les moqueries, le mépris, les coups, la flagellation, la mort enfin sur une croix ; par cet excès d’amour, ô mon Sauveur Jésus, je vous supplie et vous conjure de détourner vos regards, votre face de mes péchés, afin que cité à comparaître devant votre tribunal, ce que je sens devoir être très-prochain, je ne sois pas puni pour mes fraudes, mes péchés, mais pardonné par les mérites de votre croix : qu’il plaide, qu’il plaide en ma faveur, ce sang, le plus précieux de tous, que vous avez répandu sur ce sublime autel de notre rédemption, et pour rendre l’homme libre, donner à l’homme la liberté. » Après ces paroles et d’autres encore, devant tous les assistants en pleurs, le prêtre ordonna qu’on le relevât et qu’on le mît dans son lit pour qu’on lui administrât plus facilement le sacrement : il s’y opposa d’abord ; mais, de crainte de manquer d’obéissance au vieillard, il se laissa fléchir, et répétant avec fermeté les paroles sacramentales, déjà sanctifié et vénérable par une sorte de majesté divine, il reçut le corps et le sang du Seigneur.
Pouchkine rêvait, dit-on, une liberté à laquelle son pays n’était pas encore préparé. […] Regarde sous la voûte du ciel la lune errant en liberté. […] Tu n’es pas né pour la vie des sauvages ; tu ne veux de la liberté que pour toi. […] Derrière une tente, un ours apprivoisé se vautre en liberté.
« Car, écrit-elle, ce qui a donné la supériorité aux hommes a été le mariage, et ce qui nous a fait nommer le sexe fragile a été cette dépendance où le sexe masculin nous a assujetties. » La pucelle d’Orléans dont le pauvre Chapelain a, si malheureusement pour elle et pour lui, fait la victime de son poème épique, était habilement choisie pour plaire à ces vierges sages si jalouses de leur liberté. […] Chez toutes sans exception persistent une liberté d’opinions et une franchise de style qui distinguèrent ce qu’on appela, dans l’entourage du jeune roi Louis XIV, l’ancienne cour ; il n’est pas jusqu’à la délicate aventure de la Princesse de Clèves où l’on ne retrouve quelque chose de Cornélien. […] D’autre part la jeune fille qui a grandi dans une honnête liberté, partagée entre le monde et la maison de son tuteur ; celle-ci n’est point une chose dont on dispose ; c’est une personne qui a ses préférences, qui les avoue ingénument et ne craint point qu’on veuille les violenter. […] Il a soin de lui rappeler qu’elle garde sa liberté pleine et entière.