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171. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Mme Stern, tout le monde le sait, était une prêcheuse de liberté. […] Le curieux de sa rubrique aurait-il été de préconiser la liberté sans oser la prendre et sans vouloir qu’on la prît avec elle, en faisant la critique dupe ou victime d’une étiquette de bal masqué, qui lui donnait, à elle, toutes les cartes et l’impunité de son jeu ? […] Mme Stern a beau s’embourgeoiser dans la raison de Roland, cette femme pot-au-feu de la liberté, elle reste femme comme il faut, du moins dans le sens que le monde donne à ce mot-là. […] Enfin, nous devons aussi à Mme Stern un Essai sur la liberté dont les Esquisses morales ne sont qu’un corollaire : « Car, — dit-elle dans la préface de ses Esquisses, — elles sont l’effort d’un esprit consciencieux qui, pour rappeler une formule célèbre, a cherché de tout temps et ne cessera jamais de chercher la vérité par la liberté et la liberté par la vérité. » Or, ce qu’elle a trouvé, nous allons le voir. […] « Je ne pense pas mal de l’espèce humaine, nous dit-elle, car je la crois plus abusée que perverse : je la plains plus que je ne la condamne, car je la vois toujours rectifiant de plus en plus ses erreurs et redressant ses voies à mesure que s’étendent ses lumières et que s’exerce dans de plus vastes limites sa liberté. » On l’entend : c’est la ritournelle du progrès chantée aux bornes sur toutes les orgues de Barbarie philosophiques.

172. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

La Liberté s’oppose à l’Egalité, car la Liberté est aristocratique par essence. […] Toute liberté est un privilège ou elle est sans force. […] La Liberté est éminemment aristocratique. Et de même l’Egalité s’oppose à la Liberté. […] Cela encore est de la liberté d’une certaine espèce.

173. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

La liberté que l’Église laisse aux fidèles sur certains points douteux, il la refuse, il n’en a que faire. […] Les bases morales de la constitution seront la religion, la famille, la propriété, la liberté. […] Le citoyen jouit de la liberté de tester. […] Veuillot lui accorde « toutes les latitudes du droit commun », le droit de posséder, d’acquérir, d’hériter ; l’usage de son droit particulier, de ses tribunaux intérieurs, la liberté de la charité, la liberté d’enseignement à tous les degrés ; le droit de fonder des universités canoniques, une au moins par province. […] J’ai défendu tout cela par amour du peuple et de la liberté, et je suis en possession d’une réputation d’ennemi du peuple et de la liberté, qui me fera « lanterner » à la première bonne occasion.

174. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Cependant les écrivains dont le génie s’était formé au milieu des luttes sanglantes de la liberté, devaient avoir un autre caractère que les écrivains dont les talents s’étaient perfectionnés sous les dernières années du paisible despotisme d’Auguste. Ces temps sont si rapprochés, qu’on pourrait en confondre les dates ; mais l’esprit général de la littérature latine, avant et depuis la perte de la liberté, offre à l’observation des différences remarquables. […] Ce système est immoral, mais il n’est pas servile ; il abandonne la liberté, comme tous les biens qui peuvent exiger un effort ; mais il ne fait pas du despotisme un principe, et de l’obéissance un fanatisme, comme le voulaient les adulateurs de Louis XIV. […] Mais on se les représente voyant passer la vie, comme ils regardent couler le ruisseau qui rafraîchit leur climat brûlant, et l’on finit presque par leur pardonner d’oublier la morale et la liberté, comme ils laissent échapper le temps et l’existence.

175. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Par un sûr et prophétique instinct de leur destinée, ils tremblaient qu’elle ne ressuscitât dans le monde avec la liberté ; ils en jetaient au vent les moindres racines à mesure qu’il en germait sous leurs pas, dans leurs écoles, dans leurs lycées, dans leurs gymnases, surtout dans leurs noviciats militaires et polytechniques. […] Ils savaient que tous les nobles sentiments se touchent et s’engendrent, et que dans des cœurs où vibrent le sentiment religieux et les pensées mâles et indépendantes, leur tyrannie aurait à trouver des juges, et la liberté des complices. […] Ce que j’ai écrit depuis ne valait pas mieux, mais le temps avait changé ; la poésie était revenue en France avec la liberté, avec la pensée, avec la vie morale que nous rendit la restauration. Il semble que le retour des Bourbons et de la liberté en France donnât une inspiration nouvelle, une autre âme à la littérature opprimée ou endormie de ce temps ; et nous vîmes surgir alors une foule de ces noms célèbres dans la poésie ou dans la philosophie qui peuplent encore nos académies, et qui forment le chaînon brillant de la transition des deux époques. […] et j’en appelle à ce siècle naissant qui déborde de tout ce qui est la poésie même, amour, religion, liberté, et je me demande s’il y eut jamais dans les époques littéraires un moment si remarquable en talents éclos, et en promesses qui écloront à leur tour ?

176. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Sous la monarchie de juillet, il s’est agi encore de lois électorales et de lois contre la presse, puis de lois sur les associations, et sur la liberté de l’enseignement, de l’Algérie et de la question d’Orient, etc. […] Pareillement dans la religion, un seul pouvoir, le pape : plus d’Église gallicane, plus de libertés gallicanes ; le pape souverain et infaillible. […] Pareillement, thèse, liberté ; antithèse, autorité ; synthèse, fédération. […] C’étaient les droits de l’individu qu’il défendait dans les principes de la Révolution, dans les libertés et les garanties octroyées par la Charte. […] Mais il ne renonça point à ses tendances, à son désir de réconcilier l’Église et le monde moderne, le dogme et la liberté.

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