— Une foule d’objections se seront présentées à l’esprit de mes lecteurs bien avant qu’ils soient arrivés jusqu’à cette partie de mon travail.
« Je fais grâce au lecteur du récit des épreuves que j’ai dû traverser avant d’arriver au jour de la représentation.
Je voudrais, dans ce qui va suivre, non pas analyser en détail la doctrine freudienne, mais au contraire, la supposant connue de mes lecteurs, faire apparaître, si l’on peut dire, ses virtualités. […] Ortega y Gasset, de l’Université de Madrid, qui a donné dans notre numéro spécial un fort remarquable article, insiste longuement, et à mon avis, jusqu’à l’injustice, sur la totale absence de dynamisme dans l’œuvre de Proust et sur les conséquences énervantes que cela peut avoir sur le lecteur.
Aussi la France aime-t-elle profondément ce génie né de ses entrailles, et sera-t-elle éternellement vraie, cette parole de Sainte-Beuve, éloquent et définitif hommage rendu au poète : Tout homme de plus qui sait lire chez nous est un lecteur pour Molière. […] Le lecteur connaît, par ce qu’on a dit plus haut, la composition de la troupe de Molière.
Sans aller plus loin, vous savez assez la première impression que produit sur le lecteur la première venue — à peu près — des comédies d’Aristophane : « Quel diable de réactionnaire ! […] Et il était un livre, en même temps, c’est-à-dire une conversation, élevée sans doute, mais une conversation où l’on se plaît à plaire, à intéresser le lecteur, à l’amuser même, à piquer son attention et même sa malice, à le faire sourire, et quelquefois à le faire admirer, sans y faire effort, et sans avoir l’air d’y prendre garde. […] Pour ne pas laisser en arrière un scrupule ou un étonnement dans l’esprit de mon lecteur, je m’explique tout de suite sur ce qui reste, selon moi, de cornélien, et par conséquent d’espagnol dans le théâtre de Racine, que je conviens, du reste, qui n’est presque pas espagnol ni cornélien.
Ainsi aujourd’hui, ayant sous les yeux une image de Toyokouni, représentant le bureau d’une Maison Verte, d’une maison de prostitution, et me faisant donner une explication japonaise de tous les objets, grands ou petits, garnissant ce bureau, j’avais la conviction que j’apporterais au lecteur, avec ma description, une sensation du rendu de l’endroit, tout aussi photographique, que la donnerait une description d’après nature de Loti.