Aux Latins, toujours présents et vénérés, elle avait, dans le cours du xve siècle, ajouté les Crées : si superficiellement que soit hellénisée la Renaissance, si clairsemés qu’aient toujours été les vrais hellénistes, en Italie et ailleurs, cependant l’action des Grecs fut immense et heureuse : de Platon découvert et d’Aristote mieux compris, d’Homère et de Sophocle, sont venues les plus hautes leçons de libre pensée et d’art créateur, et ils ont peut-être le principal mérite de l’heureuse évolution par laquelle la Renaissance, échappant aux creux pastiches et aux grâces bâtardes, atteignit l’invention originale et la sérieuse beauté. […] Elle travaillait à réaliser en latin, mais déjà aussi dans sa langue, les formes charmantes ou splendides qui la ravissaient dans l’éloquence et la poésie des anciens. […] Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents.
Le docteur Akakia se moque surtout de l’idée d’établir une ville latine, du beau projet de ne point payer les médecins, lorsqu’ils ne guérissent pas les malades ; de cette comète qui viendra voler notre lune, & porter ses attentats jusqu’au soleil ; de ces observations nouvelles sur la génération ; de l’âge de maturité qui est la mort, & non l’âge viril ; de la démonstration, par algèbre, de l’existence de dieu ; du moyen de connoître & de prédire sûrement l’avenir ; du conseil de dissequer des cervaux de géans hauts de onze pieds, & d’hommes velus portant queue, afin de sonder la nature de l’intelligence humaine . […] Elle sçavoit l’Anglois, l’Italien, le Latin, parloit d’histoire, de mathématiques, d’astronomie. […] Les livres, les bijoux, les compas, les pompons, Les vers, les diamans, les biribis, l’optique ; L’algèbre, les soupers, le Latin, les jupons ; L’opéra, les procès, le bal & la physique.
C’est une richesse qui tient à la fois aux origines de la langue latine et au génie particulier du poète. […] On reprit les querelles théologiques interrompues par la conquête des Latins. […] Le nom en resta dans la langue latine, pour exprimer des récits enjoués et libres. […] Les poètes latins, qui s’exerçaient dans les collèges et dans les cloîtres, traitaient de préférence ce texte sacré. […] L’étude des modèles anglais et de la littérature latine se mêlait à ces jeux poétiques.
De là les harangues de maître Janotus, toussant et déclamant son patois d’école et son latin de cuisine, sanglante satire des universités. […] De cette révolution naquirent les fables que les poètes latins traduisirent d’Épicharme et de ses imitateurs. […] Tous les plans empruntés des Latins, quantité de canevas italiens et espagnols en fournissent les preuves. […] En l’une de ces sources Plaute avait autrefois puisé chez les Latins les couleurs dont il peignit son avare. De toutes les pièces latines l’Aulularia méritait le mieux d’être imitée par un grand maître.
Il accordait à l’Académie française la gloire un peu exagérée d’avoir la première institué la discussion littéraire dans ces termes philosophiques, et d’avoir conclu de l’admiration mal fondée que l’on avait eue pour les vieux philosophes, qu’il fallait examiner de plus près celle que l’on avait encore pour les anciens poètes : « L’ouverture de cette dispute, disait-il un peu magnifiquement, a achevé de rendre à l’esprit humain toute sa dignité, en l’affranchissant aussi sur les belles-lettres du joug ridicule de la prévention. » C’était par là que Terrasson croyait qu’il nous appartenait de devenir littérairement supérieurs aux Latins, lesquels, supérieurs de fait aux Grecs, n’avaient jamais osé en secouer le joug. […] Sa fille se fit catholique après sa mort, et se maria à Dacier, garde des livres du Cabinet du roi, qui était de toutes les Académies, savant en grec et en latin, auteur et traducteur. […] L’aimable et spirituel abbé Fraguier, le même qui, à l’apparition du premier manifeste de La Motte, avait fait en latin ce vœu public aux Muses de lire chaque jour de l’année 1714, avec son ami Rémond, mille vers d’Homère pour détourner loin de soi la contagion du sacrilège ; l’abbé Fraguier, dans une élégie également latine sur la mort de Mme Dacier, nous la représente arrivant aux champs Élysées et reçue par sa fille d’abord, cette jeune enfant qui court à elle les cheveux épars et en pleurant ; puis l’Ombre d’Homère, pareille à Jupiter apaisé, sort d’un bosquet voisin et la salue comme celle à qui il doit d’avoir vaincu et de régner encore (« Quod vici regnoque tuum est… »).
D’abord il se passe dans le sanctuaire et dans l’église, et est tout latin ; Puis, dans son premier mélange, à l’état de drame farci, c’est-à-dire dans son latin entrelardé de français, il se tient dans l’église encore ; Puis, tout en français, mais encore timide, s’écartant peu des textes, sacrés et, pour ainsi dire, attenant, à l’église, il se joue tout contre et devant. […] Cependant Dieu le Père parle de nouveau, mêlant un peu de latin au français : Hic est filius meus dilectus In quo mihi bene complacui. Celui-ci est mon fils Jésus Qui bien me plaît : ma plaisance est en lui… Ces mots latins, ce sont les restes d’attache du vieux, drame liturgique et sacré, même lorsqu’il est devenu tout profane et populaire.