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708. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

À l’heure où la rosée au soleil s’évapore Tous ces volets fermés s’ouvraient à sa chaleur, Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore, Les nocturnes parfums de nos vignes en fleur. […] Ma jument se souvint de la place et de la halte : elle me laissa un moment regarder en arrière. […] À mesure que je descendais, la petite vallée dont je suivais le lit se creusait plus profondément devant moi, se cachait sous plus de hêtres et de châtaigniers, murmurait de plus de ruisseaux dans ses ravines, et, s’ouvrant davantage sur ses deux flancs, me laissait déjà apercevoir une plus large étendue et une plus creuse profondeur de la vallée de Saint-Point, dans laquelle elle vient aboutir. […] Ce petit commerce, dont nous leur laissons les gros sous pour eux, servira pour leur acheter des habits, du linge et une armoire quand ils seront en âge et en idée de se marier. […] Je remercie Dieu de m’avoir laissé dans le vôtre un écho qui me renvoie jusqu’au bruit de mes larmes sur mon papier.

709. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Ce siècle avait tant fait, qu’il fallait bien qu’il laissât quelque chose à faire à l’avenir. […] Sa mort, qui suivit de près les douleurs que j’avais endurées pour vous mettre au monde, vous rendit orphelin, et me laissa veuve plus tôt qu’il n’eût été utile à l’un et à l’autre. […] Quelque grand nombre d’amis que vous ayez, nul ne vous laissera vivre avec autant de liberté que je fais. […] Le lieu même d’où il parle, celui où on l’écoute, confond et fait disparaître toutes les grandeurs pour ne laisser sentir que la sienne. […] Ils laissent aboyer ces roquets, et continuent leur chemin.

710. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

Champfleury Ce Pétrus Borel, forçant l’étrangeté pour dissimuler son peu d’imagination, se présentant en « loup » dans la civilisation, goguenard très travaillé, sans cesse en quête de sujets étonnants, voulant attirer l’attention du public par son orthographe, n’écrivant toutefois qu’avec peine de bizarres récits en prose, poète jadis, dont les vers étaient hirsutes et martelés, à la tête autrefois d’un groupe d’artistes à tous crins qui avaient laissé leurs cheveux dans les mains de l’occasion. Pétrus Borel, à bien chercher, a laissé quelques pages ; mais son œuvre, à cinquante ans de distance, ne me paraît pas viable.

711. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Je laisse donc tous ces usages et ces abus qu’on a faits du nom de Sully au xviiie  siècle, tous ces Sully accommodés à la Turgot, à la Necker, à la Bernardin de Saint-Pierre, pour revenir à l’homme tel qu’il se montre à nous dans l’histoire et dans ses Mémoires. […] Sully, dans son château, se fait donc raconter et ramentevoir par ses quatre secrétaires les choses qu’il sait mieux qu’eux et qu’il leur a racontées ou laissé lire ; fidèle, même dans la familiarité, à son goût de hauteur et d’appareil, il se fait renvoyer ses souvenirs sous forme cérémonieuse, obséquieuse, et, pour ainsi dire, à quatre encensoirs ; il assiste sous le dais et prête l’oreille avec complaisance à ses propres échos. […] Il met son amour-propre à laisser paraître en nombre autour de lui ses secrétaires comme d’autres le mettraient à les dissimuler et à les effacer. […] Cependant ce négociateur de vingt-trois ans, dans cette atmosphère d’oisiveté à laquelle il n’était pas accoutumé, se laisse prendre et amorcer à l’amour. […] Et les fidèles secrétaires entrent dans quelques détails du commerce et de l’industrie auxquels se livrait leur maître, et ils ne nous laissent pas ignorer le secret de son aisance à cette date : il faisait chercher des chevaux, de beaux courtauds en quantité aux pays environnants et dans le Nord, jusqu’en Allemagne, et, les achetant à bon marché, il les revendait bien cher en Gascogne.

712. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Longtemps je crus à ce que je désirais ardemment, et, toujours déçu, je me laissais tromper toujours, leurré chaque matin d’une attente nouvelle, et dupe du lendemain, même dès l’enfance ! […] Ce dernier, au milieu de ses folâtreries, ne laissait pas sans doute de se préparer à la carrière de travaux positifs où ses talents rencontrèrent bientôt leur utile et illustre emploi. […] C’était un état d’abattement, de désespoir et de terreur qui le laissait en proie aux plus sinistres pensées et aux images lugubres. […] Il se laissait volontiers prendre et emporter dans mes bras, et plus d’une fois il lui est arrivé de s’endormir sur moi. […] Nulle créature ne saurait se montrer plus reconnaissante que mon pauvre malade après sa guérison : il exprimait sa gratitude de la manière la plus significative en me léchant la main, le dos de la main d’abord, puis la paume, puis chaque doigt séparément, comme s’il s’était inquiété de ne laisser aucune partie sans remerciement ; cérémonie qu’il ne renouvela jamais qu’une seule fois depuis et dans une occasion toute semblable.

713. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Telles étaient donc les relations très convenables et et très dignes de ces deux célèbres auteurs de lettres, du vieux Balzac, comme celui-ci aimait à s’appeler depuis longtemps, et du brillant Voiture, lorsque celui-ci mourut et laissa le dernier mot à dire à son devancier. […] Il fit semblant de reculer devant la tâche qu’on lui proposait, il parut résister pendant plus d’un an et se laissa presser, assiéger par Balzac (ou du moins il affecta de le dire), ne cédant au dernier moment que comme s’il eût été contraint. […] On n’y voit point la grandeur, la majesté, la magnificence et la pompe de votre style, cette rapidité impétueuse semblable aux torrents… M. de Voiture a fait judicieusement de vous laisser toute libre cette large et vaste carrière du genre sublime, ayant reconnu que vous en aviez remporté le prix, et qu’il ne restait plus d’honneur à y acquérir après vous. […] Il s’est donc résolu de vous laisser foudroyer et tonner tout seul… Il y a dans tout cela une ironie prolongée, aigre-douce, une sorte de parodie qui se complaît à contrefaire le Balzac tout en ayant l’air de le célébrer. […] Si on l’avait laissé faire, il aurait organisé une dragonnade anticipée contre Girac au nom de l’infaillibilité de Voiture, érigé en « pape du bel esprit ».

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