Virgile, l’initiateur du Dante, ne laisse plus ceux qu’il a guidés une fois. […] Il nous aurait fait sentir que ce génie-femme ne l’est pas seulement par les formes de sa beauté, par la placidité, par la tendresse, par la rêverie, par le rythme du sein sous le mouvement du cœur, mais qu’il l’est encore par son amour pour le vieil Homère et par tout ce qu’une longue intimité laisse après elle, par la pudeur discrète des plaisirs qu’il en a reçus. […] Sainte-Beuve, l’abeille de la critique qui en eut souvent la grâce et le dard, et le vol ondoyant, Sainte-Beuve, obéissant à ses facultés mobiles d’insecte ailé, a laissé là un sujet qui eût été, s’il l’avait traité à fond, le meilleur de sa gloire. […] Des Mémoires étaient le seul livre qu’il pouvait complètement bien faire : Et il n’en aura pas laissé ! […] Mais il nous a laissé des lettres.
Le tableau que nous font les historiens des occupations d’un chef d’État ne semble pas laisser tant de loisir aux méditations sentimentales. […] Ils ne parlent et n’agissent devant nous que dans les intervalles de liberté qu’elle leur laisse. […] Et puis, laissez-moi croire que l’enquête ne serait pas si sombre ni si dénuée de poésie qu’on le prétend. […] Laissez-la faire. […] Il voit, avec une netteté qui ne laisse rien dans l’ombre, toute l’œuvre dont il n’a pas tracé une ligne, il l’aperçoit achevée, avec les portraits, les dialogues, les paysages, avec la beauté de rêve qu’il espère traduire.
Catherine, sur un point essentiel, s’est donc laissé abuser par la passion. […] Elle ne veut pas de temple : « Laissez-moi, je vous prie, sur la terre ; j’y serai plus à portée d’y recevoir vos lettres et celles de vos amis. » Elle aime le vrai, et elle l’y ramène doucement : « Ces lois dont on parle tant, lui dit-elle, au bout du compte ne sont point faites encore. […] Elle est plus solide et plus sensée que lui ; et pourtant elle se laisse aller, elle aussi, à ce jeu et à cette partie de louanges.
Une fois dans ce riant paysage du Berry, sous les érables si frais de la Vallée noire, à deux pas de l’Indre qui n’est là qu’un joli ruisseau, après le premier regard de connaissance jeté à la famille Lhéry et aux jeunes habitants de la ferme Grangeneuve, j’oubliai tout le reste, je me laissai vivre et aller au cours des choses ; je me sentais introduit dès l’abord dans un monde facile et nouveau. […] Bénédict laisse voir qu’il aimerait mieux la ferme et la causerie avec Mlle Louise que la bruyante corvée de la fête. […] Il est à regretter qu’ayant su si bien conduire le roman à son point de maturité, l’auteur en ait développé la seconde moitié avec une précipitation qui laisse beaucoup de traces.
Si rien, chez M. de Tocqueville, n’annonce un regret, ni encore moins une antipathie contre cette loi de développement qu’il reconnaît et proclame comme providentielle, si dans le savant tableau qu’il nous retrace des États-Unis et du principe qui y triomphe, il se laisse aller parfois à un sentiment d’admiration grave, tel que le philosophe politique peut en exprimer, nous devons dire qu’il paraît moins rassuré en ce qui concerne l’Europe et la France. Ce qu’il laisse échapper à ce sujet dans son Introduction, est d’une éloquence douloureuse. […] Les suffrages des Chateaubriand, des Royer-Collard, des Lamartine, ont été exprimés assez hautement pour qu’on puisse les consigner, sans crainte de se laisser tromper à des apparences complaisantes.
Dans Cinna, on ne laisse pas d’être étonné de trouver un premier acte tout républicain, tandis que la foi monarchique anime les quatre autres. […] Voilà ce qu’il faut savoir résoudre, et cela ne laisse pas d’être souvent embarrassant. […] Au-delà, sont deux défauts, deux excès, soit qu’on se hâte trop sans laisser le temps au lecteur de remarquer suffisamment les objets qu’on lui présente, soit qu’on s’attarde à lui montrer ce qu’il a bien vu d’un coup d’œil, à lui détailler ce qui n’en vaut pas la peine, à lui expliquer ce qu’il connaît.