/ 1690
871. (1864) Le roman contemporain

Nous voyions tout à la fois deux pairs de France comparaître devant la justice, l’un comme accusé de s’être laissé corrompre, l’autre d’avoir corrompu ; un troisième pair de France convaincu d’avoir assassiné sa femme et échappant à l’échafaud par le suicide. […] C’est une justice à lui rendre. […] Sans doute ce serait manquer de justice que de refuser de reconnaître qu’il y a beaucoup d’esprit dans les Mariages de Paris. […] Le parquet crut devoir déférer le journal et l’auteur à la justice en signalant l’ouvrage comme une de ces œuvres scandaleuses qu’on ne peut tolérer sans que la morale publique soit outragée. […] Sans doute, au premier abord, on doit s’étonner de voir des juges employer les balances de la justice à peser les doses de poison que l’on peut, sinon innocemment, au moins impunément, verser aux lecteurs.

872. (1929) La société des grands esprits

Un magistrat ne peut vendre la justice, mais il peut recevoir des présents destinés à se concilier ses sympathies. […] » Pascal s’écrie : « Plaisante justice qu’une rivière borne ! […] Pascal conclut que pour l’homme livré à ses propres lumières, il n’y a ni justice, ni vérité, C’est aller un peu vite. […] Fougueux romantique, il rendait pleine justice à ses contemporains et concitoyens, rangeait Lamartine très haut et Victor Hugo plus haut encore. […] D’ailleurs, Flaubert ne sut aucun gré à la justice de cette réclame inespérée, qui n’aurait pas déplu à d’autres.

873. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Par un coup d’État de la raison sur un instinct longtemps irrésistible, et de la charité (qui est la justice supérieure, la justice envers toute l’humanité) sur l’aveugle besoin d’une étroite et fausse justice individuelle. […] Bref, la justice ne peut être exercée par les individus en leur nom propre, sous peine d’être injuste par quelque point. […] M.Sarcey rend plus de justice au grand amuseur : « Cette nouvelle manière, c’était un tout jeune homme qui l’apportait. […] Nul soin de la vérité dans les pensées, de la justice dans les sentiments, ni de la justesse dans le discours. […] Sarcey, tout en rendant justice au talent des deux jeunes auteurs.

874. (1888) Études sur le XIXe siècle

Si on parvient à le saisir, on découvre tantôt une de ces notions toutes générales, comme la justice, l’humanité, Dieu, en elles-mêmes insaisissables et fluides et défiant la pensée, tantôt une simple opposition d’idées ou de mots. […] Les cohortes célestes s’entremêlent, les millions de victimes de la guerre et du fanatisme se précipitent dans l’infini en demandant justice, l’ange est à son tribunal, c’est l’appareil complet du jugement dernier. […] Sully Prudhomme s’est demandé douloureusement : « Qu’est-ce que la justice ?  […] « Amant de la paix, du droit, de la justice, dit-il en terminant sa préface, nous ne pouvons-nous empêcher de conclure avec l’axiome d’un général américain : La guerre est la véritable vie de l’homme !  […] Il allait droit devant lui, les yeux fixés sur son beau rêve humanitaire, n’en voyant que le rayonnement, grisé par l’ivresse des deux mots magiques qui résument toute sa pensée : justice et liberté.

875. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Les impudicités raffinées et effrénées de la décadence romaine, les obscénités splendides d’Héliogabale, les fantaisies gigantesques du luxe et de la luxure, les tables d’or comblées de mets étrangers, les breuvages de perles dissoutes, la nature dépeuplée pour fournir un plat, les attentats accumulés par la sensualité contre la nature, la raison et la justice, le plaisir de braver et d’outrager la loi, toutes ces images passent devant les yeux avec l’élan du torrent et la force d’un grand fleuve. […] On va droit au but et intrépidement dans cette Rome ; la justice et la pitié n’y sont point des barrières. […] Là-dessus vous voyez tour à tour se dérouler toutes les scènes de la vie romaine, le marchandage du meurtre, la comédie de la justice, l’impudeur de l’adulation, les angoisses et les fluctuations du sénat.

876. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Granier de Cassagnac, cette plume de guerre qui sait être aussi une plume de justice, nous a donné, il y a quelques années, une Histoire des causes de la Révolution française que personne n’a oubliée, et il s’est cru obligé d’y ajouter, comme une conclusion, celle du Directoire. […] Dans le ciel même, l’ange qui frappe n’est pas l’ange qui couronne, et qui sait si sa fonction de justice cruelle ne nuit pas, dans l’historien, à la fonction de justice douce que nous voudrions aussi lui voir exercer ?

/ 1690