La méthode de Grimm est entre les deux et dans la juste mesure. […] Byron ou Goethe, en le lisant, prenaient une idée juste et complète de la littérature et du train de vie de ce temps-là ; et Byron lui a donné le plus bel éloge, en traçant nonchalamment sur son journal ou Memorandum écrit à Ravenne ces mots qui deviennent une gloire : « Somme toute, c’est un grand homme dans son genre. » Nous autres Français, qui savons d’avance, et par la tradition, quantité des choses qui se trouvent dans Grimm, il ne nous faut pas le lire de suite, mais le prendre par places et aux endroits significatifs. […] Il remarque que, quoiqu’il y ait dans les Essais une infinité de faits, d’anecdotes et de citations, Montaigne n’était point à proprement parler savant : « Il n’avait guère lu que quelques poètes latins, quelques livres de voyages, et son Sénèque, et son Plutarque » ; ce dernier surtout, Plutarque, « c’est vraiment l’Encyclopédie des anciens ; Montaigne nous en a donné la fleur, et il y a ajouté les réflexions les plus fines, et surtout les résultats les plus secrets de sa propre expérience. » Les huit pages que Grimm a consacrées aux Essais de Montaigne sont peut-être ce que la critique française a produit là-dessus de plus juste, de mieux pensé et de mieux dit. […] Par je ne sais quel prestige, dont l’illusion se perpétue de génération en génération, nous regardons le temps de notre vie comme une époque favorable au genre humain et distinguée dans les annales du monde… Il me semble que le xviiie siècle a surpassé tous les autres dans les éloges qu’il s’est prodigués à lui-même… Peu s’en faut que même les meilleurs esprits ne se persuadent que l’empire doux et paisible de la philosophie va succéder aux longs orages de la déraison, et fixer pour jamais le repos, la tranquillité et le bonheur du genre humain… Mais le vrai philosophe a malheureusement des notions moins consolantes et plus justes… Je suis donc bien éloigné d’imaginer que nous touchons au siècle de la raison, et peu s’en faut que je ne croie l’Europe menacée de quelque révolution sinistre.
Necker semblait également leur avoir communiqué et qui se liait au précédent, c’était de respecter très fort et de proclamer très haut les droits de l’humanité, d’estimer peut-être le genre humain en masse au-dessus de sa juste valeur, et à la fois de ne point accorder toujours aux individus avec qui il était en rapport le juste degré d’estime qui pouvait leur appartenir. […] On observe difficilement un juste milieu. […] Necker appelle la « législation des sous-entendus », et il trouve des expressions pour nous la traduire : … La souveraine habileté d’une maîtresse de maison, et peut-être son plaisir, si elle est en même temps grande dame, c’est de laisser voir qu’elle entend toutes ces différences, mais de le faire avec délicatesse, afin de ne donner à personne un juste sujet de plainte.
Je tâchai de la diminuer en parlant des regrets qu’ils laisseraient dans le public, et de la juste considération qui les suivrait dans leur retraite ; en quoi je ne les flattais pas. « Je ne regrette, me dit M. […] Et pour être juste, il ajoute aussitôt : Le style de M. […] Les ouvrages qu’il composa depuis à titre de spectateur, et qui ont pour objet la Révolution française observée dans les diverses phases de son développement, contiennent quantité de vues justes, élevées, ingénieuses, et les plus honorables désirs. […] Une seule réflexion se présentera, comme une conséquence presque littéraire : il serait singulier que l’homme qui a vu bien des choses d’une manière distinguée, mais si peu conforme au génie français, eût vu juste précisément sur le point le plus difficile de tous, sur la forme de gouvernement la mieux appropriée au génie de la France41.
Quel est au juste le degré d’honnêteté et de malhonnêteté du personnage, voilà pour lui la question importante ; il y rapporte toutes les autres ; il ne s’attache partout qu’à justifier, excuser, accuser ou condamner. […] Les caresses des prostituées et les plaisanteries des bouffons réglèrent la politique de l’État ; le gouvernement eut juste assez d’habileté pour tromper, et juste assez de religion pour persécuter ; les principes de la liberté furent la dérision de tout arlequin de cour et l’anathème de tout valet d’église. […] Ils demeurent volontiers dans une région moyenne parmi des tirades et des arguments d’avocat, avec une connaissance telle quelle du cœur humain, et un nombre raisonnable d’amplifications sur l’utile et le juste. […] C’était la grande salle de Guillaume le Roux, la salle qui avait retenti d’acclamations à l’inauguration de trente rois, la salle qui avait vu la juste condamnation de Bacon, et le juste acquittement de Somers, la salle où l’éloquence de Strafford avait pour un moment confondu et touché un parti victorieux enflammé d’un juste ressentiment, la salle où Charles avait fait face à la haute cour de justice avec ce tranquille courage qui a racheté à demi sa réputation. […] L’Europe et l’Amérique ont dû à leur sagesse des douzaines de constitutions avortées, constitutions qui ont vécu juste assez longtemps pour faire un tapage misérable, et ont péri dans les convulsions.
C’eût bien été ma place en ces jours désastreux, Où des bourreaux sanglants se dévoraient entre eux ; Le juste par sa mort proteste et se retire. […] Sainte-Beuve y sont appréciés à leur haute et juste valeur : « La publication des Pensées d’Août a donné lieu, dans la presse, contre M.
Daudet, au contraire, y parvint en se jouant, et par une spirituelle intuition de la note juste : La consultation du Dr Bouchereau (Les Rois en exil), le diagnostic chuchoté dans la scène finale de Jack, ou l’on perçoit en murmures « cavernes… râles sibilants… », surtout cette poignante Visite à la Salpêtrière que Charcot, pour la netteté du vocabulaire, aurait pu signer, tout cela est authentique, rigoureux et juste.