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412. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

C’est par ce qu’il a senti et pensé que j’ai toujours jugé Balzac. […] « Ses fines remarques lui firent plus d’une fois prédire les succès ou les désastres de gens qu’on appréciait bien autrement qu’il ne les jugeait ; le temps lui donna souvent raison dans ses prophéties ! […] « Mon père jugeait alors son fils autrement que cet intime, et, ses théories aidant, il croyait à l’intelligence de ses enfants ; il se contenta donc de sourire à cette sortie, tint bon et passa outre. […] Mes Chouans terminés, je vous les porterai ; mais je ne veux en entendre parler ni en bien ni en mal ; une famille, des amis, sont incapables de juger l’auteur. […] Jugez-le par ses œuvres.

413. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Je lui répondis que ses paroles m’impressionnaient vivement, et que je les jugeais dignes d’être portées à la connaissance du Pape, auquel j’allais les transmettre. […] « Je fis donc observer au plénipotentiaire français que je n’étais pas bien vu par le premier consul, et que cela porterait préjudice à mon ambassade, dès mon arrivée à Paris et pendant le cours des négociations ; que du reste son gouvernement ne voyait pas le Concordat d’un œil très favorable, ainsi qu’on pouvait en juger sur les apparences, et que, par conséquent, on attribuerait mes refus non à la force des motifs et à des principes qui empêchaient le Pape d’adhérer, mais à l’animosité personnelle que l’on me supposait. […] Vargas était hors de cause, tierce partie ; il devait donc juger sans partialité et sans prévention. […] Spina ajoutait encore que, si je jugeais que leur signature ne pût se donner sans la mienne, ils ne me cachaient pas qu’ils se voyaient dans la nécessité de protester de leur adhésion, et de se garantir par-là de toute responsabilité des conséquences de la rupture, si elle devait avoir lieu. […] La douceur du caractère de Pie VII l’avait mal fait juger en France.

414. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Les poëmes modernes n’étoient pas jugés plus susceptibles d’instruire. […] Il jugea que ces derniers avoient tort. […] Il jugea les poëmes d’Alaric, de la Pucelle, de Moyse sauvé, des chefs-d’œuvre en comparaison des rapsodies d’Homère. […] On réunit contre lui tous les sifflets, & il fut presque jugé un Perrault. […] Pour juger combien Homère est défiguré dans La Mothe, il suffit d’ouvrir au hasard sa traduction.

415. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Avant d’arriver à cette maturité de mépris dont il est besoin pour juger ou raconter les hommes, il devait user, dans beaucoup d’expériences, un enthousiasme prompt à l’illusion. […] … D’ailleurs, dans l’existence si studieuse et si réglée d’Audin, les événements véritables et réellement importants étant les pensées, dire ces pensées et les juger sera continuer de raconter et de juger sa vie. […] Nous-mêmes, qui la jugeons aujourd’hui, catholiques du xixe  siècle, lui en aurions-nous donné le conseil ? […] Si les grands peintres, pour être grands, doivent changer de manière en changeant de modèles, on allait juger du talent d’Audin. […] Or Dieu lui-même a parlé de la colère de l’Agneau, plus terrible que la colère des lions, quand il viendra juger les hommes.

416. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

La secrète pensée, au moment de la mort, n’est pas de celles qui se jugent, et il n’est pas bien de trop scruter sur ce point au-delà de l’apparence. […] tout le monde verrait et jugerait ; peut-être, au grand jour, l’impression serait autre et se réduirait ; peut-être Buffon, qui se réservait aux grandes choses et qui ne montait son imagination et son talent qu’à haute fin, n’est-il coupable que d’avoir écrit des lettres trop ordinaires. […] Henri Martin a donné sur Buffon un chapitre ferme, étudié, fort bon autant que j’en puis juger, s’il ne s’y mêlait un peu trop de cette dernière manière fougueuse de concevoir Buffon : Quelles prodigieuses visions durent l’assaillir, s’écrie l’historien, quand la nature se présenta à lui comme un seul être dont il avait à décrire les formes et à raconter les vicissitudes !

417. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Diane et la naïade seront peut-être jugées de trop, et Ramond, en les faisant intervenir, mêlait, à son tour, de ses réminiscences classiques à une nature toute vierge et qui ne rappelle qu’elle-même : ou peut-être voulait-il parler aux critiques du temps leur propre langage pour les mieux réfuter. […] De même que nous avons vu quelques-uns de ceux qui l’avaient observée avant l’explosion, et quand elle ne faisait que de naître, se flatter de saisir et d’assigner l’instant précis où il eût été possible de la régler, ou mieux de l’anticiper et de la prévenir, de même lui, qui l’avait connue de près en plein cours, il la considérait et la jugeait comme il eût fait un grand soulèvement physique et une révolution de régime dans les montagnes. […] Elle nous le montre aussi au naturel dans sa conversation et dans sa personne : « On aurait dit que l’âge accroissait encore le feu de ses discours et de ses regards ; et jusqu’à ses derniers moments, ses proportions légères, son tempérament sec, la vivacité de ses mouvements, ont rappelé le peintre des montagnes. » En ce qui était des hommes, des personnages en scène, il les jugeait bien et les marquait en les jugeant ; sa conversation était gaie, piquante ; il avait de ces mots qui restent, du caustique, le trait prompt et continuel4.

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