C’est sa force, et sa joie, et son pilier d’airain ! […] Zola ne sait pas ce que c’est qu’une expérience, et qu’il parle de science ici, comme tout à l’heure vous l’entendrez parler de métaphysique, avec une sérénité d’ignorance qui ferait la joie des savants et des métaphysiciens. […] Mais la quincaillerie, je suppose, ou l’art de faire des souliers, quelle modification cela peut-il bien exercer sur les amours ou les haines, sur les joies ou les souffrances qui sont la grande affaire de la vie ? […] Avec quelle joie mouillée de tristesse elle évoquait toutes ces images pâlies, mais non pas effacées, flottant elle-même, pour ainsi dire, entre le regret des bonheurs qui ne reviendront plus et le charme si profondément humain de s’en souvenir ! […] c’est-à-dire le cortège de souvenirs et d’émotions oubliées que cette fleurette aperçue ressuscite en sa mémoire, et la source des joies, auxquelles un hasard d’autrefois associa ce brin d’herbe, qui tout à coup se renouvelle en lui !
De la même joie avec laquelle un autre se jette au cou d’une idée nouvelle ou prend le bras d’un paradoxe, de la même joie Victor Hugo enfourche le lieu commun. […] Le premier vers de Aux abeilles du manteau impérial était d’abord celui-ci : Vous qui travaillez dans la joie, Et il est devenu le vers un peu dur que l’on sait : Ô vous dont le travail est joie. […] Elle mourut le 16 juin 1848, après avoir eu la joie longtemps espérée, longtemps mise en doute, d’être tante, de bercer un petit-fils de son cher père (c’était l’enfant d’un frère plus jeune qu’elle et plus jeune que Maurice). […] Fut-ce un supplice, fut-il exquis, fut-ce un état d’âme où beaucoup de tristesse se mêlait à un peu de joie ; fut-ce un état d’âme où, plutôt, une joie profonde se mêlait d’un peu de mélancolie, douce encore ? […] Leur joie de vivre joue quelques tours à leur bon sens, qui est solide, et à leur instinct de la civilisation qui, je crois, est encore un peu obscur, mais qui est droit.
Avons-nous peur de la mort, alors, nous ne pourrons goûter ici-bas aucune jouissance, toutes nos joies seront empoisonnées, c’est une ombre qui s’étendra sur notre vie tout entière. […] Un rien les irrite, un souffle les abat ; un sourire qu’ils ont recueilli en passant suffit pour les faire mourir de joie ; un sourire qui a oublié de luire pour eux suffit pour qu’ils s’en aillent mourir de douleur. […] Ce que doit faire un poète, d’après Alfred de Musset, c’est de se mettre lui-même dans son œuvre ; c’est de faire sa poésie avec ses joies et avec ses souffrances, mais surtout avec ses souffrances. […] L’amour ainsi compris, c’est une sorte de sombre passion, apporteuse de plus de souffrances que de joies. […] Mais, chez les uns ou chez les autres, ce principe est toujours le même ; ce principe, c’est celui de la poésie personnelle, à savoir que le poète doit se mettre lui-même dans son œuvre et entretenir le public de ses émotions, des événements de sa sensibilité, de ses joies et de ses douleurs.
D’Olivet, qui est malheureusement trop bref sur le célèbre auteur, mais dont la parole a de l’autorité, nous dit en des termes excellents : « On me l’a dépeint comme un philosophe, qui ne songeoit qu’à vivre tranquille avec des amis et des livres, faisant un bon choix des uns et des autres ; ne cherchant ni ne fuyant le plaisir ; toujours disposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire naître ; poli dans ses « manières et sage dans ses discours ; craignant toute sorte d’ambition, même celle de montrer de l’esprit138. » Le témoignage de l’académicien se trouve confirmé d’une manière frappante par celui de Saint-Simon, qui insiste, avec l’autorité d’un témoin non suspect d’indulgence, précisément sur ces mêmes qualités de bon goût et de sagesse : « Le public, dit-il, perdit bientôt après (1696) un homme illustre par son esprit, par son style et par la connoissance des hommes ; mes ; je veux dire La Bruyère, qui mourut d’apoplexie à Versailles, après avoir surpassé Théophraste en travaillant d’après lui et avoir peint les hommes de notre temps dans ses nouveaux Caractères d’une manière inimitable. […] J’hésite presque à glisser cette parole de Ménage, moins bon juge : elle concorde pourtant : « Il n’y a pas longtemps que M. de La « Bruyère m’a fait l’honneur de me venir voir, mais je ne l’ai pas vu « assez de temps pour le bien connoître. « Il m’a paru que ce n’étoit pas un grand parleur. » (Menagiana, tome III.) — On a opposé depuis à cette idée qu’on se faisait jusqu’ici de La Bruyère quelques mots tirés de lettres et billets de M. de Pontchartrain. et desquels il résulterait que La Bruyère était sujet à des accès de joie extravagante ; c’est peu probable.
XI Devoir d’adoration envers le Créateur, qui a daigné tirer l’être du néant pour sa gloire ; devoir qui oblige l’homme à se conformer en tout aux volontés du souverain législateur, volontés manifestées à l’homme par ses instincts ; organe de la véritable souveraineté de la nature ; devoir facile, satisfait par son accomplissement, même quand il est douloureux aux sens ; devoir qui donne à l’homme obéissant à son souverain Maître cette joie lyrique de la vie et de la conscience, joie de la vie et de la conscience qui éclate dans tout être vivant comme un cantique de la terre, et que tous les êtres vivants, depuis l’insecte, l’oiseau, jusqu’à l’homme, entonnent en chœur au soleil levant comme une respiration en Dieu !
Ce nous est une joie bien vive d’enregistrer ici les ovations faites au maître par un public enthousiaste. […] ces réquisitoires, tour à tour éloquents et badins, qui ont si souvent charmé notre jeunesse, et qui seront encore, j’ose l’espérer, la joie de nos petits-enfants ?