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404. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Jeannin, dès sa jeunesse, s’annonça par ses talents et par son mérite ; il alla étudier aux universités, notamment à Bourges sous Cujas. Il ne faudrait pourtant point se le figurer à cet âge un sujet trop régulier, toujours esclave de son travail et le front courbé sur le Digeste : tel n’était point le président Jeannin en sa jeunesse : Car nous avons appris de tous ceux de son temps, dit Saumaise, qu’il avait exercé toutes les libertés que la chaleur du sang et celle de l’âge peuvent imaginer en cette heureuse saison. […] » (C’était un sobriquet qu’on avait donné à Jeannin pour quelque jeunesse qu’il avait faite à Romorantin.)

405. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Dans sa jeunesse, et à l’époque de sa liaison avec Vauvenargues, c’était un jeune homme studieux, aussi lettré que modeste, animé de sentiments délicats et tendres, religieux ou susceptible de revenir à la religion. […] Dans une lettre à Saint-Vincens, après la maladie de ce dernier, et en réponse à un récit que le convalescent paraît lui avoir fait de ses dispositions et impressions en présence de la mort, on lit : Je ne suis point surpris de la sécurité avec laquelle tu as vu les approches de la mort ; il est pourtant bien triste de mourir dans la fleur de la jeunesse ! […] Assurément on aurait mieux aimé voir dans ces élans et ces prières, dans ces méditations sur la foi, les traces directes et les témoignages d’une lutte intérieure et d’un de ces beaux orages mélancoliques et mystiques tels qu’on en a dans la jeunesse, une seconde forme du drame intérieur de Pascal.

406. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Il y a dans l’ordre de la nature de ces moments de retour et de ces reprises de jeunesse : il y a, au déclin de l’automne, de ces journées encore si brillantes, qu’on est tenté de se demander si c’est le printemps qui revient. […] Au milieu des plus formidables difficultés et dans une situation extrême, la netteté des vues, leur promptitude, leur multiplicité (chaque jour et chaque heure en demandant de nouvelles), l’à-propos et la perfection de l’exécution avec des moyens tels quels, tronqués et insuffisants ; le nerf et la vigueur dans leur dernière précision, une célérité qui suppléait au nombre ; une vigilance de tous les instants ; l’infatigable prodigalité de lui-même ; non seulement la constance, cette vertu des forts, mais l’espérance, ce rayon de la jeunesse, tout cela lui était, je ne dirai pas revenu (car tout cela appartenait de tout temps à sa nature), mais rendu au complet et à la fois, s’était renouvelé, réexcité en lui, et se couronnait d’une suprême flamme. […] Sans doute on aurait des jours difficiles ; il faudrait quelquefois se battre un contre trois, même un contre quatre ; mais on l’avait fait dans sa jeunesse, il fallait bien savoir le faire dans son âge mur.

407. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Noble but, noble effort, et par lequel il réalisait un des vœux de sa première jeunesse, lorsqu’après le récit d’une de ses courses opiniâtres à travers les montagnes de la Sicile, il s’écriait en finissant : « Pour moi, je ne demande à Dieu qu’une grâce : qu’il m’accorde de me retrouver un jour voulant de la même manière une chose qui en vaille la peine !  […] c’est ce dont il fait le plus de cas : « Ce monde, pense-t-il, appartient à l’énergie. » Lui si moral, si tempéré, il semble même par moments tout près de vouloir cette énergie à tout prix, tant il est l’ennemi de la mollesse et de l’indifférence : « À mesure que je m’éloigne de la jeunesse, écrivait-il à M.  […] La question, pour lui, est de savoir s’il pourra transformer l’homme politique en homme de science et d’érudition ; il s’y applique à cinquante ans avec toute l’ardeur de la jeunesse.

408. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

On voit Madeleine en son dit château, jouissant de sa jeunesse et s’en vantant avec ses demoiselles de compagnie, Pérusine et Pasiphaé. […] Elle dit, à sa façon, comme son frère Lazare : « Il n’est plaisir que de jeunesse » ; et ses suivantes, la première et la seconde demoiselle, lui font écho et lui répètent à l’envi ; « Cœur ne vaut rien, s’il n’est joyeux. » Tout cela se dit en ballades assez agréables et en chansonnettes qui devaient courir ensuite et se répéter. […] Jésus En la force de ma Jeunesse… Ici le fond l’emporte sur la forme ; mais la forme même semble expressément sortir de la vivacité poignante des sentiments qui sont aux prises.

409. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Il paraît y être entré avec tout le feu et l’enthousiasme de la jeunesse et il s’est plu à remarquer dans son tout dernier ouvrage, non sans un retour évident sur lui-même, « qu’il n’est pas de meilleurs soldats que ceux qui sont transportés de la culture des lettres sur les champs de bataille, et qu’aucun homme d’étude n’est devenu homme de guerre sans être un brave et un vaillant2. » Pendant quatre années (1571-1575), Cervantes fit un rude apprentissage de la vie militaire ; il eut sa part glorieuse dans la bataille navale de Lépante (7 octobre 1571) ; la galère sur laquelle il servait, Marquesa, fut engagée au plus épais de la mêlée ; chargée d’attaquer la Capitane d’Alexandrie, elle y tua des centaines de Turcs et prit l’étendard royal d’Égypte. […] Certes, quand nous nous apitoyons sur ces premières années de campagnes comiques et de caravanes de Molière, parcourant le midi de la France avec sa troupe, et de temps en temps chassé d’une ville, molesté par le magistrat et obligé de porter ailleurs ses tréteaux, il n’est pas de comparaison à faire entre ce genre de tracasserie et de souffrance (si souffrance il y a) et les épreuves auxquelles fut soumise la jeunesse de Cervantes, cet autre inimitable rieur, et un rieur sans amertume. […] Tout y naît de soi, tout y est amené naturellement et comme fondu sans dessein dans une composition aisée et enjouée ; l’humanité y est raillée d’un bout à l’autre, sans être offensée jamais ; la foi à la vertu, à la bonté, subsiste au milieu des mécomptes et jusque dans les éclats d’une risée immodérée, toujours innocente : mélange le plus heureusement tempéré que l’on connaisse, comme aussi le plus vivement contrasté, de bon sens et d’imagination, d’expérience et d’hilarité, de maturité et de jeunesse.

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