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256. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

La Savoie, qui était alors la tête de l’Italie, et une tête française, se sentait opprimée et contrainte ; la jeunesse des écoles, à Chambéry, s’exalta et prit feu. […] On peut excuser chez la jeunesse des violences et des erreurs, on ne les exhume pas. […] La jeunesse est sujette à prendre au pied de la lettre tout ce qui s’écrit ; et, ce qui doit donner à penser à ceux qui écrivent, elle met ses actions, sa personne et sa vie au bout des phrases ; elle s’embarque, corps et âme, sur la foi des paroles. […] les illusions de la jeunesse ne reverdissent pas deux fois au cœur de l’homme, le bonheur qui a fui ne saurait revenir ; l’amour qui s’est envolé ne fait pas comme l’hirondelle ; le cœur qu’il abandonne reste longtemps vide et désert… Du moins c’était ainsi que je l’éprouvais alors. » René !

257. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Deux des neveux de Loyson, l’un ecclésiastique savant et distingué, professeur plein de doctrine et de mérite, l’autre prédicateur éloquent, dont la parole a de la flamme et des ailes, ont rajeuni ce nom et l’ont remis en circulation dans une partie de la jeunesse contemporaine. […] On pourrait même, si on l’étudiait avec suite, non-seulement dans ses poésies, mais dans ses articles de journaux et dans ses brochures, comme je viens de le faire rapidement, on pourrait le présenter comme un type parfait de cette première jeunesse royaliste et bourbonienne à bonne fin, amie et enthousiaste de la Restauration, de laquelle elle ne séparait pas l’idée de liberté ; datant en politique de la protestation de M.  […] Si tu voulais, ainsi le torrent de ma vie, A sa source aujourd’hui remontant sans efforts, Nourrirait de nouveau ma jeunesse tarie, Et de ses flots vermeils féconderait ses bords, Ces cheveux dont la neige, hélas ! […] Droz, Auger, Campenon, tous exacts et honnêtes esprits, mais un peu froids, un peu ternes et sans nouveauté : il se retrouvait plus à sa place et dans son vrai monde, lorsqu’il était en compagnie des Royer-Collard, des de Serre, ses vrais maîtres, et qui lui témoignaient par leur considération qu’ils le tenaient, malgré sa jeunesse, pour l’un des leurs.

258. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

S’il se rencontre surtout dans une nature aimable, facile, qui n’a en rien l’ambition de ce rôle et qui ignore absolument qu’elle le remplit ; s’il se produit en œuvres légères, courtes, inachevées, mais sorties et senties du cœur ; s’il se termine en une brève jeunesse, il devient tout à fait intéressant. […] Des sentiments de famille naturels et purs, une facilité de talent non combattue, bientôt l’émotion rapide, mobile, du plaisir et de la rêverie, c’est là le fonds entier de sa jeunesse, ce sont les caractères qui, en simples et légers délinéaments, pour ainsi dire, vont passer de l’âme de Millevoye dans sa poésie. […] On doit croire qu’en avançant dans la jeunesse, et plus près du moment où sa santé allait s’altérer, sa mélancolie augmenta, et par conséquent son penchant à l’élégie. […] J’avais lu la plupart de ces petits chants, j’avais lu ce Charlemagne, cet Alfred, où il en a inséré ; je trouvais l’ensemble élégant, monotone et pâli, et, n’y sentant que peu, je passais, quand un contemporain de la jeunesse de Millevoye et de la nôtre encore, qui me voyait indifférent, se mit à me chanter d’une voix émue, et l’œil humide, quelques-uns de ces refrains auxquels il rendit une vie d’enchantement ; et j’appris combien, un moment du moins, pour les sensibles et les amants d’alors, tout cela avait vécu, combien pour de jeunes cœurs, aujourd’hui éteints ou refroidis, cette légère poésie avait été une fois la musique de l’âme, et comment on avait usé de ces chants aussi pour charmer et pour aimer.

259. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

C’était un homme de cour ambitieux de grandes places et de grandes occasions de paraître ou de servir ; au reste, fort dépensier, et propre à faire un magnifique seigneur ; aussi opposé par son brillant et par sa jeunesse, à la préciosité, que le duc de Montausier, par la rigidité de son esprit et de son caractère. […] Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] Ce sel tant vanté de la Grèce En faisait l’assaisonnement ; Et malgré la froide vieillesse, * Son esprit léger et charmant, Eut de la brillante jeunesse Tout l’éclat et tout l’enjouement. » Vigneul de Marville en parle ainsi : « Elle écoutait avec une attention qui débrouillait toutes choses, et répondait encore plus aux pensées qu’aux paroles de ceux qui l’interrogeaient.

260. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Mais ici, dans ce monsieur Rousselot qui intitule ses chants des Chants de force et de jeunesse 40, il y a plus que le délire de l’enthousiasme pour soi-même, qui est une forme bénévolement autorisée et devenue vulgaire de la littérature lyrique. […] Malheureusement pour Gustave Rousselot, l’une écrase l’autre, de ces cariatides… La Niobé vieillie est plus forte que le jeune homme qui croit, comme… un jeune homme, que la force est dans la jeunesse. […] Chants de force et de jeunesse (Constitutionnel, 24 août 1874).

261. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

… Le nom, ce nom fascinateur d’Alfred de Musset, de ce poète qui fut toutes nos âmes et toutes nos jeunesses, devait nécessairement nous attirer vers le livre qui promettait sa vie et par quelque main qu’il fût écrit. […] Les bruits qui ont circulé, de son vivant, sur ce jeune génie qui s’est déchiré à tous les plaisirs d’une jeunesse folle, comme les dentelles que les femmes accrochent et déchirent, en valsant, ces bruits ont charrié jusqu’à moi plus de choses que ce pâle récit qui n’ajoute rien à sa renommée. […] Comme les Élégants d’alors, il salit beaucoup de gants, blancs et jaunes ; mais, moins superficiel que les autres, il livra le meilleur de sa jeunesse en proie aux plaisirs enivrants et aux cruautés de l’amour… L’extraordinaire poésie qui était en lui s’était éveillée dès l’enfance.

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