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15. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Je ne trouve pas que nous ayons l’esprit trop large, ni l’intelligence trop ouverte. […] Le goût a ceci d’original, qu’il est subordonné à l’intelligence, mais à l’intelligence à l’état vague, non pas à telle ou à telle notion précise de l’intelligence. […] La véritable personne de goût, c’est cet homme poli ou mieux encore cette femme aimable, qui se sert de son intelligence sans savoir comment, de même qu’elle respire sans y penser. Le goût n’existe donc ni dans une indépendance sauvage, ni dans une servitude logique ; il n’est ni absolument libre, ni esclave ; il est soumis à l’intelligence, comme à un joug nécessaire, si aisément porté qu’il n’en a point conscience. D’après cela, il est clair que les progrès du goût sont directement en proportion de ceux de l’intelligence, et que, plus l’intelligence s’agrandit, plus le goût se perfectionne.

16. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Taine De l’Intelligence. […] Il en reprend les transformations et les décrit, — ou plutôt il les fait décrire aux autres ; car ce livre de l’Intelligence n’est que le livre de la mémoire. […] » Ainsi, la grande réserve de Leibnitz, qui disait que tout était dans la sensation, excepté l’intelligence elle-même, est envoyée paître, et c’était à Taine à y aller ! « La loi fondamentale, — continue-t-il, — c’est la tendance de la sensation et de l’image à renaître. » Et si c’est toute l’intelligence que cela, c’est aussi tout le livre. […] Or, je sais où la sensation, affirmée comme étant l’intelligence elle-même, peut nous mener, et ceci me suffit pour repousser la guenille rapiécée par Taine et reteinte dans son encrier !

17. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

La forme sérielle est donc le caractère spécial de l’intelligence. […] L’intelligence, comme la vie, consiste dans une correspondance. […] C’est la loi de l’intelligence in abstracto et les intelligences existantes la remplissent à des degrés plus ou moins imparfaits. » L’intelligence considérée dans son fond se réduit donc à l’association des idées, qui en est comme la propriété fondamentale. […] Ces deux modes de l’intelligence se transforment l’un dans l’autre. […] Dès lors, l’intelligence est constituée.

18. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Ce système qui rapporte tout à l’intelligence est l’homme même. […] Je le crois, et je dis tout de suite que, dans mon opinion, cette qualité, c’est l’intelligence. […] Cependant l’histoire n’est-elle qu’intelligence ? […] Une glace est l’intelligence de la matière. […] Avec l’intelligence seule vous avez le fait, que M. 

19. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Par ce mot d’intelligible, il ne faut pas entendre le compréhensible, ni même une chose vraiment saisissable à l’intelligence par quelque moyen que ce soit : c’est, au contraire, ce qui dépasse l’intelligence proprement dite, ce qui est en dehors d’elle et de ses formes. […] C’est là, évidemment, une idée toute problématique, mais qui n’en agit pas moins sur notre intelligence et notre volonté. […] Je construis ainsi l’idée d’une béatitude infinie, d’une puissance infinie, d’une intelligence embrassant tout dans sa science infinie, etc. […] Nous jugeons l’intelligence bonne, parce que nous jouissons de connaître et de comprendre, la puissance bonne, parce que nous jouissons d’agir et de mouvoir, etc. […] Nous nous paraissons à nous-mêmes un seul moi, doué d’attributs qui se distinguent par leurs effets : intelligence, sensibilité, volonté.

20. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Nous verrons d’un bout à l’autre de ce livre que tout ce que les poètes avaient d’abord senti relativement à la sagesse vulgaire, les philosophes le comprirent ensuite relativement à une sagesse plus élevée (riposta) ; de sorte qu’on appellerait avec raison les premiers le sens, les seconds l’intelligence du genre humain. On peut dire de l’espèce ce qu’Aristote dit de l’individu : Il n’y a rien dans l’intelligence qui n’ait été auparavant dans le sens ; c’est-à-dire que l’esprit humain ne comprend rien que les sens ne lui aient donné auparavant occasion de comprendre. L’intelligence, pour remonter au sens étymologique, inter legere, intelligere, l’intelligence agit lorsqu’elle tire de ce qu’on a senti quelque chose qui ne tombe point sous les sens. […] Or l’homme, en tant qu’homme, a deux parties constituantes, l’esprit et le cœur, ou si l’on veut, l’intelligence et la volonté. La sagesse doit développer en lui ces deux puissances à la fois, la seconde par la première, de sorte que l’intelligence étant éclairée par la connaissance des choses les plus sublimes, la volonté fasse choix des choses les meilleures.

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