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305. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Dussent mes lettres être vues un jour de tout le monde, je ne veux point dérober à la lumière les seuls monuments de ma faiblesse, de mes sentiments. » Allons, puisqu’on nous le permet et qu’on nous y invite même, pénétrons dans l’intérieur virginal où il lui plaît de nous guider. […] Les lettres à Sophie se ressentent aussitôt de ce grave événement intérieur ; les post-scriptum à l’insu de la mère s’allongent et se multiplient ; le petit cabinet à jour où l’on écrit ne paraît plus assez sûr et laisse en danger d’être surprise : « Point de réponse, à moins qu’elle ne soit intelligible que pour moi seule. […] Tout cela ne laisse pas de faire diversion ; les tracas domestiques, les embarras intérieurs s’en mêlent.

306. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Il me semble donc que lorsqu’on parle d’un artiste et d’un poëte, surtout d’un poëte qui ne représente pas toute une époque, il est mieux de ne pas compliquer dès l’abord son histoire d’un trop vaste appareil philosophique, de s’en tenir, en commençant, au caractère privé, aux liaisons domestiques, et de suivre l’individu de près dans sa destinée intérieure, sauf ensuite, quand on le connaîtra bien, à le traduire au grand jour, et à le confronter avec son siècle. […] Les circonstances extérieures étant données, l’état politique et social étant connu, on conçoit quelle dut être sur une nature comme celle de Boileau l’influence de cette première éducation, de ces habitudes domestiques et de tout cet intérieur. […] Cet intérieur devait être assez peu agréable au poëte, car la femme de Jérôme était, à ce qu’il paraît, grondeuse et revêche.

307. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

On agrandit les événements par des images violentes ; on dit d’un richard qui s’enrichit, « qu’il pleut dans son escarcelle » ; on dit des pèlerins alléchés par la vue d’une huître « qu’ils l’avalent des yeux. » On insiste, on redouble, on s’acharne ; on ne se contente pas de dire qu’un avare entasse et compte ; on le montre « passant les nuits et les jours à compter, calculer, supputer sans relâche, calculant, supputant, comptant comme à la tâche. » On revient vingt fois sur le même objet, avec vingt expressions différentes ; un seul mot est impuissant à manifester la sensation intérieure ; tout le dictionnaire y passe ; toutes les images grossissantes ou appétissantes défilent coup sur coup pour l’exprimer. […] A l’intérieur, les deux premières rimes appellent toutes les autres. […] A l’intérieur ; le second argument se distingue du premier par un changement subit du mètre, et s’y unit par une rime commune ; et, comme la gravité passionnée croît sans cesse, il se déploie en un double distique croisé, dont les longues mesures et les rimes alternatives captivent l’oreille et maîtrisent l’âme.

308. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Le principe intérieur de la religion lui échappe, comme au reste le principe de l’art et de la poésie. […] Quelques faits constants et généraux, ou intérieurs, tels que l’âme du peuple et ses instincts primordiaux, ou extérieurs, tels que des institutions et des constitutions, donnent les directions et les formes principales de l’évolution historique. […] Montesquieu, qui se souvient parfois des causes physiques, semble ignorer absolument que la matière sur laquelle travaillent les législateurs, l’humanité vivante, contient en puissance une infinité d’énergie, qu’elle n’est pas seulement le champ de bataille que la loi dispute à la nature, qu’elle peut trancher à chaque instant le différend par ses forces, ses tendances intérieures, et qu’enfin c’est elle, et elle seule, qui fait la loi puissante ou inefficace.

309. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq les tracasseries de la société, les gronderies, les taquineries, les câlineries du ménage, jamais mieux les commérages, les tatillonnages, les chiffonnages d’un intérieur, jamais mieux les babils, les curiosités, les malignités des coteries intimes. […] Mme de Verna, mariée à un officier du génie, aime son intérieur, son mari, son enfant, et tous deux s’amusent, tout en causant, à faire à leur petit Gabriel un château de cartes, mais un château qui ne ressemble pas à un autre, et dont son père a dressé le plan en ingénieur consommé. […] Les effets et les reflets s’en répandent en mille détails d’intérieur tout à fait charmants.

310. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

C’est des rameaux les plus touffus qu’elle le fait entendre ; elle s’y tient ordinairement couverte, ne se montre que par instants au bord des buissons, et rentre vite à l’intérieur, surtout pendant la chaleur du jour. […] Richardson, en vérité, ne sait pas mieux l’intérieur de la famille Harlowe que Buffon ne paraît savoir ces époques à jamais inconnues et évanouies qu’il rend présentes, cet intérieur de l’univers auquel il nous fait assister.

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