qui n’est presque jamais l’intérêt profond, passionné, à impression ineffaçable, que donnent les livres forts et grands ; mais il a cette fleur de l’amusement qu’on respire, — et qu’on jette aussi (rarement pour la reprendre) après l’avoir respirée. […] Au lieu d’aborder hardiment cette œuvre immense du roman, qui comprend l’étude de l’homme et de la société, invariablement unis l’un à l’autre, Paul Féval l’a dédoublée et détriplée, et de cette époque dernière des temps prosaïques et civilisés il a dégagé une spécialité de roman dans lequel l’intérêt des faits qui se succèdent l’emporte sur l’intérêt des idées et des sentiments. […] Fils de ce romantisme qui, en passant, a laissé partout une lave incandescente de vie qu’on n’éteindra plus, Féval ne procède jamais à la manière incolore de ce pauvre diable de Le Sage, à peu près poétique comme son nom, mais il n’en trouble pas moins la hiérarchie des choses, dans son système de roman, en mettant en premier l’intérêt des événements, qui devrait être le second, et en second l’intérêt des sentiments, qui est certainement le premier… Et ne croyez pas qu’il n’en ait point l’intelligence ! […] Il a l’intérêt d’un labyrinthe, lequel n’existe plus une fois que l’on en est sorti. […] Le roman diminue d’intérêt parce qu’il diminue d’accent.
Les nouveaux venus, conduits dans la société par l’intérêt, non par la religion, ne partagèrent pas les prérogatives des héros, particulièrement celle du mariage solennel. […] La sagesse consiste alors dans un usage habile des paroles, dans l’application précise, dans l’appropriation du langage à un but d’intérêt. […] Les exceptions, les privilèges sont souvent demandés par l’équité naturelle ; aussi les gouvernements humains savent faire plier la loi dans l’intérêt de l’égalité même. […] Dans celles-ci tous les intérêts privés des citoyens étaient renfermés dans les intérêts publics ; sous les gouvernements humains, et surtout sous les monarchies, les intérêts publics n’occupent les esprits qu’à propos des intérêts privés ; d’ailleurs les mœurs s’adoucissant, les affections particulières en prennent d’autant plus de force, et remplacent le patriotisme. […] Tous les individus de ce peuple se sont isolés dans l’intérêt privé ; on n’en trouvera pas deux qui s’accordent, chacun suivant son plaisir ou son caprice.
Aussi je ne serais pas étonné que, malgré l’intérêt réel et de fond qui s’attache à la Correspondance qu’on publie, certains lecteurs la jugeassent fastidieuse, monotone. […] C’est l’intérêt des vies domestiques que d’y deviner, d’y suivre le caractère et le génie qui vont tout à l’heure éclater, qui auraient pu aussi bien n’en jamais sortir. […] Le fleuve qui vient de la droite laisse couler paisiblement devant ma demeure ses ondes salutaires… » Voilà sans doute un harmonieux début pour exprimer le coin du quai des Lunettes ; nous regrettons que l’éditeur n’ait pas fait de nombreux retranchements dans toute cette partie élémentaire qui n’avait d’intérêt que comme échantillon ; tant d’autres peintures franches et fraîches à côté y auraient gagné. […] Ce sentiment pour La Blancherie, s’il ne mérite pas absolument le nom d’amour et s’il ne remplit pas tout à fait l’idée qu’on se pourrait faire d’une première passion en une telle âme, passait pourtant les bornes du simple intérêt ; il est tout naturel que Mme Roland dans ses Mémoires, jugeant de loin et en raccourci, l’ait un peu diminué : ici nous le voyons se dérouler avec plus d’espace. […] Je conçois les difficultés et les scrupules lorsqu’on a en main d’aussi riches matériaux ; mais il importait, ce me semble, dans l’intérêt de la lecture, de conserver à la publication une sorte d’unité ; d’éviter ce qui traîne, ce qui n’est qu’intervalles, et surtout d’avoir toujours les Mémoires sous les yeux, pour abréger ce qui n’en est qu’une manière de duplicata.
Tout cela était l’effet de sentiments prompts, dont le plus excusable était celui qui me chassait avec le fouet de l’honneur, du dégoût et de tous les intérêts. […] Tous mes soins se portaient donc à présenter la vérité, mais sans la rendre effrayante ; de ce qui n’avait été qu’un tumulte, j’en faisais un tableau ; je cherchais et je saisissais, dans la confusion de ces bouleversements du sanctuaire des lois, les traits qui avaient un caractère et un intérêt pour l’imagination. […] Mallet n’était point ainsi : il appartenait à l’école historique et morale qui est exacte et sévère, et qui n’entre point dans ces compositions, dans ces mélanges où l’imagination et une fausse sensibilité, sous de beaux prétextes, se mettent au service des peurs, des lâchetés et des intérêts : Les contemporains et la postérité, disait-il en exposant ses principes et sa méthode de rédaction, doivent sans doute juger une Assemblée législative sur ses actes, et non sur ses discours : ils imitent en cela l’histoire et la loi, qui se borne à prononcer sur les actions des hommes. […] En remerciant ceux qui, dans cet intervalle, avaient accompagné leurs plaintes de témoignages d’intérêt et d’affection, il ne put s’empêcher cependant de relever avec une ironie amère la prétention de ces autres lecteurs qui « paraissent considérer un auteur dans les conjonctures où nous sommes, dit-il, comme un serviteur qu’ils ont chargé de défendre leurs opinions, et qui doit monter à la tranchée pendant qu’ils dorment ou se divertissent. […] « Le désordre est un effet qui devient cause toute-puissante lorsqu’il est manié par une force qu’aucune autre ne contrebalance » ; il s’accroît de ses propres ravages, il se fortifie, il s’organise, il crée des intérêts nouveaux, tout s’enchaîne.
J’ai lu autrefois ces volumes avec beaucoup de profit et d’intérêt : en y revenant aujourd’hui, je n’y chercherai aucun genre d’allusion, mais je suis sûr du moins de ne pas tomber dans un contretemps. […] Il se donne à nous comme dénué de toute ambition, de tout intérêt personnel : « Mon grand défaut, mon imperturbable défaut est l’antipathie pour le mouvement. » Il avait pour principe qu’il y a de bons défauts, et qu’il ne s’agit que de savoir en prendre son parti et s’en arranger pour y trouver du bonheur. […] La Dot de Suzette, qui ne semblait qu’une anecdote vraie, racontée avec intérêt et délicatesse par une femme (car la première édition était anonyme), donna satisfaction à ce désir d’un goût plus simple. […] Pour lui, il se fait auprès du consul le représentant et l’organe des anciennes forces conservatrices de la société, par antagonisme à ce qu’il y a, dans un autre sens, de forces et d’intérêts purement révolutionnaires. […] Fiévée nie que ce soit là une exacte conséquence : « Il serait fort extraordinaire, dit-il, que quatorze siècles de monarchie ne puissent plus servir en France qu’à faire opposition même au gouvernement d’un seul. » Il montre qu’entre ce retour aux vrais principes de gouvernement et un retour à l’Ancien Régime, il y a toujours un énorme obstacle qui s’interpose, à savoir la masse d’intérêts créés par la Révolution.
Réunir en une société régulière une multitude d’êtres épars qui pullulent au hasard sur une terre sans possesseurs légitimes et reconnus ; Combiner assez équitablement tous les intérêts divergents ou contradictoires de cette multitude pour que chacun reconnaisse l’utilité de borner son intérêt propre par l’intérêt d’autrui ; Extraire de toutes ces volontés individuelles une volonté générale et commune qui gouverne cette anarchie ; Proclamer ou écrire cette volonté dominante en lois qui instituent des droits sociaux conformes aux droits naturels, c’est-à-dire aux instincts légitimes de l’homme sortant de la nature pour entrer dans la société ; Sanctifier ces lois par la plus grande masse de justice qu’il soit possible de leur faire exprimer, en sorte que la conscience, cet organe que le Créateur nous a donné pour oracle intérieur, soit forcée de ratifier même contre nos passions la justice de la loi ; Faire régner avec une autorité impartiale et inflexible cette loi sur nos iniquités individuelles, sur nos résistances, nos empiétements, nos répugnances ; lui créer un corps, des membres, une main dans un pouvoir exécuteur et visible chargé de faire aimer, respecter et craindre la loi ; Armer ce pouvoir exécuteur de toute la force nécessaire pour réprimer les atteintes individuelles ou collectives contre la loi, sans l’investir néanmoins de prérogatives assez absolues pour qu’il puisse lui-même se substituer à la loi et faire dégénérer cette volonté d’un seul contre tous en tyrannie ; Échelonner, si l’empire est grand, les corps ou les magistratures, religieuse, civile, judiciaire, administrative, de telle sorte que chaque province, chaque ville, chaque maison, chaque citoyen, trouve à sa portée la souveraineté de l’État prête à lui distribuer sa part d’ordre, de sécurité, de justice, de police, de service public, de vengeance même si un droit est violé dans sa personne ; Faire contribuer dans la proportion de son intérêt et de sa force chacun des membres de la nation aux services onéreux que la nation exige en obéissance, en impôt, en sang, si le salut de la communauté exige le sang de ses enfants ; Créer au sommet de cette hiérarchie d’autorités secondaires une autorité suprême, soit monarchique, c’est-à-dire personnifiée dans un chef héréditaire, soit aristocratique, c’est-à-dire personnifiée dans une caste gouvernementale, soit républicaine, c’est-à-dire personnifiée dans un magistrat temporaire élu et révocable par l’unanimité du peuple : voilà le chef-d’œuvre de cette création d’un gouvernement par l’homme. […] Ni les prêtres, ni les princes, ni les peuples n’avaient intérêt à étouffer sa voix dans son sang. […] « Vous ne me connaissez point, leur répondit Confucius, si vous croyez que c’est par dédain que je ne veux pas accepter le bienfait dont le roi de Tsi veut m’honorer ; et le roi de Tsi me connaît moins encore s’il s’imagine que je suis venu dans ses États et auprès de sa personne en vue de quelque intérêt temporel qui me soit propre. » XXIV On demandait à un sage qui avait vu et entendu Confucius ce que c’était que ce philosophe : « C’est un homme, répondit le sage, auquel aucun homme de nos jours ne peut être comparé. […] « Ce gouvernement doit exprimer l’intérêt légitime de tous et la volonté générale. Cet intérêt légitime de tous doit prévaloir sur l’intérêt étroit et égoïste de chacun.