En l’éclairant sur ses intérêts et sur ses devoirs, ou en flattant ses mauvais instincts et ses goûts dépravés. […] Une mélodie, un parfum, un mets savoureux vous attirent et vous retiennent ; mais si naturelles qu’elles soient, si le hasard nous mène à une cacophonie, à une puanteur, nous nous éloignons d’instinct. […] Les deux gaillards comptèrent aussitôt la somme livrée à leur discrétion… Devant ce spectacle j’eus l’étonnement de reconnaître que l’instinct de la propriété s’était encore conservé en moi.
Sa recherche fouilleuse, sa science psychologique, la succession de ses « états d’âme », le sens profond des contradictions passionnelles et de l’instabilité des choses ; cet instinct et cette lucidité à rebours qui font que chez lui rien ne s’explique, tout se transforme, recommence et se dément ; ce travail de divination employé à étudier le perpétuel devenir, ce sont là des qualités qu’on trouve pour la première fois dans le Rouge et le Noir, la Chartreuse de Parme et l’Amour. […] Il recherchait les traits qui frappent, les informations saillantes, notant la bonne édition, dégageant les biographies, comparant les travaux, exposant les questions, esprit plus curieux qu’appréciateur, dilettante plutôt que juge, collectionneur impressionniste, lettré compétent, écrivain supérieur par sa facilité et sa souplesse à rendre les plus fines choses pensées, il a fait de la littérature au détail, avec une sûreté d’instinct et un don d’assimilation incomparables. […] Un joli scepticisme, un flair souverain, beaucoup de délicatesse et d’érudition, un instinct de lettré universel, voilà les qualités de son esthétique, ou plutôt voilà les qualités qui remplaçaient chez lui l’esthétique. […] On est ravi de son instinct et de sa justesse, lorsqu’il reproche à Flaubert « d’avoir trop le nez dessus » ; lorsqu’il appelle le style de Tacite « travaillé, doré et cuit au four » ; lorsqu’il cite le mot de Monselet sur les réalistes : « Ils font du Delille flamboyant » ; lorsqu’il parle de « l’illuminisme » de Michelet ; lorsque, discutant la théorie de l’épithète rare contre les Goncourt, il réclame aussi pour le style le substantif et le verbe rares ; lorsqu’il dit de Balzac qu’il n’avait pas « l’expression définitive » et qu’il « procédait par retouches ». […] Pour savourer dans ses nuances et dans sa suavité latente la forme purement sensationnelle de Loti, il faut avoir autant d’instinct et d’éducation littéraires que pour admirer l’impeccable Tentation de saint Antoine.
S’il me fallait choisir dans cet ouvrage, et que, sans courir le risque de rien exclure, j’eusse à faire sa part à cet instinct secret, à ce plaisir, toujours si vif, de préférer, je mettrais au premier rang de ces divers essais celui qui a pour titre : Chateaubriand et ses récents historiens. […] Les airs de métaphysicien ou de psychologue profond que se donna l’humoriste Jules Laforgue en divulguant, dans des milieux plus littéraires que philosophiques, les théories de Hartmann, en remuant les mots d’Inconscient, d’Évolution, d’Introspection, d’Instinct, par un grand I, et quelques autres, semblent l’avoir impressionné. […] Ni à l’heure, déjà surprenante, de ses débuts, ni au moment, presque miraculeux, de sa maturité, ni dans le crépuscule louche et affligeant de sa caducité précoce, Verlaine n’a été ce rustique inspiré, que son irrésistible instinct pousse aux vulgarités, aux images obscènes, mais par moments transporte, transfigure et fait rayonner comme un dieu.
Et de fait ce qui se détourne et la préciosité, n’est-ce pas un instinct de décence et de distinction ? […] Ce siècle est grand et fort, un noble instinct le mène. […] Villiers, dans la Machine à Gloire, avait parfaitement défini cet ordre : « Au nom de Milton, il s’éveillera, dans l’entendement des auditeurs, à la minute même, l’inévitable arrière-pensée d’une œuvre beaucoup moins intéressante, au point de vue positif, que celle de Scribe. — Mais cette réserve obscure sera néanmoins telle, que tout en accordant plus d’estime pratique à Scribe, l’idée de tout parallèle entre Milton et ce dernier semblera (d’instinct et malgré tout) comme l’idée d’un parallèle entre un sceptre et une paire de pantoufles, quelque pauvre qu’ait été Milton, quelque argent qu’ait gagné Scribe, quelque inconnu que soit demeuré longtemps Milton, quelque universellement notoire que soit, déjà, Scribe.
Je le définirais volontiers un homme-chiffre, sec par instinct et par principe, sec comme un traité d’arithmétique, sec comme un tableau de statistique. […] Et votre instinct maternel ne s’épuise pas au profit des martyrs obscurs, des héros anonymes du travail ; le trop plein de votre cœur déborde sur l’animal qu’on torture, sur le coupable même qu’on accable. […] Au collège, ses instincts sont comprimés, ses penchants entravés. […] Je laisse aux curieux le plaisir de suivre, dans le texte, les fines analyses où le docteur Pioger fait l’anatomie de l’instinct, de la volonté, de la pensée, et les vigoureuses synthèses où il rattache par un fil solide les éléments dissociés du monde physique ou du monde organique.
C’est pourquoi, s’il est pardonnable à la plupart des directeurs de sacrifier à la moindre culture du plus grand nombre, il est du devoir de quelques directeurs privilégiés de maintenir, autant que possible, l’art dans toute son intégrité et de résister au désir de trop flatter les instincts moins délicats d’un public plus nombreux. […] Travailler pour cette élite, c’est donc travailler pour tous, c’est conspirer contre l’ignorance et le mauvais goût, en éveillant les meilleurs instincts de la foule, en la conviant à la jouissance d’un idéal supérieur. […] C’est pourquoi le sens particulier que les poètes ont de leur œuvre leur donne une autorité dont il ne faut pas s’affranchir légèrement quand il s’agit de régler la mise en scène ; et c’est pourquoi l’instinct dramatique est de toutes les qualités celle qui est la plus précieuse dans un metteur en scène. […] Nous n’y ajouterons pas les nôtres, bien que l’école réaliste ait souvent mérité les sévérités de la critique en flattant les instincts les moins nobles de l’humanité et en prenant le succès d’une œuvre d’art pour la mesure de sa moralité.