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966. (1883) Le roman naturaliste

comme si les soucis de la vie faisaient trêve un instant, et que, libre de toute contrainte, l’intelligence fût un instant transportée dans un monde qu’elle se créerait au gré de sa fantaisie ! […] Mais je n’hésite pas un seul instant à croire, ou même à déclarer, qu’ils se moquaient du monde. […] Mais si nous avions pu supposer un seul instant que l’ambition littéraire des auteurs du Mariage de Rosette, ou de l’auteur des Amours d’un interne, se réduisît à si peu de chose, nous n’aurions absolument soufflé mot ni de l’un ni des autres. […] Elle est sotte, mal élevée, prétentieuse ; ni tête, ni cœur ; fausse, avide, par instants même froidement et bêtement cruelle : mais, comme ses sens, exaspérés par la privation de ce qu’elle n’a jamais connu, sont devenus fins et subtils ! […] Vous êtes une fille précieuse pour vous mettre à l’ouvrage un instant avant qu’il faille le quitter ! 

967. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Tel homme s’immole à la gloire, qu’il se peint comme un être vivant dans la postérité : l’instant où, cessant de l’imaginer, il en reconnaît le prestige, est la dernière ligne de son histoire. […] De perfides conseils engagèrent ses enfants, avides de son héritage, à lui nommer lâchement un curateur ; ils accusaient d’avoir perdu l’intelligence, celui qui dans ce même instant témoigna si bien le pouvoir de son esprit, en présentant aux juges son Œdipe à Colone ! […] La tragédie de Sophocle se termine par des larmes, et celle de Voltaire par des fureurs ; imitation déplacée du délire d’Oreste, qui dénature en Œdipe ses mœurs et ses véritables traits, et le rendent un instant méconnaissable aux doctes amateurs du théâtre grec.

968. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Son roman, quoiqu’on ait dit, n’a de gigantesque que ses personnages, dont, du reste, il oublie à chaque instant les statures anormales. […] Sa parole était vigoureuse, pressante, soutenue par une conviction profonde et l’impossibilité de supposer un instant que quiconque ne pensait pas exactement comme lui pût avoir raison. […] Ce fut un combat admirable de tous les instants. […] Les « libertins qui se nomment spirituels » prétendant sans aucune espèce de réserve que Dieu littéralement fait tout, Calvin se moque beaucoup d’eux, et non sans esprit, mais semble à chaque instant se réfuter lui-même. […] Il vivait beaucoup plus en Vendômois et en Touraine qu’à Paris, changeant du reste à chaque instant de résidence, comme font les malades d’esprit et de corps, allant de Croix-Val à Cousture, de Cousture au prieuré de Saint-Cosme près Tours).

969. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Le fait même d’écrire implique, par instants du moins, la représentation d’un public, et avec les auteurs cette représentation varie beaucoup. […] Il voit les choses ou profondeur, derrière l’instant, non développées sur un plan, autour de l’instant. […] La rêverie, dans la solitude, s’épure en idée, le sanglot en lumière, le hasard, l’accident, l’instant sont désertés par la présence suspendue d’un Automne éternel. […] D’un côté une ampleur de passé à forme d’espace, de l’autre une pointe d’instant, un visage vivant de durée. […] L’instant, l’état de grâce, va-t-il se libérer de la prison de glace, pareille à la prison de pierreries où son orgueil enferme d’abord Hérodiade ?

970. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Pour Hamlet, il ne s’agit pas un instant de tuer sa mère : il n’ose même pas tuer son oncle ! […] » Et alors la pauvre chère petite, sans répondre, tire la boîte de bijoux qu’il lui a donnée un instant auparavant, et la lui rend sans le regarder. […] On songe à chaque instant : « Mon Dieu ! […] Au second acte, quand il va chercher Armand chez Léontine, il n’est pas dupe un instant des roueries de l’aimable personne ; il est clairvoyant, défiant, sagace. […] Ces poupées sont articulées ; les mâchoires de celles qui appartiennent au vilain sexe sont mobiles comme des castagnettes et menacent à chaque instant de se décrocher.

971. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Mais comme il faut que celle-ci l’emporte en dernier lieu, Gilotin, mieux inspiré, joint prudemment les effets aux paroles, « …… Et ce ministre sage, « Sur table au même instant fait servir le potage. […] Et vous savez que, quand ils boivent, « La cruche au large ventre est vide en un instant. […] Toujours hors de lui, toujours en extase, il surcharge ses vers de monotones vocatifs : point de chants qui ne contiennent de fréquents appels à l’Âme, aux Tombeaux, au Saint-Esprit, à la Vierge, aux Anges, à Jéhovah ; et la perpétuelle répétition de ses prosopopées rompt à chaque instant le fil de son intérêt narratif. […] Mais Delille dit vaguement : « Et dans cet instant même un devoir hasardeux, « À la porte du camp les réunit tous deux. […] « Voici l’instant du glaive, et voilà notre route, « Dit Nisus, le fer nu ; viens Euryale !

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