Mais comme au lac profond et sur son limon noir Le ciel se réfléchit, vaste et charmant à voir, Et, déroulant d’en haut la splendeur de ses voiles, Pour décorer l’abîme y sème les étoiles, Tel dans ce fond obscur de notre humble destin Se révèle l’espoir de l’éternel matin ; Et quand sous l’œil de Dieu l’on s’est mis de bonne heure, Quand on s’est fait une âme où la vertu demeure ; Quand, morts entre nos bras, les parents révérés Tout bas nous ont bénis avec des mots sacrés ; Quand nos enfants, nourris d’une douceur austère, Continueront le bien après nous sur la terre ; Quand un chaste devoir a réglé tous nos pas, Alors on peut encore être heureux ici-bas ; Aux instants de tristesse on peut, d’un œil plus ferme, Envisager la vie et ses biens et leur terme, Et ce grave penser, qui ramène au Seigneur, Soutient l’âme et console au milieu du bonheur. […] Ainsi d’abord pensais-je ; armé de ton oracle, Ainsi je rabaissais le grand homme en spectacle ; Je niais son midi manifeste, éclatant, Redemandant l’obscur, l’insaisissable instant. […] Il y avait le même talent, l’immense talent, mais un talent faisait tort à l’autre, excepté quelques pages divines, telles que celles-ci : la mort de Théram : « Vers le matin pourtant, les autres personnes étant absentes toujours, et même la domestique depuis quelques instants sortie, tandis que je lisais avec feu et que les plus courts versets du rituel se multipliaient sous ma lèvre en mille exhortations gémissantes, tout d’un coup les cierges pâlirent, les lettres se dérobèrent à mes yeux, la lueur du matin entra, un son lointain de cloche se fit entendre, et le chant d’un oiseau, dont le bec frappa la vitre, s’élança comme par un signal familier. […] « Je crois être dans le vrai en insistant sur cette médiocrité de fortune et de condition rurale dans laquelle était né Virgile, médiocrité, ai-je dit, qui rend tout mieux senti et plus cher, parce qu’on y touche à chaque instant la limite, parce qu’on y a toujours présent le moment où l’on a acquis et celui où l’on peut tout perdre : non que je veuille prétendre que les grands et les riches ne tiennent pas également à leurs vastes propriétés, à leurs forêts, leurs chasses, leurs parcs et châteaux ; mais ils y tiennent moins tendrement, en quelque sorte, que le pauvre ou le modeste possesseur d’un enclos où il a mis de ses sueurs, et qui y a compté les ceps et les pommiers ; qui a presque compté à l’avance, à chaque récolte, ses pommes, ses grappes de raisin bientôt mûres, et qui sait le nombre de ses essaims.
On croit à chaque instant que l’on va voir apparaître sur la prairie un cerf ou un chevreuil. […] Goethe est resté quelques instants enfoncé dans ses pensées, puis il m’a cité ce mot d’un ancien : « Même lorsqu’il disparaît, c’est toujours le même soleil ! […] Si l’enfant attrape le papillon posé sur la fleur, c’est que pour un moment il a rassemblé sur un seul point toute son attention, et il ne va pas au même instant regarder en l’air pour voir se former un joli nuage. […] Si les années de guerre, en ne permettant pas à la poésie d’attirer sur elle un grand intérêt, ont été par là pour un instant défavorables aux muses, il s’est cependant, pendant cette époque, formé une foule d’esprits libres, qui maintenant, pendant la paix, se recueillent et font apparaître leurs remarquables talents.
Dans cent ans, comme aujourd’hui, on lui reprochera sa vanité, son imprévoyance, ses colères subites, ses défaillances sans motifs, ses croyances d’un jour, ses enthousiasmes d’un instant, ses répulsions sans cause, et ses adorations au hasard ! […] mais avouez que ces instants de folle ivresse ont été payés avec usure ? […] La critique a beaucoup perdu en perdant mademoiselle Mars ; elle portait un de ces noms très rares que le public aime à rencontrer dans nos discours ; elle était hardie et se mêlait volontiers aux œuvres nouvelles ; elle enfantait à chaque instant des choses inconnues, elle s’est battue, au premier rang, dans la première œuvre de M. […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante !
la comédie domine dans le Marchand de Venise, malgré le terrible qui la traverse, et qu’elle rend plus terrible par le contraste du fond charmant sur lequel il jette, un instant, sa lueur sinistre et menaçante. […] Il est vrai que, presque au même instant, il a refait son nœud avec une merveilleuse adresse et rafistolé les chausses échappées et pendantes, un moment, de son admiration, en soutenant que puisque cette pièce de Henri VI était indigne du génie de Shakespeare évidemment elle n’en était pas ! […] Rien ne manque à cette tête, devenue sérieuse, de Henri, pas même, par instants, la mélancolie du repentir et la grandiose beauté de la pensée religieuse. […] » Tel il parle, ce magnanime Henri, cette idéale figure qui monte, à chaque instant du drame, dans la beauté morale et dans la noblesse, aussi haut qu’un homme puisse y monter, mais dont l’originalité n’est cependant pas toute là encore… Non !
Même, si elle s’arrête un instant, notre main impatientée ne peut s’empêcher de se mouvoir comme pour la pousser, comme pour la replacer au sein de ce mouvement dont le rythme est devenu toute notre pensée et toute notre volonté. […] Un coup de canon tiré à nos oreilles, une lumière éblouissante s’allumant tout à coup, nous enlèvent pendant un instant la conscience de notre personnalité ; cet état pourra même se prolonger chez un sujet prédisposé. […] Or, celle cause est extensive et par conséquent mesurable : une expérience de tous les instants, qui a commencé avec les premières lueurs de la conscience et qui se poursuit pendant notre existence entière, nous montre une nuance déterminée de la sensation répondant à une valeur déterminée de l’excitation. […] Supposons un instant que, depuis notre naissance, les variations d’intensité d’une source lumineuse se fussent traduites à notre conscience par la perception successive des diverses couleurs du spectre.
Les meilleurs critiques ont repoussé l’idée que, même en étant averti, on pût y saisir de l’ironie jusqu’au dernier instant où seulement elle éclate. […] Il passe ses instants de loisir à polir durant des années des épigrammes de toutes sortes qu’il emprunte à Martial, à Catulle ou à de moins dignes, à correspondre avec les académiciens en renom, avec son voisin Balzac, « l’incomparable ermite de la Charente », avec les illustres de Paris, Chapelain, Gomberville et autres : il leur prodigue les louanges pour qu’ils les lui rendent ; il cherche à se rattacher à ceux qui vivent, et à ce qu’on dise de lui le moins possible feu Maynard.