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364. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

En vain s’imaginerait-on que le talent facile et si commun de faire de mauvais ouvrages, qu’on appelle du terme honnête d’ouvrages de société, fût un titre suffisant pour acquérir les qualités de juge : ce n’est qu’en faisant usage de toutes ses forces qu’on peut parvenir à bien connaître les secrets de l’art, encore ce don n’est-il rien moins que prodigué par la nature ; or pour déployer tous les efforts dont on est capable, ce n’est pas à un petit cercle d’amis ou de complaisants adulateurs qu’il faut se borner lorsqu’on écrit : il faut ou se produire au grand jour, ou travailler du moins comme si on y devait paraître. […] Cette classe est beaucoup plus étendue qu’on ne pourrait se l’imaginer. […] Mais les gens de lettres s’imaginent peut-être qu’ils trouveront plus de ressources dans les lumières de certains amateurs, qu’on peut diviser en deux classes. […] Mais à voir la manière dont ils les traitent, on serait tenté de croire que le mot de république des lettres est bien mal imaginé ; rien n’est moins républicain que leur conduite et leur manière d’agir envers leurs semblables. […] Il n’imaginait pas qu’un jour certaines gens dussent être choqués de se voir dans l’Académie Française entre Despréaux et Racine, place dont Mécène se serait fait honneur et qu’il n’eût occupée qu’avec modestie.

365. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

De sorte qu’une sociologie qui s’imagine emprunter à la biologie l’idée d’une transmission héréditaire de l’acquis ne fait que reprendre ce qu’elle avait prêté. […] Seulement on se bat avec les armes forgées par notre civilisation, et les massacres sont d’une horreur que les anciens n’auraient même pas imaginée. […] Car la difficulté de supprimer les guerres est plus grande encore que ne se l’imaginent généralement ceux qui ne croient pas à leur suppression. […] Imaginons que l’orangé soit la seule couleur qui ait encore paru dans le monde : serait-il déjà composé de jaune et de rouge ? […] On a rappelé que l’homme avait toujours inventé des machines, que l’antiquité en avait connu de remarquables, que des dispositifs ingénieux furent imagines bien avant l’éclosion de la science moderne et ensuite, très souvent, indépendamment d’elle : aujourd’hui encore de simples ouvriers, sans culture scientifique, trouvent des perfectionnements auxquels de savants ingénieurs n’avaient pas pensé.

366. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

On l’envie souvent, ce critique à la tâche, on l’imagine de loin redouté, respecté, faisant, comme on dit, la pluie et le beau temps. […] Imaginez-vous qu’un bon catholique puisse juger Voltaire comme un incroyant ? […] N’imaginez pas que cette hiérarchie savante ait disparu balayée par le vent d’égalité qui a soufflé sur la France. […] Plusieurs s’imagineraient que je veux dire par là qu’il faut y peindre les mœurs antiques. […] Il aurait une étrange idée de la France contemporaine, celui qui s’imaginerait que les écrivains choisis pour sujets d’études par M. 

367. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Je n’avais jamais rien imaginé de pareil. […] Leurs temples sont trois fois hauts comme le tien, ô Eurythmie, et semblables à des forêts ; seulement ils ne sont pas solides ; ils tombent en ruine au bout de cinq ou six cents ans : ce sont des fantaisies de barbares, qui s’imaginent qu’on peut faire quelque chose de bien en dehors des règles que tu as tracées à tes inspirés, ô Raison. […] Ils imaginaient un divertissement singulier. […] Loin de méconnaître Dieu, il avait honte pour ceux qui s’imaginent le toucher.

368. (1914) Boulevard et coulisses

Gagner sa vie en écrivant, on ne s’imagine pas la puissance de cette formule sur une imagination de jeune Français. […] N’allez pas vous imaginer pourtant que ce fut un tissu d’horreurs. […] Imaginez la bousculade qui va se faire autour de lui. […] N’allez pas cependant vous imaginer, messieurs, que je cherche à laisser dans votre esprit une méchante opinion de nous et de notre temps.

369. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Ce n’est pas que du temps d’Adolphe on ne fût aussi sensualiste, aussi sensible aux choses réelles et palpables, aussi sujet aux choses de la bile et du sang, qu’on peut l’être aujourd’hui ; l’Adolphe véritable, si je me l’imagine bien, ne s’en faisait pas faute. […] est-elle une histoire vécue, ou simplement imaginée ?

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