Un Esprit aisé, profond, indépendant ; une imagination féconde, forte, hardie, & presque toujours agréable ; un langage familier, naïf, quelquefois énergique ; une érudition vaste, choisie, & le talent assez rare de s’en parer à propos, auront toujours des charmes propres à établir la réputation d’un Auteur, & le pouvoir de soutenir son Ouvrage contre l’inconstance des temps, malgré les défauts multipliés qu’on y remarque. […] Le peu d’ordre & de liaison qui y regnent, les contradictions qui y fourmillent, les saillies d’une imagination vive qui ne s’assujettit à rien, un cynisme qui brave tout & s’égaye aux dépens de tout, une licence qu’aucun objet n’arrête, & dont la Religion, la Morale & les Bienséances n’ont pu ralentir l’intrépidité, ont contribué, plus que tout le reste, à son mérite littéraire, parce qu’il est facile d’être neuf & piquant, quand on est hardi & caustique.
La seule imagination me rend compte de ce qui peut être et c’est assez pour lever un peu le terrible interdit, assez aussi pour que je m’abandonne à elle sans crainte de me tromper. […] L’imagination est peut-être sur le point de reprendre ses droits. […] La critique de l’imagination se trouve dans le Livre II, mais Crevel peut aussi s’appuyer sur Pascal pour qui « l’imagination est maîtresse d’erreur et de fausseté ». S’il oppose, comme Breton dans le Manifeste du surréalisme, « le drapeau de l’imagination » à la raison et au règne de la logique, il s’en sert plus spécifiquement pour redéfinir le partage entre « esprit » et « raison », l’imagination relevant non moins que la raison du fonctionnement de l’esprit ; il apparaît ainsi plus solidement établi que l’esprit ne peut être assimilé à la seule logique rationnelle, ni laissé sans partage à M. […] Le texte publié dit : « Réduire l’imagination à l’esclavage » ; plus loin ce qui « peut être » est en italique ; il existe enfin quelques variantes de ponctuation par rapport à l’édition de référence actuelle du Manifeste.
On aime à se pénétrer des résultats d’une imagination si sûre. En somme, de tout ce qui a produit dans les arts, c’est lui et Michel-Ange qui me remuent le plus : le premier par le fond de philosophie si bien écrit ; le second par une imagination si gigantesque, si grande, si originale. […] On ne peut pas cependant leur ôter une belle dose d’imagination et d’idées particulières. […] Son imagination peu littéraire et nullement artificielle ne lui disait rien. […] Ingres, duquel on le rapprochait assez naturellement, qu’il admirait comme le modèle des artistes, comme l’artiste de ce siècle le plus classique, et à qui il ne se laissait comparer qu’avec résistance et réserve, il marquait cependant la différence essentielle qui les séparait : Ingres plein de science, d’étude de l’Antiquité, cherchant l’idéal même par le souvenir historique, surtout par la poésie et par l’imagination, et dans la trace de Raphaël, de Phidias ou d’Homère ; et lui, Léopold, n’y voulant arriver, si c’était possible, que par la nature.
Cette grande permanence dans le fond de nos mœurs a toujours été couverte par une non moins grande mobilité d’imagination, d’imagination, qui a suffi dans tous les temps à l’observateur peu attentif pour motiver l’accusation de légèreté qui nous a été faite si souvent. […] Il fallait alors que la philosophie luttât contre les égarements de l’imagination, contre les séductions des sens, mais toujours en respectant le sentiment religieux, sorte d’instinct qui seul donne de la durée à l’existence de l’homme, qui seul revêt d’une sanction inviolable les lois auxquelles il doit obéir. […] Voudrait-on, par exemple, que nous eussions l’imagination mobile, l’esprit très prompt à saisir les rapports, et que nous fussions, en même temps, prudents et circonspects en toute occurrence ? […] La légitimité est en France au nombre des nécessités sociales ; c’est le seul frein à l’impétuosité de notre esprit et à la mobilité de notre imagination.
Les ouvrages où la raison et l’imagination se montrent seules ne touchent pas. […] Le théâtre de Corneille parle surtout à l’imagination et à la raison. Par l’imagination nous sommes émus de la grandeur qu’il imprime à ses personnages, de ce surhumain dont il les a marqués. […] Les coups que frappe le premier sont plus soudains et plus forts ; le second, en préparant les siens, en affaiblit l’effet sur l’imagination, mais il les rend plus sensibles pour la raison. […] De là son usage d’écrire ses pièces d’abord en prose, afin d’éviter l’illusion du poète, et ce chatouillement de l’imagination et de l’oreille, qui aurait pu troubler son jugement.
L’imagination n’est plus la qualité maîtresse du romancier. […] En un mot, l’imagination de Balzac, cette imagination déréglée qui se jetait dans toutes les exagérations et qui voulait créer le monde à nouveau, sur des plans extraordinaires, cette imagination m’irrite plus qu’elle ne m’attire. […] Je reviens à l’imagination dans le roman. […] Ou bien c’est qu’il aura fait de l’imagination dans du rêve. […] Puisqu’on nous demande de l’imagination, en voici.