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2331. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Et il a incarné la luxure dans Césarine, comme Ezéchiel l’avait incarnée dans Ohola et dans Oholiba, et par la même démarche naturelle de l’imagination. […] Alphonse dans l’imagination publique. […] C’est qu’il a de l’imagination et des loisirs. […] Voilà certes de quoi troubler son imagination et son cœur, sinon sa raison. — Ajoutez à cela que la tradition a longtemps attaché la souillure à l’acte matériel, quelle que fût la pensée qui a dirigé la main. […] Son plus grand effort d’imagination a été de reproduire Versailles dans son hôtel et Trianon dans son parc.

2332. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

              En de vagues accords où se mêlent               Des battements d’ailes,               Des sons d’étoiles,               Des chutes de fleurs,               En l’universelle rumeur               Elle se fond, doucement, et s’achève,               La chanson d’Ève11 Tous ces écrivains, qu’ils se nomment Lemonnier, Demolder, Giraud, Verhaeren, Rodenbach, Van Lerberghe, qu’ils descendent de Rubens, Van Dyck, ou Memling, qu’ils silhouettent des béguines frôlant à pas étouffés les vieilles maisons de Bruges, ou bien entonnent les chants rutilants d’une foule en liesse, que leurs teintes s’estompent, épuisées, dans une atmosphère de recueillement, qu’elles éclatent joyeuses et sonores comme l’appel d’une fanfare, qu’il s’agisse d’une cité ardente et rétive, ou du travail méthodique des abeilles, qu’ils peignent surtout avec leurs sens, leur sensibilité, leur imagination hallucinée ou leur mysticisme troublant, tous ces écrivains sont, d’abord, des coloristes. […] L’atmosphère désolée et désolante de Bruges devait impressionner une imagination maladive, ébranlée déjà par des deuils de famille. […] Donne ton seul baiser Au désespoir ; déchaîne en toi l’âpre blasphème ; …………………………………………………107 Comme, d’autre part, à cette époque, Verhaeren séjourne souvent en Angleterre, la révélation des villes industrielles et des ports l’impressionne au point que son imagination malade transforme les spectacles quotidiens en colossales et démentes apparitions. […] Se restreindre aux limites d’un sujet strict, faire œuvre de psychologue et non de peintre, disséquer des sentiments, en surveiller les évolutions, les combiner entre eux, en un mot équilibrer une œuvre d’imagination réfléchie et de calcul, même basée sur l’observation de la réalité, les eût contraints à composer singulièrement avec la franchise spontanée de leur nature. […] L’une s’adresse à notre imagination et peut nous faire du bien dans son domaine, mais l’autre intéresse directement notre vie réelle.

2333. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

On la reçoit d’ordinaire dans ces Universités dont tels critiques ont fait une peinture à peu près aussi ressemblante que l’étaient, à Yonville-l’Abbaye, les imaginations d’Homais sur la vie des artistes et des journalistes eux-mêmes. […] Notez que cette apothéose de la critique se rencontre non pas dans une de ces fantaisies à pointe de paradoxe dont les critiques aiment à prendre la récréation, mais dans l’article Critique de la Grande Encyclopédie, où il s’agissait plutôt d’éteindre ses imaginations personnelles pour laisser la place et la parole à un exposé objectif. […] * * * Cette critique des maîtres, elle n’est pas une imagination de classificateur, une fausse fenêtre que nous supposions pour faire pendant à la critique professionnelle. […] Il appuie ses pensées de celles de tous les grands hommes de l’antiquité ; il les juge, il les combat, il converse avec eux, avec son lecteur, avec lui-même ; toujours original dans la manière dont il présente les objets, toujours plein d’imagination, toujours peintre, et, ce que j’aime, toujours sachant douter. » Félicitant M. de Tressan d’avoir soutenu la cause de Montaigne il ajoute : « C’est votre père que vous défendez, c’est vous-même. » Disons aujourd’hui de Voltaire, nous, critiques : « C’est notre père qu’il défend, c’est nous-mêmes. » En ces quelques lignes il a défini excellemment non seulement Montaigne, mais une partie nécessaire de la bonne critique. […] Voici ce que dit l’écrivain en qui s’est achevée et clarifiée l’ancienne critique, Marmontel : « Le critique supérieur doit donc avoir dans son imagination autant de modèles différents qu’il y a de genres.

2334. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Chez Mme Du Deffand, c’était la crainte de l’ennui qui était son abîme à elle, et contre ce vide son imagination cherchait sans cesse des préservatifs et comme des parapets dans la présence de ceux qui pouvaient lui être agréables. — Manzoni craint également et a son abîme ; il craint d’être seul et a besoin d’avoir toujours quelqu’un auprès de lui : c’est chez lui peur de se trouver mal, anxiété nerveuse insupportable […] Elle n’était pas belle, ni même agréable ; blonde, un peu sur le roux, parlant peu, ayant l’air d’être toujours dans les espaces ; mais elle avait de l’âme, du feu, de l’imagination. […] » — J’entends définir le livre de Lamartine : L’histoire de la Révolution vue dans les imaginations du temps.

2335. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

J’ai entendu quelquefois faire l’éloge de certaines personnes, en disant qu’elles parlent comme un livre : si ce que ces personnes disent était écrit, cela pourrait être supportable ; mais il me semble que c’est un grand défaut que de parler ainsi ; c’est une marque presque certaine, que l’on est dépourvu de chaleur et d’imagination. […] L’expérience nous a appris qu’il n’y a pas dans notre langue deux mots qui soient parfaitement synonymes, c’est-à-dire, qui en toute occasion puissent être substitués indifféremment l’un à l’autre : je dis en toute occasion ; car ce serait une imagination fausse et puérile, que de prétendre qu’il n’y a aucune circonstance où deux mots puissent être employés sans choix l’un à la place de l’autre ; l’expérience prouverait le contraire, ainsi que la lecture de nos meilleurs ouvrages. […] Un auditeur qui se croit touché, l’est donc véritablement : or, on ne donne point ce qu’on n’a point ; on ne peut donc vivement toucher les autres sans être touché vivement soi-même, soit par le sentiment, soit au moins par l’imagination, qui produit en ce moment le même effet.

2336. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

J’ai voulu citer cette expression fidèle d’un regret d’amateur, parce qu’elle se rattache à un sentiment plus général, à celui que porte tout antiquaire et tout ami des souvenirs dans l’objet favori de son culte, dans ce coin réservé du passé où l’on a mis son étude, son investigation sympathique et pieuse, une part de son imagination et de son cœur, et où l’on ne voudrait appeler que ceux qui sont dignes d’en tout apprécier et comprendre.

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