à la même mystérieuse partie de l’humanité, et il souffle. […] Assurément, la pâle et délicate Mme de La Fayette, cette fille d’une société factice et qui n’a appris ce qu’elle sait de la nature humaine qu’en écoutant à travers les draperies des convenances à la porte de quelques cœurs, semble une bien grêle observatrice, quand on la compare à des esprits comme Defoë et Richardson, ces génies énergiques qui plongent, eux, dans l’humanité à une si grande profondeur, et qui la brassent comme on brasse un bain.
Son économie politique, qui supprime le travail en supprimant ce qu’il appelle le luxe, le luxe, cette chose sans nom, mystère inexplicable entre le consommateur et le producteur, seul mobile et seul répartiteur du travail, seul créateur de la richesse, cette économie politique de Fénelon serait le suicide de l’humanité, si l’humanité se laissait gouverner par la rhétorique, au lieu de se gouverner par les instincts de Dieu et du bon sens. […] Ils se répandent, pour ainsi dire, par le contact dans la fibre, dans les veines, dans le sensorium de l’humanité. […] Rousseau se croit-il donc le grand lama de l’Occident pour faire embrasser comme des reliques les plus viles traces de son humanité ? […] Or, pendant que Rousseau accomplissait ces exécutions presque infanticides, il écrivait, avec une affectation de sensibilité digne d’un Tartufe d’humanité, des malédictions systématiques et fausses sur le crime des mères qui n’allaitent pas elles-mêmes leurs enfants ! […] Père dénaturé, qui signalait sa tendresse menteuse pour l’humanité en faisant ces forçats de naissance appelés des enfants trouvés, dans ces tours, égouts de l’illégale population des cités.
L’humanité prise en masse, d’ailleurs, ne lui inspire pas grande confiance. […] Par-dessus la médiocre humanité présente, par-dessus notre misérable vie de petits vices et de petites vertus, il y développait, en des termes tout parfumés de fraîche poésie, l’idéal d’une humanité, d’une vie supérieures. […] Et la force des grandes croyances de l’humanité leur vient précisément de ce qu’elles sont inexplicables. […] Les lois sont la grande cause du mal dans l’humanité. […] Ce ne sont point des mesures générales, ni des congrès, ni des lois, qui peuvent assurer le bonheur de l’humanité.
Aussi reconnaît-on dans leur courage une influence toute nouvelle et que l’humanité antérieure n’avait jamais connue. […] Non, mais nous voulons dire qu’elles ne sont jamais entrées dans la circulation générale des richesses de l’humanité. […] Une note héroïque a suffi pour le remettre au diapason normal de l’humanité et pour lui faire garder sa dignité et son rang. […] Cependant l’humanité de Cervantes est garrottée par mille liens invisibles. […] Que de témoignages d’humanité durant sa longue carrière !
Le réaliste emprunte ses types à l’humanité moyenne : M. […] Leur âme est trop détachée de toute humanité. […] Il est en dehors de l’humanité courante. […] Zola se fait de l’humanité. […] C’est son honneur que, parmi ces types d’humanité, — encore que d’une humanité un peu restreinte, — trois ou quatre soient ses garçons.
Il mourut le 4 juillet 1848 : il avait pris ses mesures à l’avance pour être enterré près de Saint-Malo, sur la pointe du rocher du Grand-Bé ; il voulait dormir du sommeil éternel au bruit des mêmes flots qui avaient bercé son premier somme, séparé même dans la mort de la commune humanité, et visible, en son isolement superbe, à l’univers entier. […] Il se donna toutes les joies, toutes les grandeurs, sans avoir besoin de personne : et il se sentit au-dessus de l’humanité. […] Il nie la perfectibilité indéfinie de l’humanité, la bonté de l’homme, le prix de la vie ; il affirme la religion, l’impuissance de la raison, le mystère, le surnaturel. […] Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Dans les Natchez comme dans les Martyrs, Chateaubriand a voulu poser deux mondes face à face, et deux types historiquement opposés de la mobile humanité.