Aussi que d’embarras il cause à tous les malheureux auxquels il fait l’honneur de les croire bien informés ! […] Ainsi le nom, la mémoire, l’honneur d’un homme ne sont rien après sa mort ? […] Plassiart, membre de la Légion d’honneur et chamarré de médailles, est accusé de fraudes électorales. […] J’ai lu quelque part une nouvelle espagnole intitulée : Plus d’honneurs que d’honneur ; voilà un titre tout trouvé pour ma revue. Que d’honneurs, bon Dieu !
Il y inspire un tendre intérêt à une jeune dame qui, après bien des troubles et des luttes secrètes de cœur, devient veuve fort à propos, et qui n’aurait plus qu’à l’épouser si lui-même, forcé par l’honneur de se rendre à l’armée de Condé, il n’était fait prisonnier les armes à la main et condamné à périr sur l’échafaud ; il ne s’y dérobe qu’en se donnant la mort et en se frappant d’un coup de stylet, exactement comme Valazé. […] Il le dit en des termes d’une grande justesse et avec une clairvoyance qui fait honneur à son coup d’œil. […] Le temps fait perdre de leur prix non seulement aux pensées des hommes, mais à leurs actions, à mesure que des actions semblables se multiplient ; des exemples de valeur héroïque, des mots sublimes inspirés par l’héroïsme militaire ou patriotique, qu’on admirait chez les anciens, sont devenus des lieux communs ; dès qu’on entend commencer l’histoire, on en devine la fin et le trait, comme on devine souvent l’hémistiche d’un vers ; l’esprit se blase ainsi sur tout ; l’amour-propre même s’use ; les triomphes, les honneurs, les applaudissements multipliés n’offrent plus le même attrait, et l’homme, de jour en jour, doit être moins avide de succès qu’il voit prodiguer à un grand nombre de personnes, et souvent à des hommes méprisables. Il en doit être un jour des honneurs et de la gloire, comme de la demande des auteurs à la fin d’une pièce ; le flatteur empressement avait enivré Voltaire, et les Poinsinet y devinrent insensibles.
Ce grand xvie siècle, si fécond en idées et en hommes, était menacé à son issue d’être comme étranglé, de perdre tout honneur et toute grandeur, et de passer sous les fourches caudines de Philippe II. […] Mais en toutes les autres choses, aux affaires de la justice, aux affaires des finances, aux négociations étrangères, aux dépêches, à la police de l’État, reconnaissant bien que ce n’est pas là où en ce temps il s’applique tout, il croit entièrement ceux des siens qu’il voit s’y être occupés et y avoir bien pensé… Henri IV ne sera pas toujours ainsi ; mais à cette heure il laisse encore beaucoup faire et s’en remet de bien des choses d’État à ses serviteurs, notamment à du Plessis ; il est capitaine avant tout et ne se pique d’honneur que dans cette partie. […] Le mal ne va jamais plus outre, on n’en est point pis pour cela ; je parle de ceux qui ont cet honneur de pouvoir et devoir parler à lui… Quoi que ce soit, il sera loisible aux gens de bien, sous ce roi-ci, de penser librement ce qu’ils voudront, et de dire librement ce qu’ils auront pensé. […] Moins de bonheur et plus d’honneur.
Comme il a fait une pièce de vers intitulée Bon Temps, que ces mots reviennent assez souvent sous sa plume et qu’il avait pour prénom Roger, on a conjecturé que c’est de lui que vient le nom et le masque populaire de Roger Bon-Temps, ce qui reste très douteux ; car, dans le cas contraire, et en supposant que Roger Bon-Temps ait eu cours avait lui pour signifier un personnage de nul souci et de joyeuse humeur, il serait tout naturel que, s’appelant Roger, il eût fait des pièces de poésie sur le Bon Temps pour faire honneur à son prénom et pour le faire cadrer avec le terme courant que consacrait la locution vulgaire. […] Jacques Peletier, du Mans, mathématicien, physicien, médecin, grammairien, et avec tout cela versificateur habile, a eu un honneur plus mérité. […] En attendant, et jusqu’à nouvel ordre, l’honneur tout entier de cet ingénieux écrit lui demeure. […] Honneur donc et place à part entre les poètes du xvie siècle à la belle Cordière, à cette « Nymphe ardente du Rhône », comme on l’a appelée, dont les vers, paraissant dans le temps du premier lever de la Pléiade, n’en dépendent pas, n’en relèvent pas, et ne connaissent d’autre astre que l’Étoile de Vénus !
Chacun lui fait honneur et fête ; mais la peinture, toujours, est de la partie et ne saurait se plaindre d’être un seul instant oubliée. […] Horace, qui passait pour léger, avait du coup d’œil, et l’honneur était l’âme de son caractère. […] Tout lui tournait à bonheur et à honneur. […] La moindre esquisse d’un Napoléon à cheval qu’il croquait le soir chez l’impératrice, pendant que les femmes brodaient et que quelque chambellan faisait la lecture à haute voix, avait tous les honneurs de la soirée.
Au xviiie siècle, il faut le dire en son honneur, en ce second siècle dont on s’empresse volontiers de médire quand on le compare au précédent, il y a moins d’imitation des Anciens : les uns l’en blâment ; moi, je suis tenté plutôt de l’en louer. […] Elle essaye de décrire « le charme d’une prison » où l’on est délivré de tout soin importun, de toute distraction fâcheuse, « où l’on ne doit compte qu’à son propre cœur de l’emploi de tous les moments. » Elle trouve, pour exprimer ce sentiment particulier de quiétude, des paroles qui eussent fait honneur aux anciens sages : « Rendu à soi-même, à la vérité, sans avoir d’obstacles à vaincre, de combats à soutenir, on peut, sans blesser les droits ou les affections de qui que ce soit, abandonner son âme à sa propre rectitude, retrouver son indépendance morale au sein d’une apparente captivité, et l’exercer avec une plénitude que les rapports sociaux altèrent presque toujours. » Elle se plaît à revenir sur cette idée, si chère à sa passion, qu’elle est présentement dispensée de toute lutte, à l’endroit qui lui est le plus sensible, et qu’elle peut s’abandonner sans scrupule et sans danger à une effusion innocente. […] » L’instant d’auparavant elle avait fait, pour ainsi dire, les honneurs de l’échafaud à ce compagnon de mort qui n’avait pas tout à fait autant de fermeté qu’elle, et elle lui avait dit avec grâce, en donnant la plus belle excuse à sa faiblesse : « Montez le premier, vous n’auriez pas la force de me voir mourir. » — Et à l’exécuteur qui hésitait à intervertir l’ordre des suppliciés : « Pouvez-vous refuser, avait-elle dit, la dernière prière d’une femme ? […] Champagneux, le beau-père d’Eudora, est le premier qui ait mis en circulation, sept ans après la mort de Mme Roland, cet étrange ouï-dire, et il ne pensait, en le consignant dans son récit un peu solennel, qu’à faire honneur à la philosophie, ou, comme il dit, à la stoïcité de la victime.