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1171. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Ces Mémoires du duc de Luynes sont des papiers de famille comme ceux du duc de Saint-Simon, cette immense trouvaille historique qui a donné à la France un homme de génie de plus, un homme de génie aussi inconnu jusque-là qu’un crapaud dans un caillou ! […] Pour en revenir à Saint-Simon, le pauvre homme, qui était un diable d’homme, voulait être ministre. […] Malheureusement, quand on a goûté à un homme de génie, on trouve que c’est si bon qu’on imagine en retrouver partout la saveur. […] Et qu’est-ce pour un homme, en fait d’importance, que d’être une doublure de Dangeau, un Dangeau de Dangeau ? […] Dussieux et Soulié, un homme d’esprit, dit-on, mais que trop de piété filiale aura aveuglé.

1172. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Dans ce temps-là, Victor Cousin était un jeune homme dont tout retentissait dans l’Université ; il était l’enfant gâté de Royer-Collard, cet homme populaire dans la bourgeoisie, qui avait été élu député dans sept collèges ! […] … On l’applaudit avec transport dans la chaire où il reparut, et on le prit pour un homme de génie. […] Il alla de l’homme à Dieu, puis de Dieu au monde, du monde aux idées que le monde exprime dans sa configuration immuable et providentielle. […] C’est l’homme des faits de conscience, le psychologue sorti de Descartes, et qui, sans Descartes, n’existerait pas. […] Dans cette Introduction de 1828 à une Philosophie de l’histoire, nous n’avons pas trouvé une seule de ces vues qui révèlent tout à coup dans un homme, n’y en eût-il qu’une seule, la grande aptitude, la nette, l’incontestable supériorité.

1173. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Elle fut aussi la Campistron d’Alfred de Musset dans La Faute du Mari ; mais elle ne le fut même pas de Molière dans Lady Tartuffe, comédie sans comique, écrite pour la tragédienne Mlle Rachel, mascarade d’un type d’homme qui ne peut jamais être un type de femme, car l’hypocrisie, odieuse dans l’homme parce qu’il est fort et qu’il n’a pas besoin d’être hypocrite, l’est beaucoup moins dans la femme, être faible, souvent opprimé. […] Quand elle était seulement Delphine Gay, c’était son quart d’heure de poésie, et la femme, encore bien plus que l’homme, n’a que des instants de poésie, des instants qui sont des éclairs ! […] C’est que pour l’homme et pour la femme, en raison d’organisations combinées pour des fonctions diverses, la poésie n’est pas aux mêmes sources. […] Je suis convaincu que le mariage, fatal à la poésie, même chez les hommes, — car la poésie veut presque des prêtres, et la rhétorique, qui appelle les poètes : prêtres d’Apollon, cache un sens profond, toute rhétorique qu’elle est ! […] Chez la femme comme chez l’homme, la poésie est une vocation, et le bleuisme, c’est toujours plus ou moins la grimace d’une prétention impuissante.

1174. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

L’air militaire manque ici complètement à cet homme qui a fait pourtant un magnifique livre à l’usage des soldats : Grandeur et servitude militaires, et j’y trouverais bien plutôt la placidité de l’Église. […] — ce que le poète et l’homme, toujours un dans Alfred de Vigny, sont devenus en ses dernières années. […] Lui, qu’on pouvait croire faible parce qu’il était doux, n’a point eu cette faiblesse, et ses derniers poèmes, à cet homme tendre, fils de Virgile et de Racine, qui avait inventé des anges qui tombaient du ciel par pitié, ne sont ni des plaintes, ni des pleurs. […] ai-je pensé, malgré ce grand nom d’Hommes, Que j’ai honte de nous, débiles que nous sommes ! […] Voilà pourquoi je me détourne avec regret de ces poésies qui n’ajoutent rien à ce qu’on sait du poète charmant, transparent et lumineux, qui s’est éteint dans le sombre bronze que voici, dans ce bronze du mépris qu’une créature humaine n’obtient jamais qu’à force de se briser… Pour nous qui croyons que les plus belles poésies ne sont jamais faites pour la volupté intellectuelle de faire des vers, mais pour se soulager d’une oppression sublime, d’un étouffement titanique du cœur sous le poids d’un grand sentiment, pour nous qui avons dit combien l’homme dans Alfred de Vigny était toujours le poète, ces poésies dernières nous font mieux comprendre cet homme que nous avons connu.

1175. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Il était d’une figure prévenante et empressée, comme ces hommes heureux de rendre service. […] Il était de la taille d’un enfant de chœur, petit, maigre, chancelant sur ses pieds, une ébauche d’homme. […] Homme de recherches qui avait marché toujours sans rien trouver que le doute. […] J’y connus les hommes principaux du parti royaliste. […] Un brave homme, M. 

1176. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

L’homme se reconnaît dans les hommes d’autrefois ; il agrandit sa vie en la reculant par-delà le jour où il est né, en la prolongeant par-delà les jours qu’il lui est donné de vivre. […] et qui peut se flatter dans une vie d’homme d’avoir assez appris, pour cesser de douter ? […] Les mêmes hommes qui ne croyaient pas qu’un poète pût être supérieur à Ronsard, imaginaient un prosateur plus parfait que Montaigne. […] Tous les deux ont regardé de deux points de vue différents : l’homme, la vie, mais dans le même but, à savoir, pour les régler. […] Le médecin de l’homme n’est plus l’homme, c’est Dieu lui-même, entourant l’âme chrétienne de sa providence, et s’insinuant dans ses plus secrets mouvements.

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