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1374. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Ainsi, en chaque matière, histoire ecclésiastique, histoire profane, géographie, le jeune prince excellait par des compositions heureuses, dont quelques-unes se sont conservées. […] En voici la première page, où se fait d’abord sentir l’empressement et comme le débordement de phrase habituel à Saint-Simon : « Il ne faut point d’autre éloge pour un prince prêt à régner suivant le cours ordinaire de la nature, que les projets qu’on va voir qu’il avait formés et qu’il avait fortement résolu de suivre et d’exécuter sagement de point en point l’un après l’autre ; surtout si l’on fait réflexion au pouvoir sans bornes qui l’attendait, auquel il fut tout à fait associé par la volonté du roi son aïeul, aussitôt après la mort du prince, fils unique du monarque, père de celui qui, aux dépens de cette autorité qui enchante les plus grands hommes, mettait toute son étude et toute sa satisfaction à rendre son règne juste et ses peuples heureux.

1375. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Ville heureuse où l’on est dispensé d’avoir du bonheur, où il suffit d’être et de se sentir habiter ; qui fait plaisir, comme on le disait autrefois d’Athènes, rien qu’à regarder ; où l’on voit juste plus naturellement qu’ailleurs, où l’on ne s’exagère rien, où l’on ne se fait des monstres de rien ; où l’on respire, pour ainsi dire, avec l’air, même ce qu’on ne sait pas, où l’on n’est pas étranger même à ce qu’on ignore ; centre unique de ressources et de liberté, où la solitude est possible, où la société est commode et toujours voisine, où l’on est à cent lieues ou à deux pas ; où une seule matinée embrasse et satisfait toutes les curiosités, toutes les variétés de désirs ; où le plus sauvage, s’il est repris du besoin des hommes, n’a qu’à traverser les ponts, à parcourir cette zone brillante qui s’étend de la Madeleine au Gymnase ; et là, en quelques instants, il a tout retrouvé, il a tout vu, il s’est retrempé en plein courant, il a ressenti les plus vifs stimulants de la vie, il a compris la vraie philosophie parisienne, cette facilité, cette grâce à vivre, même au milieu du travail, cette sagesse rapide qui consiste à savoir profiter d’une heure de soleil ! […] Ce n’est pas ainsi qu’il faut prendre Paris ; demandez plutôt à l’aimable et heureux Auber qui n’en sort pas.

1376. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

« Comment la Grèce serait-elle heureuse ? […] Il y a, me dit-on, en Italie à cette heure, à défaut d’un grand ministre dirigeant, une épidémie de bon sens et de sens commun dans toute ]a nation : heureuse et vraiment merveilleuse affection des esprits, qui suppose un peuple de rare qualité et déjà mûr !

1377. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

— La terre était fleurie, Le ciel pur, l’ombre fraîche, elle… heureuse d’amour ! […] Mon cœur se serrait, et, me voyant isolé, sans une âme où répandre le débordement de la mienne, sans qu’une espérance m’eût suivi jusque-là, je levais les yeux vers les hauteurs pour y chercher quelques traces chéries, des aspects connus, quelques images enfin à l’aide desquelles je pusse remonter mes souvenirs jusqu’aux heureuses journées de ma vie si tôt écoulées et rappelées en vain dans ma détresse.

1378. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Il y a une trentaine d’années, un poëte naturel, sorti des rangs du peuple, Jasmin, est venu remettre à la mode, étendre et comme renouveler cette flore du Midi, restée longtemps si morcelée et si locale : homme d’esprit et de sensibilité, artiste habile, acteur et poëte, vrai talent, il avait su, par ses heureuses combinaisons et par ses récitations chaleureuses, remettre en honneur le vieux patois, nécessairement altéré, et faire accroire un moment à toutes les populations du Midi qu’elles s’entendaient entre elles, puisqu’elles l’entendaient, lui, et qu’elles l’applaudissaient. […] Jeune, il se cachait pour aimer et pour être heureux : plus tard il se cachait pour vieillir.

1379. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Cette espèce de domination non littéraire, avec d’heureux intervalles pourtant, se prolongea jusqu’au renversement du ministère Villèle : c’est cette réduction, cette sujétion de l’Académie à un parti politique qui est, avant toutes choses, à éviter. […] La seconde édition des Essais de Morale et de Politique (1809) contenait de plus une Vie de Mathieu Molé, où se mêlent avec convenance, à une manière nette et tout à fait saine, quelques traits d’imagination et de sentiment : « Pendant que Troie était en flammes, écrit l’auteur en commençant, peu de gens ont imité le pieux Énée ; pour moi, moins heureux que lui, je n’ai pu sauver mon père, mais je ne me suis jamais séparé de mes dieux domestiques. » Les dernières pages offrent quelque chose de méditatif, une sorte de reflet détourné, mais sensible, du jeune contemporain de René : « Au terme de sa carrière, dit-il de son grand-aïeul, on ne vit point se réveiller en lui ces regrets si ordinaires aux vieillards.

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