Sur quoi Mademoiselle de Clermont, surintendante de la future maison de la reine, s’était récriée de son ton le plus haut : « Apparemment que d’Antin nous prend, mes sœurs et moi, pour des c… ?
» — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ?
On a remarqué que les oraisons funèbres prononcées en France sur cette princesse, sans excepter celle de l’abbé de Boismont, ont été au-dessous du médiocre ; mais la grande et véritable oraison funèbre, la haute portraiture héroïque, c’est Frédéric qui l’a tracée, lorsque, dans son Histoire de la guerre de Sept Ans, il a représenté cette jeune souveraine, au lendemain de la perte de la Silésie, outrée et cherchant à se venger, s’appliquant à relever les forces et l’ascendant de son empire.
Si je voulais donner à un jeune homme de vingt ans, enthousiaste, enorgueilli de doctrines absolues, la plus haute leçon de philosophie pratique (soit philosophie chrétienne, soit philosophie humaine), je le lui ferais lire, et aussitôt le volume achevé, je lui mettrais entre les mains le livre de la Religion considérée dans ses Rapports, etc., par le même auteur.
Il faut donc, pour donner aux écrits plus d’élévation, et aux caractères plus d’énergie, ne pas soumettre le goût aux habitudes élégantes et recherchées des sociétés aristocratiques, quelque remarquables qu’elles soient par la perfection de la grâce ; leur despotisme entraînerait de graves inconvénients pour la liberté, l’égalité politique, et même la haute littérature.
Condillac montre en outre que toute perception, souvenir, idée, imagination, jugement, raisonnement, connaissance, a pour éléments actuels des sensations proprement dites ou des sensations renaissantes ; nos plus hautes idées n’ont pas d’autres matériaux ; car elles se réduisent à des signes qui sont eux-mêmes des sensations d’un certain genre.