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422. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

Les géants enchaînés sous les monts par la terreur religieuse que la foudre leur inspirait, s’abstinrent désormais d’errer à la manière des bêtes farouches dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et prirent l’habitude de mener une vie sédentaire dans leurs retraites cachées, en sorte qu’ils devinrent plus tard les fondateurs des sociétés.

423. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Voilà des gens qui, comme nous, parlent le français de naissance et d’enfance, qui ne sont pourtant pas le moins du monde obligés d’être Français de sentiments, puisqu’ils appartiennent à une autre nation ; ils ne nous ont vus que de loin ou en passant ; depuis les guerres de la Révolution et par nos annexions ou conquêtes, nous les dérangeons dans leur vie, nous les blessons dans leur nationalité, dans leurs convictions ou leurs habitudes les plus chères ; nous troublons tout chez eux ou autour d’eux ; s’ils sont liés intimement avec des Français, c’est avec des personnes de la haute société et de l’aristocratie, qui demeurent hostiles aux principes du nouveau régime et qui sont peu sensibles à ses gloires. […] Les idées religieuses de sa femme, protestante éclairée et sincère, agirent sur lui plus qu’il ne le pensait ; il n’était pas du même avis qu’elle, mais, tout en causant et en discutant, il s’en rapprochait : « Nous avons parlé ce soir de l’efficacité de la prière : ma femme, Jessie, est persuadée qu’on ne peut prendre l’habitude de prier tous les jours sans devenir meilleur. […] Lui-même, il poussait la charité dans l’habitude de la vie jusqu’à donner la préférence, pour le labour de son champ, au journalier le plus lent et le plus vieux ; pour les réparations de sa maison, à l’ouvrier le moins en vogue.

424. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Ses habitudes étaient prises, sa vie réglée ; il n’y changea rien. […] C’est bien moins d’après tel ou tel mot détaché, que d’après l’habitude entière de son jugement, qu’il se laisse voir ainsi. […] » C’est de cette habitude, de cette nécessité de chanter avec toute espèce de voix, d’avoir de la verve à toute heure, que sont nés la plupart des défauts littéraires de notre temps.

425. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

C’est que l’idée qui semble la précédente ne l’est pas véritablement ; entre les deux étaient des intermédiaires que l’habitude, l’inattention ou la promptitude de l’opération nous ont empêchés de remarquer ; ces intermédiaires ont servi de transition invisible, et par eux la loi de contiguïté ou la loi de similitude s’est appliquée. […] Avant sa maladie, elle avait eu l’habitude de parler français au lieu de parler anglais. […] « Un homme, dit Abercrombie, né en France, avait passé la plus grande partie de sa vie en Angleterre, et, depuis plusieurs années, avait perdu entièrement l’habitude de parler français.

426. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le raisonnement s’introduisait dans les croyances, et le poëme épique disparaissait de nos habitudes littéraires. […] Il trouva un beau sujet : la lutte du christianisme naissant et du paganisme mourant ; l’un persécuteur par habitude, l’autre conquérant par le martyre, au confluent des deux doctrines. […] Chateaubriand n’avait rien fait encore pour le salut de son pays, mais il avait immensément fait pour sa gloire ; la France fut ingrate : c’est son habitude ; il ne s’adressait pas à un parti, comme les amis de Foy en 1829, ou de Laffitte en 1830.

427. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Quel avantage n’aurait pas politique qui aurait cherché dans toute la suite de notre histoire quelle a été, dans les choses de la politique, l’habitude et comme le naturel de notre pays, et qui pourrait au besoin en appeler à la France séculaire des entraînements et des erreurs de la France du jour ? […] Ne sommes-nous pas tous intéressés, pour notre conduite, principalement dans la vie publique, à savoir ce que notre nation a constamment tenu pour vrai, même après quelque oubli ou quelque dégoût qui ne faisait que rendre plus décisif son retour à ses habitudes ? […] L’esprit d’une nation comme celui d’un homme en particulier, peut éprouver certains affaiblissements passagers, recevoir certaines atteintes, avoir des caprices, après quoi il rentre dans son habitude et son état sain.

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