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16. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Mais il en est tout autrement dans la nature, car il est notoire qu’on observe très communément des habitudes différentes chez les membres du même sous-groupe. […] En ce cas, cependant, on peut fortement soupçonner que la ressemblance est purement analogique, le Phascolomys ayant pu s’adapter à des habitudes semblables à celles des Rongeurs. […] — Nous avons vu que les représentants de la même classe, indépendamment de leurs habitudes de vie, se ressemblent par le plan général de leur organisation. […] Prenons un genre d’oiseaux ; qui, d’après ma théorie, descend d’une seule espèce mère, et dont les diverses espèces actuelles se sont modifiées par sélection naturelle, d’après leurs habitudes différentes. […] Car, en pareil cas, il serait indispensable à l’existence de ces espèces que les descendants se modifient dès le jeune âge, de la même manière que les ancêtres, par rapport à leurs habitudes semblables.

17. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

La nation française était, à quelques égards, trop civilisée ; ses institutions, ses habitudes sociales avaient pris la place des affections naturelles. […] Il existait des sociétés qui pouvaient, par des allusions à leurs habitudes, à leurs intérêts, même à leurs caprices, ennoblir des tours familiers, ou proscrire des beautés simples. […] Ce qui est plus fin que la pensée ne peut être appris que par l’habitude. […] Cette grâce, tout à la fois imposante et légère, ne doit pas convenir aux mœurs républicaines ; elle caractérise trop distinctement les habitudes d’une grande fortune et d’un état élevé. […] Mais ce qu’il est impossible de supporter, c’est une éducation grossière que trahit chaque expression, chaque geste, le ton de la voix, l’attitude du corps, tous les signes involontaires des habitudes de la vie.

18. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté La gaieté française, le bon goût français, avaient passé en proverbe dans tous les pays de l’Europe, et l’on attribuait généralement ce goût et cette gaieté au caractère national ; mais qu’est-ce qu’un caractère national, si ce n’est le résultat des institutions et des circonstances qui influent sur le bonheur d’un peuple, sur ses intérêts et sur ses habitudes ? […] Le gouvernement étant le centre de la plupart des intérêts des hommes, les habitudes et les pensées suivent le cours des intérêts. […] La grâce et l’élégance des manières passaient des habitudes de la cour dans les écrits des hommes de lettres. […] Il s’établit dans les premières classes de certains usages, de certaines règles de politesse et d’élégance, qui servent, pour ainsi dire, de signe de ralliement, et dont l’ignorance trahirait des habitudes et des sociétés différentes. […] Les Français n’approfondissent pas, comme les Anglais et les Allemands, les sentiments que le malheur fait éprouver ; ils ont trop l’habitude de s’en éloigner pour le bien connaître : mais les caractères dont on peut faire sortir des effets comiques, les hommes séduits par la vanité, trompés par amour-propre, ou trompeurs par orgueil, cette foule d’êtres asservis à l’opinion des autres, et ne respirant que par elle, aucun peuple de la terre n’a jamais su les peindre comme les Français.

19. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Gratiolet pour expliquer l’habitude et la mémoire ; l’habitude étant dans l’ordre des mouvements, ce que la mémoire est dans l’ordre des idées. […] On sait bien que, dans la mémoire ou dans l’habitude si étroitement liées, il y a une liaison d’états tels que, le premier étant donné, les autres suivent automatiquement, ce qui suppose évidemment une tendance à la reproduction des actes. […] Voyez sur cette question de l’habitude, si intimement liée à celle de la mémoire, le profond écrit de M. Ravaillon sur l’Habitude.

20. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

« Le naturel », disait Condillac, « n’est que l’art tourné en habitude. » Peu importe la dureté de l’apprentissage. […] D’autres appellent « lecture » leur habitude de rêver sur les pages d’un livre, où ils s’imaginent parfois avoir trouvé, comme Diderot, ce qui n’a jamais été que le jeu de leur fantaisie ou l’émotion de leur cœur. […] L’exercice de l’explication a pour but, et, lorsqu’il est bien pratiqué, pour effet, de créer chez les étudiants une habitude de lire attentivement et d’interpréter fidèlement les textes littéraires. […] Et l’habitude prise au lycée ou à la Faculté se gardera toute la vie. […] Les élèves n’en retiraient rien que l’habitude d’appliquer des formules apprises par cœur à des ouvrages qu’ils n’avaient pas lus : acquisition utilisable au baccalauréat, pernicieuse d’ailleurs pour l’esprit.

21. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Mais le vice était devenu un besoin d’habitude ; on le garda, et comme on n’avait plus à faire ses preuves, on en usa désormais à son aise, à son loisir, ne le voilant ni même ne l’affichant plus ; on en fut à cette indifférence raisonnée, dernier degré de l’impudeur. […] Elle imagina les petits soupers, les comédies des petits appartements, et institua autour d’elle, dans les jouissances du monarque, une succession douce et régulière que naturellement, sans secousse, le temps convertirait en habitude et en nécessité. […] Quand tout fléchissait devant le prestige du vice puissant et lui rendait hommage, que ceux même qui protestaient par raison se prosternaient par habitude ; peut-on lui imputer à crime son peu de stoïcisme, et lui convenait-il d’avoir plus de philosophie que Voltaire et de savoir mieux la morale que Duclos ? Or, il y avait, près de la chambre de madame, un petit endroit où notre historienne se tenait d’habitude, et d’où elle entendait tout ce qui se passait.

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