Je n’attaque personne, lui répondit avec gravité le Héros poétique, mais je suis impitoyable pour ceux qui m’attaquent.
d’Arnaud le louable désir de ressusciter parmi nous les heureuses étincelles de cet enthousiasme d’honneur qui produisit tant de Héros & tant de Sages, dans des Siecles si amérement taxés d’ignorance & de barbarie.
En terminant cette oraison funèbre, genre de discours pour lui tout nouveau, et dans lequel il ne demandait qu’à être supporté de son auditoire, il faisait une prière directe au ciel pour le prince de Condé présent : C’est pour ce fils et pour ce héros que nous faisons continuellement des vœux ; et ces vœux, ô mon Dieu, sont trop justes, trop saints, trop ardents, pour n’être pas enfin exaucés de vous ! […] Bourdaloue fut témoin et instrument de ce retour ; il assista et prépara le héros dans les deux dernières années ; il l’entendit, à l’heure de la mort, proférer ces nobles paroles, répétées par Vauvenargues : « Oui, nous verrons Dieu comme il est, Sicuti est, facie ad faciem. » Il l’entendit exprimer cette seule crainte touchante : « Je crains que mon esprit ne s’affaiblisse, et que par là je ne sois privé de la consolation que j’aurais eue de mourir occupé de lui et m’unissant à lui. » Et lorsque Condé eut légué son cœur à la maison professe de la Société, il dut, par reconnaissance, par devoir, prononcer une seconde fois une oraison funèbre68. […] On retrouve encore cependant le héros dans les dernières paroles que l’orateur en rapporte ; et cet orateur est un témoin très grave, c’est Bossuet.
I Je voyais l’autre jour, à l’Odéon, Macbeth si bien rendu, si bien exprimé et resserré au vif par notre ami Jules Lacroix, ce mouleur habile et consciencieux du groupe sophocléen, l’Œdipe roi : j’admirais, même dans les conditions inégales où elle nous est produite, cette pièce effrayante, effarée, sauvage, pleine d’hallucinations, de secondes vues ; où l’on voit naître, grandir et marcher le crime, le remords ; où l’horreur d’un bout à l’autre plane à faire dresser les cheveux ; où le cœur humain s’ouvre à tout instant devant nous par des autopsies sanglantes ; sillonnée de mots tragiques immortels ; où le poignard, l’éclair, le spectre, sont des moyens d’habitude et devenus vraisemblables ; où la faiblesse est forte, où le héros est faible et misérable ; où tout s’enchaîne et s’entraîne, où la destinée se précipite tantôt vers la grandeur, tantôt vers l’abîme ; où l’homme est montré comme le jouet de la fatalité, une paille dans le tourbillon ; où Shakespeare nous dit son dernier mot philosophique par la bouche de son Macbeth s’écriant : « Hors d’ici, éteins-toi, flambeau rapide ! […] N’ayant pas reçu de bonne heure toute l’éducation qu’il aurait fallu, s’étant refusé par vertu, par scrupule, par esprit étroit de bourgeoisie, toute celle même qui était à sa portée, l’expérience de Versailles et de la Cour, celle des femmes et des grands seigneurs, et plus tard le spectacle de l’ambition la plus gigantesque dans le sein du plus grand héros moderne, il avait pourtant des débris, des fragments de poète pathétique et terrible. […] L’auteur s’y montre encore plus insensé que son héros. » — « Cet ouvrage obtient pourtant un grand succès. » — « Ouvrage détestable !
Les fabliaux, les malins tours de Renart, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit, sur la puissance jointe à ta sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro… » Au lieu de cela, au lieu de ces tours d’écoliers qui remontent si haut, de ces friponneries de Villon et de Patelin, qui font tant rire chez nous le vilain et le populaire, qu’est-ce qui réjouit le peuple anglais et le distrait de tout, même du sermon ? C’est le joyeux forestier en révolte et le roi des braconniers Robin Hood, le vaillant compère, qui n’est jamais plus en gaieté, ni plus d’humeur à jouer de l’épée ou du bâton que quand le taillis est brillant et que l’herbe est haute : « Robin Hood, c’est le héros national ; saxon d’abord et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques » ;… généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt, aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. » Partout, d’un bout à l’autre, dans tout ce livre de M. […] Taine nous fait comprendre et presque aimer, à la façon éprise et enivrée dont il en parle, les premiers moteurs et les héros de cette Renaissance littéraire anglaise : en prose, Philippe Sidney, ce d’Urfé antérieur au nôtre ; en poésie, Spenser, le féerique, qu’il admire au-delà de tout.
Il n’y a de certainement vrai, selon lui, dans une légende poétique que la couleur, et encore cette couleur locale, cette vérité sociale et morale n’est point du tout celle des héros et des temps représentés ; elle n’appartient qu’à l’âge du poëte qui raconte et qui chante. C’est ainsi que nos anciennes chansons de Geste, où figurent Charlemagne et Alexandre, n’apprennent rien sur les héros mêmes ni sur l’état de la société de leur temps, et elles ne seraient propres qu’à égarer, si on les interrogeait dans une telle pensée de recherche ; mais elles nous représentent avec une vérité naïve les mœurs de l’âge féodal où les trouvères mirent en œuvre ces anciens canevas et les reprirent à l’usage de leurs contemporains. […] L’Iliade, au contraire, composée de scènes, d’exploits particuliers, de combats et de duels entre les principaux héros, offre « un splendide tableau de la guerre de Troie en général », et répond parfaitement à ce titre plus étendu sous lequel le poëme est devenu immortel.