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1510. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Il n’y a, ici comme là, ni le côté grandement chrétien, ni les bons Évêques, ni les Saints, ni les Héros comme Saint Louis et Joinville… Le Cid lui-même, qui tient tant de place dans le Romancero du second de ces deux volumes, est bien plus féodal que catholique de mœurs et d’accent, ce qui est faux historiquement, mais ce qui, de plus, est un contresens en Espagne.

1511. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Tels ces héros de légende qui ont des airs de vierges, avec des musculatures de guerriers ; tels ces archanges qui ressemblent à la fois à des jeunes filles et à des hercules ; tel le beau « chevalier au cygne », ou tel le petit Aymerillot, qui avait des yeux de pervenche et qui, on ne sait comment, « prit la ville. » De cette douceur de caresses qui enveloppa son enfance et où, plus tard, le grand diable venait sans doute s’abriter et se réchauffer sans déplaisir après chaque escapade ; de cette « nourriture » féminine  pour parler comme autrefois, — Lamartine garda aussi le culte religieux de la femme, l’amour de la pureté, une répugnance à l’ironie et une incapacité de la comprendre chez les autres, une invincible chasteté de plume, une incroyable inhabileté à peindre le vice et le mal, inhabileté qui éclatera presque plaisamment dans la Chute d’un ange… MM.  […] Et plus loin :     Tu revêts la forme sanglante D’un héros, d’un peuple, d’un roi… Et encore (car, tandis que j’y suis, je m’en voudrai de ne point vous citer cette strophe admirable) : Il se fait un vaste silence : L’esprit dans ses ombres se perd, Le doute étouffe l’espérance Et croit que le ciel est désert. […] Le poète a un double objet : nous conter l’une des incarnations expiatoires du « héros » de ce vaste poème qui devait s’appeler les Visions  et nous décrire une des périodes de l’histoire de l’humanité, la période antédiluvienne.

1512. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Casimir Delavigne n’est encore connu en 1814 que par un dithyrambe sur la naissance du roi de Rome, pièce d’une facture assez large et d’uneharmonie uniformément sonore, dans laquelle, suivant l’usage des poëtes, ces oracles complaisants qui prophétisent aux héros tout ce que ceux-ci désirent, il annonçait à la France, sous le règne du roi de Rome, un bonheur sans nuages qui s’étendrait à nos derniers neveux58. […] Cette grandeur vaporeuse et indéterminée à la manière d’Ossian, dont les héros plaisaient tant à l’imagination de l’empereur, tendait à tout faire paraître petit, et la prose d’un gouvernement régulier, quelque sage qu’il fût, devait sembler terne et monotone, auprès de la poésie de ce gouvernement exceptionnel et irrégulier dont les proportions, déjà démesurées, s’agrandissaient encore au souffle de l’imagination des poëtes et de i’imagination populaire, qui est aussi poëte à sa manière. […] Ce fut avec la chute de l’empire que commença la renommée de lord Byron dans notre pays, et il y a dans cette coïncidence de date quelque chose de remarquable : au moment où, avec Bonaparte, la grandeur positive tomba, les héros de lord Byron, ces grandeurs romantiques et indéterminées, prirent la place.

1513. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Mais sa vie ne subit pas de cette crise une empreinte aussi décisive que celle du héros de Dominique, et toute la dernière partie du roman est bien une création imaginaire. […] Son héros perd sa mère et son père en bas âge, et c’est tout. […] L’âme de trente années d’existence palpitait encore émue dans cette chambre étroite, et quand Dominique était là, devant moi, penché à la fenêtre, un peu distrait et peut-être encore poursuivi par un certain écho des rumeurs anciennes, c’était une question de savoir s’il venait là pour évoquer ce qu’il appelait l’ombre de lui-même ou pour l’oublier. » Se bornant au plein et au vif de son sujet, contant l’histoire et la vie, le souvenir et l’oubli d’un amour, Fromentin fait à peu près commencer l’existence vraie de son héros avec la naissance de cet amour. […] Le livre ne donne qu’une autobiographie partielle et idéale, mais il existe un point de perspective d’où l’identité entre le héros et l’auteur du livre apparaît parfaite : de ce point Dominique se définit comme une vie repensée et mise à sa place par l’intelligence.

1514. (1900) Molière pp. -283

Au milieu des fêtes splendides de Versailles données en l’honneur de mademoiselle de la Vallière, qui en était secrètement l’héroïne ; il y eut trois journées de réjouissances, de feux d’artifices, de pièces mythologiques, de ballets où tout ce qu’il y avait de brillant à la cour et le roi lui-même parurent travestis ; et c’est après ces longs enchantements que la toile se leva sur le théâtre de Molière, et qu’on vit paraître le bonhomme Orgon avec ses maximes tristes, et son engouement trivial pour Tartuffe, sa femme bâillant et ennuyée et sa maison sens dessus dessous. […] Il n’a encore entrepris aucune guerre injuste, il donne une vive impulsion à l’administration, aux plaisirs de la cour, où les héros sont Lauzun, Guiche, Vardes, les femmes, les nièces de Mazarin ; on n’y voit plus les frondeurs du commencement du règne, et les frondeurs de la fin n’ont pas encore paru ; La Bruyère est encore inconnu, Saint-Simon n’est pas même né, car il ne naîtra qu’en 1665 ; toute cette cour brillante dont Racine a été le vrai poète, et dont madame de Sévigné était, à ce moment, l’historiographe aimable, disait en voyant Tartuffe : « C’est la dévotion poussée à un excès possible. » Personne ne pouvait croire que Molière eût voulu faire contre la cabale des dévots une comédie si terrible ; personne n’aurait voulu se passionner pour ou contre un bourgeois de Paris, qui imagine, pour faire son salut, de livrer à ce bon monsieur Tartuffe son bien, son fils, sa fille et jusqu’à sa femme. […] La tragédie nous fournit quelques lumières indirectes ; mais de la façon qu’elle a été conçue en France, peignant les passions sous leurs traits les plus généraux, choisissant ses héros dans l’antiquité la plus reculée, et, alors même qu’elle ne se prive point de les faire parler à la moderne, réduite cependant par la nécessité de respecter son sujet à ne point souffrir une invasion trop manifeste et trop entière du moderne dans l’antique, vivant d’ailleurs par nature dans un monde de personnages et de sentiments idéaux, astreinte, à ce titre, à des traditions rigoureuses et à des vertus de convention que les dernières années du xviiie  siècle ont à peine osé atteindre, elle a bien pu recevoir l’empreinte du changement des idées de Corneille à Racine, de Racine à Voltaire et à M. […] ALEXANDRE Viens, Bonaparte ; allons trouver Hannibal ; il n’y a qu’un héros qui puisse juger notre dispute.

1515. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Le poëte méconnu, étouffé, ulcéré, que les gouvernements haïssent ou dédaignent, et que la foule ne couronne pas, devint pour M. de Vigny un héros favori, dont il revendiqua les douleurs et dont il vengea l’angoisse.

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