/ 1770
986. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

La Fatalité, cette interprétation religieuse des phénomènes dont on ne sait découvrir les causes ; la Fatalité dont les Romantiques de 1830 usèrent et abusèrent si libéralement, était alors autre chose qu’un expédient littéraire, fraîchement retrouvé des Grecs : si Racine se servait des Romains et des Grecs pour déguiser les courtisans de Versailles, qui sont les personnages de ses tragédies, il ne recourait pas à la Fatalité pour expliquer leur actions. […] L’adoration de soi-même est la vertu de René : en ces temps de révolution, il fallait resserrer ses affections dans le plus petit espace, les condenser dans sa peau, comme le philosophe grec portait sa fortune dans son crâne, afin de présenter au malheur la plus petite surface possible.

987. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

La comédie elle-même, quoique d’un genre de littérature aussi inférieure au drame héroïque, épique ou religieux, que le ridicule est inférieur à l’enthousiasme et que le rire est inférieur aux larmes ; la comédie a son origine dans le ciel indien : une sorte de divinité bouffonne et boiteuse, toute semblable au Vulcain de l’Olympe grec, nommée Hanoumun, a pour père le dieu des tempêtes. […] « Si Kalidasa est l’Euripide de l’Inde, il est un Euripide sobre, chaste, naïf, exempt des défauts d’affectation dont l’Euripide grec abonde. […] Ses lamentations sur le sort de sa fille ont autant de douleur et plus de piété que celles de Priam ou d’Hécube dans les tragédies grecques : « Le chagrin, comme une scie aux dents aiguës, déchire sans cesse mon cœur.

988. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Ce penchant trop longtemps gardé est un signe de petit esprit, je l’avoue ; on ne doit pas passer tant de temps à inventer des centons ; Addison eût mieux fait d’élargir sa connaissance, d’étudier les prosateurs romains, les lettres grecques, l’antiquité chrétienne, l’Italie moderne, qu’il ne sait guère. […] Des deux tragédies qu’il fit ou médita, l’une était sur la mort de Caton, le plus vertueux des Romains ; l’autre sur celle de Socrate, le plus vertueux des Grecs : encore, à la fin de la première, il eut un scrupule, et de peur d’excuser le suicide, il donna à Caton un remords. […] Il annonce ce qu’il va dire, il marque les divisions et les subdivisions, il cite du latin, même du grec ; il étale et allonge indéfiniment l’enduit utile et pâteux de sa morale. […] Ce sont des contes grecs ou orientaux, des voyages imaginaires, la vision d’un voyant écossais, les Mémoires d’un rebelle, l’histoire des fourmis, les métamorphoses d’un singe, le journal d’un oisif, une promenade à Westminster, la généalogie de l’humour, les statuts des clubs ridicules ; bref une abondance intarissable de fictions agréables ou solides.

989. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

L’art japonais a ses beautés comme l’art grec. Au fond, qu’est-ce que l’art grec : c’est le réalisme du beau, la traduction rigoureuse du d’après nature antique, sans rien d’une idéalité que lui prêtent les professeurs d’art de l’Institut, car le torse du Vatican est un torse qui digère humainement, et non un torse s’alimentant d’ambroisie, comme voudrait le faire croire Winckelmann. Toutefois dans le beau grec, il n’y a ni rêve, ni fantaisie, ni mystère, pas enfin ce grain d’opium, si montant, si hallucinant, et si curieusement énigmatique pour la cervelle d’un contemplateur. […] Flaubert s’éjouit et se gaudit à la peinture de toutes les canailles européennes, grecques, italiennes, juives, qu’il ferait graviter autour de son héros, et il s’étend sur les curieux contrastes que présenterait, çà et là, l’Oriental se civilisant, et l’Européen retournant à l’état sauvage, ainsi que ce chimiste français qui, établi sur les confins de la Libye, n’a plus rien gardé des mœurs et des habitudes de sa patrie.

990. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Les traductions du grec, celles d’Homère en particulier, plus loin celles de Pindare et de Sophocle, y sont de première main fidèles dans la lettre et dans l’esprit, également loin du parti pris d’étrangeté et de la fausse politesse.

991. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Les lecteurs curieux de ces sortes de cas particulier trouveront, pages 209 et 319, un petit roman métaphysique où toutes les finesses de l’amour-propre et de la coquetterie, toutes les jalousies et les délicatesses de l’amitié, sont en jeu et luttent pour ou contre un sentiment profond sincère et désespéré, c’est presque un pendant à l’histoire d’une Jeune grecque moderne, par l’abbé Prévost ; c’est une rareté précieuse, comme M. de Stendhal en a réuni plus d’une dans son livre de l’Amour.

/ 1770