D’autres ambassadeurs avaient reçu des grâces qu’il croyait avoir tout autant méritées : « Cependant, à mon retour, dit-il, je trouvai que j’avais battu les buissons, et mes camarades pris les oiseaux. » Aux bonnes et obligeantes paroles de Louis XIV, il répondit, avec cette pointe de gaieté et d’humeur gaillarde dont il assaisonnait ses convoitises : « Il faut donc que je porte écrit sur ma poitrine tout ce que Votre Majesté me fait l’honneur de me dire ; car qui pourra penser que je l’aie bien et fidèlement servie, lorsqu’elle ne fait rien pour moi ? […] Sire, je vous demande, pour récompense de quarante-six années de service en qualité d’officier dans votre cavalerie, de vous faire informer, par M. de Villars, si ce jour-là je vous ai assez rendu de services pour mériter la grâce de me faire lieutenant-général. […] Je leur garde deux grenadiers qui l’ont bien mérité, pour leur donner leur grâce en faveur de la première bonne action que leurs camarades feront : enfin, j’y fais tout de mon mieux. […] Vraiment oui, et recevoir les grâces les plus importantes.
Heureux ceux d’alors pour qui cette voix conservait le nom efficace et distinct, s’appelant simplement la grâce de Jésus-Christ ! […] Je me plais à le dire ici comme je ne manquerai pas de le répéter ailleurs, si le coup de la Grâce pure, de ce qu’on appelle de ce nom, est quelque part évident, c’est dans la pénitence présente ; sur ce front de Rancé la foudre d’en haut a parlé seule et par ses propres marques. […] Rancé partit donc pour Rome (1664) avec un collègue qu’on lui donna, l’abbé du Val-Richer ; il vit le pape, il sollicita les cardinaux ; il sut dans cette vie si nouvelle conserver et aguerrir son austérité des dernières années, tout en retrouvant ses grâces polies et quelques-unes de ses adresses d’autrefois. […] Voyez défiler la procession des morts : Chaulieu, Cideville, Thieriot, Algarotti, Genonville, Helvétius ; parmi les femmes, la princesse de Bareith, la maréchale de Villars, la marquise de Pompadour, la comtesse de Fontaine, la marquise du Châtelet, madame Denis, et ces créatures de plaisir qui traversent en riant la vie, les Lecouvreur, les Lubert, les Gaussin, les Salle, les Camargo, Terpsichores aux pas mesurés par les Grâces, dit le poëte, et dont les cendres légères sont aujourd’hui effleurées par les danses aériennes de Taglioni.
La plante est là, entière, authentique et reconnaissable à un certain point ; mais où est sa couleur, son port, sa grâce, le souffle qui la balançait, le parfum qu’elle abandonnait au vent, l’eau qui répétait sa beauté, tout cet ensemble d’objets pour qui la nature la faisait vivre, et qui vivaient pour elle ? […] Je n’en citerai qu’un seul petit échantillon : après un mot sur Amyot et ses grâces françaises, « Ronsard cependant, dit M. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin. […] Quand on songe que celui qui a écrit ce précis est un ministre protestant, et non pas un protestant socinien et vague, mais un biblique rigoureux, un croyant à la divinité du Christ, à la rédemption, à la grâce, on admire sa tolérance et sa compréhension si étendue, qui ne dégénère pourtant jamais en relâchement ni en abandon.
Un académicien lui a trouvé du nerf ; les savants lui trouvent de la grâce. Grâce à part, au milieu de toute son apparence et de sa réalité de sens et de raison, il a bien, il est vrai, du convenu, des opinions qui ne sont pas nées en lui dans leur originalité ; il a, dans ses développements, des habitudes littéraires qui font que la phrase domine un peu et amplifie et achève parfois l’idée. […] Villon trouve grâce aussi devant sa plume ; il lui fait une grande part ; il en revient aux vers de Boileau et les commente ; il compare et préfère Villon à Charles d’Orléans que M. […] Grâce à lui, ce caractère si profond, si creusé, si énergique, si généreux au travers de ses arrière-pensées, et dans ses complications mêmes si précis, est devenu un peu plus qu’auparavant un problème pour ceux qui ne l’ont pas connu ; il est devenu matière à récrimination, et, qui pis est, à amplification.
Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] « M’abandonnant donc à ma passion, je cherchai, par tous les moyens possibles, à découvrir si les charmes de sa conversation répondaient à ceux de sa figure ; et alors je trouvai un assemblage de qualités si extraordinaires, qu’il était difficile de dire si les grâces de son esprit l’emportaient sur celles de sa personne. […] À la promenade, à la danse et dans les autres exercices propres à développer les charmes extérieurs, tous ses mouvements étaient pleins de grâce et de décence. — Ses idées étaient toujours justes et frappantes, et m’ont fourni le sujet de quelques-uns de mes sonnets ; elle parlait toujours à propos, toujours avec tant de convenance, qu’il n’y avait rien à ajouter, rien à retrancher à ce qu’elle avait dit. […] Cette passion devint le sujet habituel de ses vers, et il nous reste de lui un nombre considérable de sonnets de canzoni, et d’autres compositions poétiques, dans lesquels, à l’exemple de Pétrarque, tantôt il célèbre la beauté de sa maîtresse et les qualités de son esprit en général, tantôt il s’arrête sur une des perfections particulières de sa figure ou de son âme, d’autres fois il s’attache à décrire les effets de sa passion ; il les peint et les analyse avec toute la finesse et toute la grâce possibles, jointes à une grande perfection de poésie et quelquefois même à une philosophie profonde.
IL n’était pas causeur ; une pointe d’amertume passait dans la gravité souriante de ses propos ; il portait avec une grâce héroïque l’incurable blessure que la trahison de la vie lui avait faite. […] Pascal, et donnait une base rationnelle aux dogmes de la chute et de la grâce. […] Il ne s’obstina pas : il ne chercha qu’à tomber avec grâce — en se faisant le moins de mal possible. […] Toute cette correspondance est d’un écrivain de premier ordre : Mme de Maintenon a une propriété, une netteté, une brièveté sans sécheresse, une justesse aisée, une grâce de bon sens naturel et limpide, qui faisait rendre les armes à Saint-Simon même.