/ 2293
1260. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

  Ces derniers jours, quelques privilégiés viennent de prendre, à Paris, par la grâce du Petit-Bayreuth, un peu d’encouragement à attendre la réconfortation du grand, du vrai Bayreuth. […] La traduction littérale devra tout respecter ; quelque chose comme : par Grâce sage, le Pur et Fol … Et si l’on dit que là n’est pas un sens bien clair de prime-abord, se figure-t-on que, de prime-abord, le texte allemand soit aux Allemands mêmes très limpide ? — Quant à la traduction de « Mittleid », « Grâce » la donne imparfaitement : mais il faut un trochée ! […] Wagner est loin de prêter le flanc à une calomnie semblable à celle qui voulut attribuer à Gluck, un mot impie, prétendant qu’on entendait le grand maître s’écrier avant de se mettre à composer : « Mon Dieu, faites-moi la grâce d’oublier que je suis musicien ! 

1261. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Dans la Théogonie d’Hésiode, Héphestos est l’époux d’Aglaé, la plus jeune des Grâces ; dans l’Iliade, de sa sœur Charis ; dans l’Odyssée, il a pour femme Aphrodite elle-même. […] Ce qu’il lui prêche, c’est la soumission absolue, l’amende honorable, le recours en grâce. […] Charidotès (Celui qui donne la grâce), il verse sur le corps de ses élèves la fleur de la beauté juvénile : Agonios, il les dresse aux essorts ardents de la course, aux jets vigoureux du disque, aux adresses et aux résistances de la lutte. […] Le temps, en détruisant le Prométhée Délivré, a révoqué sa grâce souscrite par Eschyle.

1262. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Cela ne vous apprend-il pas qu’il y a autant d’intérêt et de ce qu’on appelle poésie dans la domesticité d’une maison bien tenue que dans la solennité des actes de la vie héroïque, et que tout le génie de celui qui raconte une histoire ou un poème comme celui-là est de faire sortir, par la fidélité de sa description, ce que Dieu a mis de grâce, de beauté, de dignité et de sentiment en toute chose humaine ? […] La reine, sa mère, assise auprès du foyer, filait une laine couleur pourpre au milieu de ses servantes… — « Mon père chéri, dit Nausicaa, ne me ferez-vous point la grâce d’ordonner qu’on me prépare un chariot magnifique aux roues arrondies, pour que j’aille laver dans le fleuve les beaux vêtements de la maison qui sont couverts de poussière ? […] Homère connaissait cette grâce des cheveux blancs qui correspond dans une famille complète à la grâce de l’enfance.

1263. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

L’homme de lettres qui les voit et qui les flatte le plus, est pour eux, quelque médiocre qu’il soit, le premier dans son genre ; à peu près comme les grâces d’un ministre sont pour ceux qui lui font la cour la plus assidue. […] Les gens de lettres qui font leur cour aux grands, forment différentes classes ; les uns sont esclaves sans le sentir, et par conséquent sans remède ; d’autres s’indignant du personnage désagréable auquel on les force, ne laissent pas de le supporter constamment par l’avantage qu’ils se flattent d’en retirer pour leur fortune ; c’est leur faire grâce que de les plaindre : ils pourraient facilement se convaincre, par eux-mêmes, que ce moyen de parvenir à la fortune est encore plus long qu’il n’est sûr, et considérer par combien de complaisances ou de bassesses ils achètent le plus petit service. […] Par là les hommes seront remis plus à leur place, les grâces devenues moins faciles à obtenir ne seront plus disputées que par ceux qui pourront les mériter ; et les écrivains, les philosophes, les artistes célèbres, trouveront d’ailleurs dans l’estime de leur nation un prix assez flatteur pour attendre patiemment d’autres récompenses, ou pour faire rougir ceux qui les en priveraient. […] Moins j’ai cherché les bienfaiteurs, moins je dois oublier ceux qui ont voulu être les miens ; et les grâces dont sa majesté m’a honoré, toujours présentes à mon cœur, me rappelleront sans cesse ce que je dois au ministre qui me les a obtenues.

1264. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Rosny, conduit à Vendôme par son père et présenté par lui à Henri, devant la reine Jeanne d’Albret sa mère, lui débita très bien sa petite harangue avec des protestations de lui être à jamais très fidèle et très obéissant serviteur : Ce que vous lui jurâtes en si beaux termes, lui rappellent ses secrétaires, avec tant de grâce et d’assurance, et un ton de voix si agréable qu’il conçut dès lors de bonnes espérances de vous ; et vous ayant relevé, car vous étiez à genoux, il vous embrassa deux fois et vous dit qu’il admirait votre gentillesse, vu votre âge qui n’était que d’onze années, et que vous lui aviez présenté votre service avec une si grande facilité et étiez de si bonne race qu’il ne doutait point qu’un jour vous n’en fissiez paraître les effets en vrai gentilhomme. […] Rosny fut toujours d’humeur assez difficile et assez ombrageuse ; mais sa prudence précoce eut pourtant de la jeunesse ; il eut ses heures de bonne grâce, ses conversations avec les dames, son art de les entretenir et de les faire parler.

1265. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Joinville, sans y viser, a fait ainsi plusieurs portraits de saint Louis : c’est ici le portrait de guerre dans toute sa bonne grâce et son éclat éblouissant. […] Pendant que le roi disait ses grâces, Joinville, tout pensif, s’en alla donc à une fenêtre grillée qui était dans un enfoncement vers le chevet du lit du roi, et là, passant ses bras à travers les barreaux de la fenêtre, il pensait mélancoliquement à ce qu’il ferait s’il lui fallait demeurer en Syrie sans son maître et seigneur ; car il se croyait en conscience obligé d’y rester jusqu’au rachat de ses amis et de tout son monde.

/ 2293