Est-il vrai qu’un tribun soit condamné à s’opposer toujours, sans raison et sans mesure, au gouvernement ; à attaquer tout ce qu’il fait et tout ce qu’il propose ; à déclamer contre lui quand il approuve le plus sa conduite ? […] Il y a en lui l’homme de gouvernement, il y a l’homme de publicité ; les habitudes de celui-ci reviennent fréquemment à travers l’autre61. […] Je n’ai pas à développer tous les mérites et les perfections que Roederer reconnaît en Louis XII ; il en fait je ne sais quel type accompli, il semble, en vérité, que du moment que Bonaparte, premier consul, ne s’était point tenu dans sa forme première et avait brisé le cadre où il s’était plu d’abord à l’enfermer, Roederer s’était, de regret, rejeté en arrière, et qu’il avait cherché loin des régions historiques brillantes, loin de la sphère de l’admiration et de la gloire, et, comme il dit, « dans l’obscure profondeur d’un gouvernement utile », un héros d’un nouveau genre, pour se consoler et se dédommager de celui qu’il n’avait pu fixer. […] Il montra que, dans un gouvernement naissant et dans un ordre à peine établi, le roi ne pouvait, sans inconvénient et sans danger, être ce soliveau que les Français n’aiment jamais sentir dans leur chef.
Selon lui, elle n’était nullement nécessaire avant d’éclater, elle était évitable ; elle a été purement accidentelle, en ce sens que « le caractère de ceux qui ont eu part à l’ancien gouvernement (à commencer par le caractère du roi, ennemi de toute résistance) a été le seul principe de la totale subversion de ce gouvernement » ; mais ce caractère de quelques personnes étant donné, et la faiblesse de l’opposition qu’elle rencontrera étant admise au point de départ, M. de Meilhan est bien d’avis que la Révolution en devenait un effet presque nécessaire : « Sa marche, dit-il, a été déterminée et hâtée par cette faiblesse ; le défaut de résistance a rendu tout possible, et, semblable à un torrent qui ne trouve aucune digue, elle a tout dévasté. » Il ne croit donc pas que la Révolution soit directement sortie des écrits de Rousseau ni de ceux des encyclopédistes, comme on le répète souvent, ni qu’elle découle de causes aussi générales : Si l’on suit attentivement la marche de la Révolution, il sera facile de voir que les écrivains appelés philosophes ont pu la fortifier, mais ne l’ont pas déterminée ; parce qu’une maison a été bâtie avec les pierres d’une carrière voisine, serait-on fondé à dire qu’elle n’a été construite qu’en raison de ce voisinage ? […] Examinant la nature des différents gouvernements et le dédain que professent les républicains pour celui d’Angleterre, le président de Longueil remarque que le gouvernement romain et celui des Anglais sont les seuls qui aient dû leurs succès et leur grandeur à leur constitution, tandis que les autres ont dû leur plus grande prospérité à ceux qui en ont tenu les rênes : Mais l’art d’attacher les hommes au régime qui les gouverne, et de le renforcer par leurs efforts, quoique souvent en sens contraire en apparence, n’a été le partage que de ces deux peuples.
Mais comment alors, dans le gouvernement, des hommes d’État sérieux et vertueux ont-ils pu prêter appui à la légère, et dans des vues toutes momentanées, à des opérations qui n’ont jamais présenté aucune chance de succès légitime et qui entraînaient visiblement à une corruption immédiate ? […] Mais sans prétendre diminuer l’idée du tort immense qu’apporte la contrefaçon extérieure, on n’y peut rien directement : il faudrait là une intervention du Gouvernement, une négociation internationale. […] Sa lettre sur la propriété littéraire, que nous avon déjà indiquée, est faite par ce genre d’excès pour remettre les choses au vrai point de vue : elle ne tend à rien moins qu’à proposer au Gouvernement d’acheter les œuvres des dix ou douze maréchaux de France, à commencer par celles de l’auteur lui-même qui s’évalue à deux millions, si j’ai bien compris. Vous imaginez-vous le Gouvernement désintéressant l’auteur de la Physiologie du Mariage, afin de la mieux répandre, et débitant les Contes drolatiques comme on vend du papier timbré ?
Dans le cours d’histoire qu’il professa aux Écoles normales après la Terreur (1795), s’élevant avec raison contre l’abus qu’on a fait des études grecques et romaines, il va pourtant jusqu’à l’excès quand il dit : Oui, plus j’ai étudié l’Antiquité et ses gouvernements si vantés, plus j’ai conçu que celui des Mamelouks d’Égypte et du dey d’Alger ne différaient point essentiellement de ceux de Sparte et de Rome, et qu’il ne manque à ces Grecs et à ces Romains tant prônés que le nom de Huns et de Vandales pour nous en retracer tous les caractères. […] cessons d’admirer les anciens qui nous ont peu appris en morale et rien en économie politique, seuls résultats vraiment utiles de l’histoire. » Il définit le gouvernement « une banque d’assurance, à la conservation de laquelle chacun est intéressé, en raison des actions qu’il y possède, et que ceux qui n’y en ont aucune peuvent désirer naturellement de briser ». […] Plus on la lit, plus on la médite, et plus on s’aperçoit de la vérité de cette assertion ; en sorte que, considérant combien la conduite des nations et des gouvernements, dans des circonstances analogues, se ressemble, et combien la série de ces circonstances suit un ordre généalogique ressemblant, je suis de plus en plus porté à croire que les affaires humaines sont gouvernées par un mouvement automatique et machinal, dont le moteur réside dans l’organisation physique de l’espèce. […] Le gouvernement s’adressait à lui pour établir un ordre méthodique de questions à l’usage des autres voyageurs ou des agents qu’il entretenait dans les divers pays.
Dans cette guerre acharnée contre le gouvernement, et particulièrement contre le roi, on était tout cœur, tout feu. […] Massacres, emprisonnements, arrestations, perquisitions, procès, assommades de la police, tous ces épisodes des premiers temps du gouvernement de 1830 reparaissent à chaque instant ; qu’on en juge : La Liberté, jeune et belle, assoupie dans un dangereux sommeil, coiffée de son bonnet phrygien, ne pense guère au danger qui la menace. […] C’était avec cette même fureur que la Caricature faisait la guerre au gouvernement. […] L’opiniâtreté des poursuites, l’attitude du gouvernement qui s’était affermi, et une certaine lassitude naturelle à l’esprit humain avaient jeté beaucoup d’eau sur tout ce feu.
Reynaud, qu’un gouvernement issu de la classe bourgeoise ne devait, au dedans et au dehors, représenter d’autre intérêt que celui de cette classe. […] Et si l’on vient citer le don de la liste civile et la proposition des céréales pour prétendre que le gouvernement n’a pas toujours strictement agi dans l’intérêt de la classe dont il était issu, je dirai que, dans les douze millions donnés à Louis-Philippe, je vois le bourgeois courtisan essayant de faire briller avec de l’or son trône quasi-royal, et dans l’importation des blés le bourgeois prévoyant craignant d’éveiller la colère du peuple et les émeutes de la famine. » La vue de M.