« Car enfin j’opinais, je haranguais encore dans mes livres, et l’étude de la philosophie me semblait une nouvelle charge qui remplaçait pour moi le gouvernement de la république. […] Il énumère les trois formes principales de gouvernement des peuples : la monarchie pure, l’aristocratie souveraine, la démocratie ou la souveraineté du peuple ; il admet les mérites spéciaux de chacune de ces formes de gouvernement ; il trouve la monarchie plus stable, l’aristocratie plus intelligente, la démocratie plus juste ; mais il trouve la monarchie plus tyrannique, l’aristocratie plus égoïste, la démocratie plus versatile, plus passionnée et plus ingrate. La meilleure forme de gouvernement lui semble en définitive celle qui, en combinant ces trois modes, a les avantages de tous sans avoir les inconvénients de chacun. […] C’est la théorie de la justice et de la morale absolue appliquée au gouvernement des sociétés politiques. […] Son aversion, trop justifiée dans sa personne, contre le gouvernement populaire éclate à toutes les pages.
Ces succès, habilement combinés comme des éléments de popularité renaissante, intimidèrent la persécution chaque fois que le gouvernement, le parlement ou le clergé en prenaient ombrage. […] Caché sous le faux nom de l’abbé de Chaulieu, Voltaire échappa à la vengeance de l’Église et du gouvernement. […] Ces libelles étaient des armes que ces envieux fournissaient et tendaient au gouvernement pour frapper d’exil ou de prison leur bienfaiteur. […] Cette influence de Voltaire resta vivante, mais inerte, sous le gouvernement de la maison d’Orléans, dont on redoutait moins l’alliance avec le clergé. […] Le monde tend rationnellement à une indépendance mutuelle absolue de la conscience et du gouvernement, de la foi et de la loi, de Dieu et du prince.
La pensée isolée, en devenant collective, est devenue puissance ; les hommes de lettres ont pris confiance en eux-mêmes ; ils ont imposé considération à la nation, respect aux gouvernements ; ils ont donné à la raison publique, muette ou intimidée dans l’individu, une audace modérée, mais efficace dans le corps ; ils sont devenus le concile laïque et permanent de la littérature nationale ; ils ont donné du caractère au génie français. […] La France bien considérée est le gouvernement des lettres. […] Elle répudia du cœur la langue, les idées, la littérature d’un peuple dont le gouvernement avait pour premier ministre le bourreau. […] XXII Mais peut-on louer en conscience et en humanité une assemblée qui gouvernait à coups de hache, comme si le meurtre était un gouvernement ? […] Le crime est précisément l’inverse de toute politique ; car toute politique n’est que la morale divine appliquée par la grande conscience des hommes d’État au gouvernement des nations : le crime au contraire n’est que l’immoralité humaine appliquée par l’impuissance ou par la perversité de la fausse conscience des ambitions au succès de leur cause ou de leur fanatisme.
Munter occupait, dans ce pays éclairé et sous ce gouvernement sage, une position élevée, comparable à celle de Goethe à Weimar, d’Ancillon à Berlin. […] Bonstetten, devenu tout à fait littérateur en ces années et auteur en allemand, pensait à se fixer pour toujours à Copenhague ; il avait obtenu l’indigénat, et invitait même son ami Muller à le venir rejoindre ; car il n’avait que relâché un peu ses liens d’amitié avec l’illustre historien ; en acquérant de nouveaux amis, il ne renonçait pas aux anciens, et il justifiait ce joli mot de lui et qui lui ressemble : « Ce qui est léger n’est pas toujours infidèle. » Dès que l’établissement du Consulat eut procuré une trêve à la Suisse, et qu’elle rentra, à l’exemple de la France, dans la voie des gouvernements réguliers, Bonstetten se sentit rappelé vers elle ; il y revint en 1801, non sans donner au bon pays hospitalier qu’il quittait des larmes sincères. […] C’eût été le moment sans doute pour un gouvernement d’une autre nature de songer à tirer parti de ses propres ressources et de redemander à un sol fertile ses richesses trop oubliées. […] [NdA] Ce n’est pas, dit-il, que le gouvernement de Rome soit moins animé de l’amour du bien public qu’aucun autre gouvernement de l’Europe ; mais mille raisons l’empêchent d’aller en avant avec les lumières. La force de ce gouvernement reposant sur d’antiques opinions, l’immobilité semble faire partie de sa dignité même.
Il est évident que les lumières sont d’autant plus indispensables dans un pays, que tous les citoyens qui l’habitent ont une part plus immédiate à l’action du gouvernement. […] Il faut faire naître le désir, au lieu de commander l’obéissance ; et lors même qu’avec raison le gouvernement souhaite que telles institutions soient établies, il doit ménager assez l’opinion publique, pour avoir l’air d’accorder ce qu’il désire. […] Les gouvernements, dans les pays devenus libres, ont besoin, pour détruire les antiques erreurs, du ridicule qui en éloigne les jeunes gens, de la conviction qui en détache l’âge mûr ; ils ont besoin, pour fonder de nouveaux établissements, d’exciter la curiosité, l’espérance, l’enthousiasme, les sentiments créateurs enfin, qui ont donné naissance à tout ce qui existe, à tout ce qui dure ; et c’est dans l’art de parler et d’écrire que se trouvent les seuls moyens d’inspirer ces sentiments. […] Ils évaluent d’abord la force du gouvernement, quel qu’il soit ; et comme ils ne forment d’autre désir que de se livrer en paix à l’activité de leurs travaux, ils sont portés à l’obéissance envers l’autorité qui domine. […] Dans la seconde, j’examinerai l’état des lumières et de la littérature en France, depuis la révolution ; et je me permettrai des conjectures sur ce qu’elles devraient être et sur ce qu’elles seront, si nous possédons un jour la morale et la liberté républicaine ; et fondant mes conjectures sur mes observations, je rappellerai ce que j’aurai remarqué dans la première Partie sur l’influence qu’ont exercée telle religion, tel gouvernement ou telles mœurs, et j’en tirerai quelques conséquences pour l’avenir que je suppose.
C’est un homme sincère et modéré, qui a déjà livré plus d’un combat pour toute liberté et contre tout arbitraire, qui, en 1829, dans la dernière année de la restauration, a repoussé tout ce que le gouvernement d’alors lui offrait pour le dédommager de l’interdit lancé sur Marion de Lorme, et qui, un an plus tard, en 1830, la révolution de juillet étant faite, a refusé, malgré tous les conseils de son intérêt matériel, de laisser représenter cette même Marion de Lorme, tant qu’elle pourrait être une occasion d’attaque et d’insulte contre le roi tombé qui l’avait proscrite ; conduite bien simple sans doute, que tout homme d’honneur eut tenue à sa place, mais qui aurait peut-être dû le rendre inviolable désormais à toute censure, et à propos de laquelle il écrivait ceci en août 1831 : « Les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue. […] Il est bon que la leçon de dignité et de sagesse soit donnée par le particulier au gouvernement, par celui qui est persécuté à celui qui persécute. […] Le gouvernement de juillet est tout nouveau-né, il n’a que trente — trois mois, il est encore au berceau, il a de petites fureurs d’enfant. […] À notre avis, le gouvernement abuse de cette disposition au repos et de cette crainte des révolutions nouvelles.