Elle a choisi les causes de la corruption du goût, qui sont plûtôt chez elle le prétexte, que le dessein de l’ouvrage. […] Mais le jugement et le goût resserrent de beaucoup ces richesses. […] Plus le goût s’épure, plus la fécondité des auteurs est à l’étroit. […] Le génie, le goût des autres, c’est ignorance de l’art. […] Pour ceux qui ont lû mon poëme, ils ont du goût pour la poësie, ou ils n’en ont pas.
Elle n’a ni goût ni délicatesse, et s’en veut donner l’extérieur. […] Et ce ne fut point là une mode passagère ; quoique dégrossi, ce goût dura. […] Il a les goûts et les faiblesses qui conviennent à sa forme d’intelligence. […] C’est à peine si une allégorie biblique conforme au goût du temps dissimule les noms sans cacher les hommes. […] Cette stérilité d’invention altère le goût ou l’alourdit.
La derniere n’est qu’un joli divertissement ; mais les deux autres respirent le goût de la bonne Comédie ; & quoiqu’elles ne soient pas exemptes de défauts, elles n’en offrent pas moins une infinité de traits qui annoncent de vrais talens. […] Quand l’Auteur n’auroit eu que le courage de résister au goût dominant du siecle pour le langoureux ou philosophique, ce qui est la même chose ; d’avoir su mépriser ce genre bâtard, quoique plus facile & plus applaudi par la multitude, & de s’être uniquement attaché aux bons modeles ; cette preuve de jugement suffiroit seule pour lui mériter des applaudissemens capables de l’encourager.
Avec ce goût-là, un estomac qui digère, deux cent mille livres de rente, et un chapeau rouge, on est au-dessus de tous les souverains… » Bernis répond, de Saint-Marcel en Vivarais où il est en ce moment, et il remet tout d’abord le spirituel correspondant au ton et au point qu’il désire : Je ne suis point ingrat, mon cher confrère : j’ai toujours senti et avoué que les lettres m’avaient été plus utiles que les hasards les plus heureux de la vie. […] Le cardinal de Richelieu n’avait point de goût ; mais, mon Dieu ! […] Un jour Voltaire lui envoie le Jules César de Shakespeare et l’Héraclius de Calderon, à titre de farces ou de folies, pour le divertir et le mettre en belle humeur ; et Bernis répond par une lettre pleine de grâce et de sens : Notre secrétaire (celui de l’Académie) m’a envoyé l’Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire le Jules César de Shakespeare : ces deux pièces m’ont fait grand plaisir comme servant à l’histoire de l’esprit humain et du goût particulier des nations. […] Ce sont moins des remarques, dit-il, que des doutes : « J’aime votre gloire, c’est ce qui me rend peut-être trop difficile. » Puis il félicite Voltaire de ce talent que Dieu lui a donné, de corriger les ridicules de son siècle, et de les corriger en riant, et en faisant rire ceux qui ont conservé le goût de la bonne compagnie. […] Mais il a le mérite d’avoir senti et signalé, l’un des premiers, ce qui devait corrompre le goût léger, vif et spirituel, et la gaieté originale de notre nation.
Dès 1800 et vers les premières années de cette renaissance, quelques hommes de talent et de goût revinrent également au grand règne, mais par un sentiment prompt et vif d’admiration pour les chefs-d’œuvre, par l’adoption reconnue salutaire des doctrines, par l’attrait du beau langage et de l’éloquence ; les Fontanes, les Joubert, les Bausset obéirent à cet esprit et s’en firent les organes. […] C’est alors que, retiré absolument des affaires, au seuil d’une robuste vieillesse, vivant de préférence en sa charmante habitation du Bois-Roussel (dans l’Orne), au milieu des libertés champêtres ou des joies de la famille, il se livra à ses goûts d’étude et de société combinés, et à la composition d’ouvrages moitié littéraires, moitié historiques, où il se développa avec une originalité entière. […] On ne saurait se dissimuler qu’il a une façon dépenser particulière, une tournure métaphysique portée dans les choses, un goût de paradoxe ingénieux : ç’a été la forme de son esprit. […] Le fond de ses goûts s’est déclaré avec honneur. […] [NdA] On devine assez, sans que j’avertisse, que tout ce que Napoléon dit ici de lui, il est amené à le dire par opposition au roi Joseph, aux goûts littéraires de ce dernier, à ses illusions de souverain nouveau, et aux qualités militaires et de commandant en chef qu’il n’avait pas.
Elle était connue, assez mal connue, il est vrai, très-mal famée, et elle semblait condamnée sans appel ; il a fallu un certain effort de curiosité et une sorte de courage de goût pour revenir jusqu’à elle et y pénétrer. […] C’était par le goût plus que par la science qu’on y était revenu, et longtemps ç’a été le goût, la fantaisie même plus que la méthode, qui a présidé à ces résurrections ou réhabilitations. […] Nous avons là, pour ainsi dire, le cours de la Bourse littéraire : je ne le donne certes pas comme une mesure exacte du goût ; c’est, du moins, un signe et un indice. […] On y a gagné en largeur d’idées, et l’on s’est mieux rendu compte des révolutions ou revirements du goût. […] C’est alors que, sur le déclin du moyen âge, un poème qui ne semblait point destiné d’abord à la grande fortune qu’il eut depuis, le Roman de la Rose, causa, parmi les esprits cultivés, une vive distraction, et apporta dans le courant des idées poétiques une perturbation étrange ; ce qui n’était d’abord qu’un accident devint (comme cela s’est vu souvent en France) l’occasion d’un entraînement général, d’une véritable révolution dans le goût.