Savez-vous bien qu’on se moquait de Pline dans son temps, qu’on le raillait, lui amiral, général d’armée, de se livrer à ces recherches qui semblaient parfois minutieuses et frivoles, de s’en aller demander à l’étude des herbes et des simples je ne sais quelles recettes qu’il fallait laisser à Caton l’Ancien ? […] Et Pline nous apprend que, tandis que l’usage général à Rome était déjà de brûler les corps, la famille Cornelia, ainsi que quelques autres familles, avait conservé les rites anciens qui consistaient à les enterrer. […] Il avait cette finesse de réflexion de laquelle dépend l’élégance et le goût, et il communique à ses lecteurs une certaine liberté d’esprit, une hardiesse de pensée qui est le germe de la philosophie… Le jugement de Buffon est extrêmement favorable à Pline ; il semble que le grand écrivain ait eu pour lui de la reconnaissance, qu’il ait deviné qu’on lui reprocherait un jour à lui-même quelques-uns des défauts qu’on peut imputer à l’auteur romain, et qu’il se soit plu d’avance à saluer en lui quelques-unes de ses propres qualités, quelques-uns des traits généraux de sa manière. […] la religion de la nature, eux, ils n’ont nullement senti et daigné saisir cet esprit général circulant et respirant dans Pline.
Derrière la bourgeoisie satisfaite, il aurait continué d’apercevoir les graves et perpétuels symptômes généraux d’invasion qu’il avait dénoncés le premier dans ces termes en 1791 ; après avoir parlé de la grande et première invasion des barbares contre l’Empire romain : « Dans le tableau de cette mémorable subversion, disait-il, on découvre l’image de celle dont l’Europe est menacée. […] Ce qui frappe Mallet aux diverses époques de notre Révolution, surtout pendant la période qui suit la Terreur, et au lendemain des nouvelles rechutes (telles que le 13 Vendémiaire, le 18 Fructidor), c’est l’absence complète d’opinion et d’esprit public, dans le sens où on l’entend dans les États libres : L’esprit public proprement dit, écrit-il le 28 janvier 1796, est un esprit de résignation et d’obéissance ; chacun cherche à se tirer, coûte que coûte, c’est-à-dire par mille bassesses infâmes, de la détresse générale. Depuis le 13 Vendémiaire (jour de la victoire de la Convention par le canon de Bonaparte), le découragement est général : ce qui n’empêche pas le beau monde d’aller à la Comédie en passant sur les pavés encore teints du sang de leurs parents ou voisins tués par la mitraille de Barras. […] Quelques mois après, il écrivait à M. de Sainte-Aldegonde à propos de la paix générale considérée comme très prochaine, et en dégageant sa pensée fondamentale de tout ce désarroi universel où chaque État faisait sa paix à part et tirait à soi : Tous ces tracas européens ne signifient plus rien pour nous.
À vingt ans, le jeune Fouquet eut une charge de maître des requêtes ; à trente-cinq ans, il était procureur général auprès du parlement de Paris. […] En ce même jour, je signai, il y a un an, la paix générale et le mariage du roi, qui ont rendu le repos à l’Europe ; allons en renouveler la mémoire au pied des autels. […] Fouquet, bien que surintendant, avait gardé sa place de procureur général au parlement de Paris, ce qui rendait impossible de le faire juger par commissaires en violation des droits et privilèges de sa compagnie. Il fallut donc, avant de songer à l’arrêter, l’amener à se démettre de cette charge de procureur général.
Peu à peu toutefois il s’acclimate ; les petites plaisanteries diminuent, la légère ironie cesse, et, après une année ou deux passées en France, il est tout à fait conquis à l’esprit général de notre nation : Je suis charmé, écrit-il à M. […] Par l’argument qu’il contient contre une Providence particulière, quoique vous accordiez une Providence générale) vous sapez les fondements de toute religion : car, sans la croyance à une Providence qui connaît, surveille et guide, et peut favoriser quelques-uns en particulier, il n’y a aucun motif pour adorer une Divinité, pour craindre de lui déplaire ou pour implorer sa protection. […] Pour le moment, je vous donnerai seulement mon opinion, c’est que, bien que vos raisonnements soient subtils et puissent prévaloir auprès de quelques lecteurs, vous ne réussirez pas au point de changer les sentiments généraux de l’humanité sur ce sujet ; et, si vous faites imprimer cet ouvrage, la conséquence sera beaucoup d’odieux amassé sur vous-même, du dommage pour vous, et aucun profit pour les autres. […] En même temps, il faut ajouter (dût-on y trouver quelque contradiction) qu’il était difficile, à ceux qui l’entendaient, de ne pas prendre feu, et de ne pas être tentés de réformer radicalement la société ; car il était lui-même, dans ses manières générales de voir et de présenter les choses, un grand, un trop grand simplificateur.
Lorsqu’un jeune naturaliste commence à étudier un groupe d’organismes qui lui est complétement inconnu, il est tout d’abord fort embarrassé pour distinguer les différences qu’il doit considérer comme de valeur spécifique, de celles qui n’indiquent que des variétés : car il ne sait quelle est la somme de variation moyenne dont le groupe est susceptible ; ce qui montre pour le moins combien il est général qu’il y ait un certain degré de variation. […] Il aura une tendance générale à faire beaucoup d’espèces, parce que, comme l’amateur de Pigeons ou d’autres volatiles dont j’ai déjà parlé, il sera sous l’impression de la différence des formes qu’il a constamment sous les yeux ; et il n’aura par contre, pour corriger cette première impression, qu’une connaissance superficielle et un sentiment moins vif des variations analogues des autres groupes en d’autres contrées. […] En partant de ce principe que les espèces ne sont que des variétés bien tranchées et bien définies, je fus conduit à supposer que les espèces des plus grands genres en chaque contrée doivent aussi présenter un plus grand nombre de variétés que les espèces des plus petits genres ; car, partout où un grand nombre d’espèces étroitement alliées, c’est-à-dire du même genre, ont été formées, beaucoup de variétés ou espèces naissantes doivent, en règle générale, être actuellement en voie de formation. […] Tel est certainement le cas, si les variétés sont des espèces naissantes ; car mes tables établissent clairement qu’en règle générale, partout où beaucoup d’espèces d’un genre se sont formées, les mêmes espèces présentent un nombre de variétés ou d’espèces naissantes au-dessus de la moyenne.
Delolme, sur la constitution anglaise, une page où cette constitution est admirablement analysée dans un sens général, comme une théorie pure, sans aucune application particulière. […] L’Angleterre a beau s’enorgueillir, quant à présent, de l’unité des mœurs et des opinions, elle ne pourra pas résister longtemps à l’impulsion générale ; et tant que durera l’asservissement des catholiques, elle sera réellement en arrière de la civilisation actuelle. […] Quoique la majorité numérique ne doive pas compter, cependant il faut qu’elle entre dans le calcul général pour une somme quelconque ; même ce nombre, dont il faut repousser l’influence, doit être consulté : il ne faut pas adopter ses opinions, mais il ne faut pas les dédaigner. […] On pourrait citer quelques exceptions à une règle aussi générale ; mais je parle ici du train ordinaire des choses.