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634. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Sachant le grec dès l’enfance et comme sa langue maternelle, il étudie le français, et il s’y applique « avec le soin et l’exactitude qu’on met à approfondir une langue ancienne. » Il commente Malherbe, il possède à fond son Montaigne, son Rabelais ; il ignore Ronsard, et ce ne fut pas un malheur, car s’il doit renouveler à quelques égards la tentative de Ronsard, ce sera sans fausse réminiscence et « avec le goût pur de Racine. » M.  […] En résumé, sa préoccupation constante est d’enrichir la langue française de ses propres richesses. » — On ne saurait mieux voir ni mieux dire. […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie  siècles, avec cette différence que le xvie  siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. […] Toutes ces fleurs de la Grèce rassemblées autour du monument d’André Chénier nous avertissent qu’un Recueil considérable, entrepris depuis plusieurs années, et consacré à un choix des poëtes français, vient d’être terminé avec succès et mérite d’être recommandé au public ami des études.

635. (1762) Réflexions sur l’ode

Je me souviens d’en avoir lu il y a quelques années de françaises, faites par un Italien de beaucoup d’esprit ; les idées en étaient nobles, la poésie facile, correcte, et pourtant mauvaise. Eh bien, me disais-je à moi-même, si le français était une langue morte, ces odes paraîtraient excellentes ; il serait impossible d’y apercevoir le faible de l’expression. […] Si on vient un jour à ne plus parler la langue française, nos neveux mettront toujours La Fontaine au rang des grands poètes, parce qu’ils sauront le cas infini que nous en faisons, et que d’ailleurs nos neveux n’auraient garde de ne pas penser comme leurs ancêtres. […] Elle a considéré cependant, que si l’ode paraissait chanceler sur son trône, ce n’était pas à l’Académie Française à l’en précipiter ; et qu’elle devait tâcher au contraire de ranimer et d’encourager un genre, qui ne mérite pas de périr obscurément.

636. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Nous voulons parler de ses Considérations sur la Révolution française. […] Quiconque ne discerne pas cette double philosophie de la révolution française ne peut ni la comprendre, ni la juger, ni l’aimer, ni la raconter. […] Tel était le texte que madame de Staël commentait avec une vaine éloquence dans ses considérations sur la révolution française. […] Tel fut le prétexte du succès du livre de madame de Staël sur la révolution française. […] Officier de cavalerie dans l’armée française, blessé presque mortellement dans les guerres d’Espagne, il était revenu languir et mourir dans sa patrie.

637. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Elles soulèvent, elles décident d’avance les grandes questions littéraires qui doivent (nous l’allons voir) passionner bientôt le public français presque à l’égal d’une révolution. […] On a remarqué que les Français excellent à faire dans le monde la fortune des idées. […] L’idée juste de l’école moderne avait été posée en silence par les philosophes allemands et français dont nous avons parlé. […] Les philosophes allemands savent penser ; les Français, en général, savent écrire. […] Ici Hegel avait été plus large et plus vrai que le philosophe français.

638. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Qu’est-ce que Racine, Voltaire, Rousseau, et tous nos Français efféminés et plagiaires, auprès de ce Sénèque retrouvé pour faire rougir les peuples de leur servitude, et pour faire trembler les tyrans de leur audace ?  […] Le piémontais n’est pas une langue : c’est un patois, moitié vaudois, moitié allobroge, moitié génois, moitié milanais, moitié français, tout, hors de l’italien. En français les places étaient prises, en piémontais il n’y avait que les places burlesques à prendre ; le burlesque n’a que le patois pour s’exprimer, et le piémontais a de véritables chefs-d’œuvre dans ce dialecte. […] C’était un prince philosophe, extrêmement libéral d’institutions dans un pays où il semblait faire l’essai des principes de la révolution française, tempérée par un despotisme populaire sans danger. […] On y parle français : il y a quelques religieuses d’un mérite très distingué.

639. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Et cependant les conséquences auxquelles il fallait se résoudre étaient évidentes, à cause de la proximité des troupes françaises. […] Pie VII n’eut pas de peine à lui prouver combien sa détermination était juste ; il lui démontra qu’il ne pouvait accepter le plan de concordat tracé par le gouvernement français. […] Ils nous firent asseoir en cercle, et alors le ministre des cultes commença un long discours qui ne fut compris que du plus petit nombre, car parmi les treize il y en avait à peine trois qui sussent le français. […] Pour qu’on ne mît pas d’entraves à notre sortie, je fis valoir l’ignorance de la langue française constatée chez plusieurs et même chez le plus grand nombre. […] « Le cardinal Litta, qui habitait chez le cardinal Mattei, porta notre document au ministre des cultes, parce que Mattei ne parlait point français, et que le ministre n’entendait pas l’italien.

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