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210. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Partout où il reste une chance à la fortune, il n’y a point d’héroïsme à la tenter. […] Chateaubriand comprit qu’il fallait changer de parti quand la fortune changeait de héros. […] — C’est, répondit-elle, parce que M. de Chateaubriand est mon ami, et que M. de Lamartine est mon héros. » Ce mot est trop flatteur pour que je l’aie oublié, jailli d’une telle bouche, à une époque surtout où la fortune ne paraissait me préparer aucun rôle héroïque ; mais les femmes ont plus que nous dans leur cœur la prophétie de nos destinées. […] Chateaubriand profita de cette détente des opinions pour se réconcilier avec le roi nouveau et avec sa fortune évanouie. […] La nature lui donna plus que la fortune ; et s’il eût été vertueux, le pays aurait reconnu en lui une de ses plus resplendissantes renommées.

211. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

L’ambition lui est venue avec la fortune ; des plumes de paon commencent à pousser sur ce plumitif ; Prudhomme aspire à pisser grand homme. […] Mais il n’est pas plus capable de diriger la pièce que de gérer sa fortune. […] Il arrive d’Espagne, après dix ans d’exil volontaire et de labeur opiniâtre, et il en rapporte la fortune sous la forme d’un projet qui doit en même temps honorer son nom. […] L’appartement d’un célibataire, quel que soit l’éclat de ses bonnes fortunes, n’est, après tout, ni un mauvais lieu ni un antre. […] D’Estrigaud recule d’abord devant cette fortune souillée, puis il s’apprivoise à l’idée de la payer de son nom.

212. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Au fond de la plupart de ses raisonnements, il y a cette opinion, fausse sans doute, que la fortune ne s’acquiert qu’en exploitant les autres et en pressurant les pauvres. […] Ces braves gens s’indignent contre la prétention qu’ont ceux qui font leur fortune de rendre par surcroît un service social. […]   — Comment donc Z… a-t-il fait une fortune considérable, quand tous autour de lui sont restés pauvres ? […] Elle n’avait pas de fortune. […] Z… est le seul homme un peu comme il faut de notre entourage ; il a une belle position ; il est riche, estimé, on ne lui demande pas compte de la manière dont il a pu acquérir sa fortune.

213. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

le combat a plus d’une chance, les choses humaines sont au hasard d’un coup de dé, et la victoire aime à changer de drapeaux : on ne dit pas qu’Alexandre lui-même ait toujours réussi en tout, ni que la fortune de César ait été de tout point infaillible. […] passons à d’autres », dit la Fortune ; et le Génie de la civilisation, se voilant un moment et la suivant à regret, parle bientôt comme elle. […] Et comme exemple mémorable, à côté de Quènes de Béthune chansonnier du Nord et trouvère, je citais encore Raimbaut de Vaqueiras, le plus distingué des troubadours d’alors par l’originalité et le talent, un chevalier de fortune, qui était de l’expédition et attaché au marquis de Montferrat.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

On avait eu toutes les gloires ; il en restait une dernière à acquérir qui complète toutes les autres et les surpasse, celle de résister à la mauvaise fortune et d’en triompher ; après quoi on se reposerait dans ses foyers, et on vieillirait tous ensemble dans cette France qui, grâce à ses héroïques soldats, après tant de phases diverses, aurait sauvé sa vraie grandeur, celle des frontières naturelles, et de plus une gloire impérissable. — En disant ces nobles paroles, Napoléon se montrait serein, caressant, rajeuni… Il n’y avait, malheureusement, de vrai dans sa conclusion que la gloire. […] Le livre liie , notamment, qui s’intitule « Brienne et Montmirail », ces 170 pages qui embrassent moins d’un mois, qui développent surtout ces huit brillantes journées (10-18 février) de victoires arrachées coup sur coup, de succès enchaînés, Champaubert, Montmirail, Château-Thierry, Vauchamps, jusqu’à Montereau où le temps d’arrêt recommence, ces bonnes journées dans lesquelles Napoléon put croire au retour de son soleil et sourire aux dernières faveurs de la fortune, n’ont rien qui les égale, et M.  […] Première faveur de la fortune, premier mouvement de joie depuis le commencement de la campagne !

215. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

J’ai vu tomber père, mère, femme et fortune. […] Si, d’autre côté, il m’était resté une faible portion de la fortune que le cours des choses me destinait, ne fût-ce que le nécessaire (source assez féconde d’indépendance), j’aurais soutenu noblement le rôle d’écrivain. […] Il y a dix-sept ans, je voulais m’endormir à jamais ; depuis ce jour j’attends, et peut-être il se trouvera enfin que j’eusse bien fait de quitter alors cette terre sur laquelle je suis inutile, sans fortune, chargé du sort des autres et privé de bras vigoureux propres à tout.

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